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Série Noire #5 - Panopticon, Ashenspire, Wake, Nechochwen, Kawir...

lundi 8 août 2022
Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

 

Il fait torride et le soleil ne se lasse pas de tout brûler ; on pourrait croire la saison particulièrement peu propice au black metal. Pourtant, encore une fois, la Série Noire, notre rubrique bimensuelle consacrée au sorties marquantes de ce genre qui gravite entre noirceur et occultisme, a largement trouvé de quoi vous faire patienter jusqu'au retour des longues nuits. Avec cette fois une mise à l'honneur des diverses scènes américaines qui cultivent le versant atmosphérique en évoquant la puissance de la nature et la mémoire des sociétés amérindiennes. Mais de la Russie à la Grèce en passant par la Hongrie, c'est là un cru des plus fournis.

 

Panopticon The End is Growing Near
Black Metal Atmosphérique – Etats-Unis (Bindrune Recordings)

Dolorès : Là où de nombreux groupes de black atmosphérique ont choisi d'emprunter la voie de ceux qui sortent peu régulièrement mais qui visent la qualité, Panopticon a clairement choisi le chemin opposé. Déjà 10 albums depuis quinze ans, une myriade d'EPs, de lives enregistrés et des splits à gogo... Tout n'est pas excellent, certes, mais on ne peut pas nier que le projet comporte également de sacrées perles.

Avec The End is Growing Near, le groupe (d'un seul homme !) crée une petite cassure car les deux titres n'ont rien à voir avec leurs lumineux et sereins derniers albums. En piochant dans des vieux titres de Panopticon qui ne sont jamais sortis auparavant, il renoue avec le son plus cru des premiers jours. Avec le second titre, on garde quand même un feeling mélodieux qui traverse le morceau comme un fil conducteur, ce qui n'est pas vraiment le cas du premier. Si « Haunted America II » ne me parle pas plus que ça, c'est vraiment ce second titre « The End is Growing Near » qui porte l'EP et lui donne ses lettres de noblesse. Clairement, on pouvait s'en douter dès le choix de pochette qui tranche clairement avec ses habituelles couleurs dorées et/ou les clins d’œil à une nature rassurante, le projet d'A. Lunn s'attarde ici sur les rapports, peu rassurants, qu'entretiennent la nature et ses envahisseurs : nous.

Car oui, un autre élément qui donne une certaine noblesse à Panopticon, c'est bien le choix de parler d'une part de la cruauté infligée aux peuples indigènes sur le sol américain, des premiers colons à nos jours, et de l'autre du réchauffement climatique et de notre inaction totale face au chaos qui nous attend. L'EP porte clairement bien son titre et une partie des bénéfices de la cassette, limitée à 300 exemplaires, sera versée à des populations indigènes du Minnesota. Elle est malheureusement déjà sold out, mais les fans semblent croiser les doigts pour un pressage vinyle. Simple, clair et droit dans ses bottes, Panopticon reste finalement encore et toujours là où on l'attend.

 

Ashenspire Hostile Architecture
Black Metal avant-gardiste– Royaume-Uni (Code666 Records)

Pingouin : Second album pour les écossais d’Ashenspire, après Speak Not of the Laudanum Quandary (2017). Cinq ans plus tard, les glaswégiens sortent cet opus sophomore, écrin raffiné de black avant-gardiste et contestataire.

Le groupe revendique ouvertement le caractère anti-système de sa musique, avec des textes s’attaquant tant à la misogynie et à la masculinité toxique qu'au système capitaliste, machine à broyer les travailleur-es et/ou les pauvres.

Musicalement, Ashenspire a les deux pieds dans le black metal avant-gardiste et progressif. On pense automatiquement à A Forest of Stars, avec ce chant scandé qui renforce l’aspect narratif des morceaux, comme si la voix épaisse d’un crieur de rue nous haranguait de loin. Le violon et le saxophone omniprésents ajoutent une touche presque naturaliste aux compositions d’Ashenspire, de même que ce choeur sur « How the Mighty Have Vision. »

Toute cette palette d’instruments et de sonorités, mariée au black metal classique, mais somme toute très efficace d’Ashenspire, crée une atmosphère « début du siècle, » qui sied si bien au metal d’avant-garde (Solefald, A Forest of Stars, Imperial Triumphant …). Il y a cette chape de plomb qui prend la forme à la fois de blastbeats et de riffs mid-tempo, et à la fois de paroles lourdes de sens sur l’oppression et le monde moderne, nos quotidiens trop pleins de souffrances et bien trop vides de sens. Et puis ces envolées lyriques, portées par des thèmes au violon et aux cuivres, et par les voix pleines d’émotions d’Alasdair Dunn, Fraser Gordon et James Johnson. Le tout pour une franche réussite artistique, qui pourrait bien marquer le black metal de son empreinte pour un bout de temps.

 

Denevér – Vámpir
Black Metal arrière-gardiste  – Hongrie  (Metal ör Die Records)

Malice : Attention, chaud devant, soupe de neurones. Si vous cherchez votre écoute avant-gardiste du moment, vous êtes au mauvais endroit et je vous renvoie vers le paragraphe d'au-dessus. Ici, les guitares font squik-squik, la batterie est artificielle, la pochette est plutôt moche et le tout sent bon la cave où chient les chauve-souris. Tibor Teberesi n'est pas venu pour révolutionner le black metal avec Denevér, mais pour balancer un brûlot aux accents quasi-death/thrash par moments. Au fil des morceaux, on finit par plonger tête la première dans l'ambiance de cave qui se dégage du tout. Tormentor n'est jamais bien loin, et même si Teberesi n'a bien sûr pas le génie précurseur de ses illustres compatriotes, il compense par une urgence et une brutalité assez géniales. « Éledj Vezér! » en devient oppressant avec ses riffs sans fin, presque sans but. La guitare, plus que cette voix grognée et assez monocorde, porte d'ailleurs l'album par un martelage des cordes quasi-permanent.

L'ennui pourrait pointer le bout de son nez assez vite mais Denevér parvient à alterner les rythmes de manière assez efficace, à offrir le petit passage réveillant l'intérêt, jusqu'à un « Erzel a félelmed » final assez épatant, encore une fois porté par cette violence quasi-juvénile (alors que Teberesi n'en est semble-t-il pas à son premier groupe). Le tout est un peu long pour le propos, et on ne tient pas avec Vámpir l'album de l'année, ni même du trimestre. Mais un plaisir old-school vers lequel je suis revenu quelques fois après écoute, ce qui valait donc bien mention.

 

Auriferous FlameThe Great Mist Within
Black Metal – Grèce (True Cult Records)

S.A.D.E : Tête pensante de Spectral Lore et Mystras, Ayloss a lancé un nouveau projet en cet été caniculaire : Auriferous Flame. Avec un son plus raw que ses autres projets, l'homme orchestre grec développe de magnifiques atmosphères brumeuses, tantôt vénéneuses, tantôt épiques. Nettement moins explorateur que Spectral Lore, Auriferous Flame est un hommage aux penchants les plus atmosphériques du black metal des années 90's. On retrouve parfois l'ombre d'un Bathory pour l'aspect scintillant de certains riffs, voir même une touche médiévisante à la Summoning (la partie centrale de Molting Gold). Mais il y a également quelques torrents de blasts plus sauvages habillés de notes acérées qui viennent vous embarquer vers des contrées plus tourmentées, sans que cela ne devienne véritablement de l'agression. Alors oui, on reste sur du metal extrême donc le chant est tout ce qu'il a de plus agressif, mais globalement The Great Mist Within n'est pas là pour vous malmener : ce sont davantages des propositions de paysages variés, parfois apaisants avec l'apparition de choeurs, parfois plus orageux (le final de Ancient Corridors), que propose Ayloss. Rien de véritablement original avec ce premier album, mais tout ce qui y est amené fonctionne bien : du son aux compos, on sent qu'il y a derrière ce projet un artisan qui sait ce qu'il veut et comment l'obtenir.

 

Nubivagant The Wheel and the Universe
Black Metal – Italie (Amor Fati Productions)

S.A.D.E : Derrière Nubivagant se cache Omega, batteur italien au CV fourni et au talent reconnu, officiant entre autres chez Darvaza. C'est en solo qu'il navigue ici, seul maître à bord de ce projet tout personnel. Et afin de briser tout suspense dès à présent : si vous avez écouté et aimé Roaring Eye, le premier album, vous serez normalement convaincu par ce second essai. Pour les autres, il est plus que recommandé de se plonger dans l'univers si particulier proposé par Nubivagant. Sur un terreau black metal, souvent mid-tempo, toujours intelligemment composé et développant une langueur assez hypnotisante, Omega pose un chant clair tout à fait particulier et reconnaissable. Avec une diction assez lente, presque détachée, et un timbre clair qui, s'il est difficile à qualifier de puissant, donne néanmoins de belles envolées mélancoliques, la voix joue un rôle majeur et central dans le style de Nubivagant. Il s'en dégage une magnifique tension entre une étrange nostalgie morne amenée par le chant et quelque chose de plus menaçant provenant des isntruments. Le son des guitares a quelque chose de feutré, de cotoneux, et de ce fait ne garde que peu de l'aspect agressif associé au Black metal : même les parties blast beat ne font pas dans le violent, mais posent plutôt un tapis d'émotions dures qu'Omega nous laisse le choix de laisser s'exprimer ou non. Pas de grosse surprise avec ce second album donc, mais une nouvelle réussite aussi classieuse que particulière.  

 

Nechochwen – Kanawha Black
Black atmosphérique/Folk appalache – USA (Bindrune Recordings)

Malice : Cette Série Noire se place sous le signe du metal nord-américain et de Bindrune Recordings : alors que Dolorès vous parle de Panopticon, j'évoque pour ma part le dernier opus de Nechochwen, avec qui Austin Lunn du Panoptique publiait un EP en 2020. Kanawha Black succède à cet EP et est donc le premier « vrai » album des natifs de Virginie-Occidentale depuis l'incroyable Heart of Akamon (2015). Après avoir commencé sa carrière sur un album purement folk inspiré de la musique des Appalaches, Nechochwen a évité l'écueil d'un black metal atmosphérique trop « ethnique », qui sentirait bon l'appropriation culturelle et la flûte de pan jouée par un vendeur d'attrape-rêves le long d'une brocante. Aaron Carey (chant, guitare, composition, instruments divers) et Andrew D'Cagna (ex-Obsequiae, section rythmique) n'ont d'ailleurs aucune origine amérindienne, mais rendent parcimonieusement hommage à certains moments clefs de l'histoire des tribus locales.

Kanawha Black offre une belle synthèse de ces influences : le titre éponyme ouvrant l'album, quasi-tribal (Rotting Christ n'est pas bien loin dans ces guitares rebondissantes), voit vite arriver un chant clair très maîtrisé, qui portera les deux prochains titres en bonne partie acoustiques. La voix de Carey se fait par moments plus profonde, quasi-growlée : l'interlude « A Cure for the Winter Plagues » évoque presque, dans l'esprit, une pièce de funeral doom. Il annonce une fin d'album bien plus énervée. Les guitares de « Visions, Dreams & Sign », dissonantes, rappellent par bribes un Black Twilight Circle auquel on aurait limé les griffes. Car la mélodie n'est jamais loin chez Nechochwen, dont la démarche reste un peu bâtarde, presque hésitante, entre deux rives. Kanawha Black en est l'illustration, coupé en deux et assez inégal, mais ne manquant pas de moments forts. 


 

Wake Thought Form Descent
Black/Death atmosphérique – Canada (Metal Blade Records)

ZSK : Il y a encore quelques années, Wake n’aurait pas du tout eu sa place dans cette rubrique car il pratiquait… du grindcore/crust. Mais, comme d’autres avant lui, le groupe canadien a bien évolué et est désormais accepté sur Metal Archives (gage d’engagement Métale s’il en est). A partir de l’album Sowing The Seeds Of A Worthless Tomorrow (2016), on a commencé à voir la formation tendre vers des influences black et death. Misery Rites (2018) a continué à tracer la voie, puis Wake a entériné sa mutation et s’est même fait énormément remarquer avec Devouring Ruin (2020). On est donc passé dans un domaine black/death assez varié, entre des touches chaotico-dissonantes, des passages plus feutrés et un petit reste de grind assez offensif. Mais tous les deux ans, Wake se réveille à nouveau et poursuit son évolution surprenante.

Débauché par Metal Blade, Wake va sur son sixième album encore plus élargir son spectre. Les traces de grind ont quasi totalement disparu, place désormais à une musique clairement black/death metal. Mais… comparé au plutôt noir Devouring Ruin, Thought Form Descent va laisser passer la lumière. Si l’ouverture sur "Infinite Inward" nous laisse un peu dans la lignée de Devouring Ruin, dès "Swallow the Light" le ton est donné : on passe plutôt dans un registre… atmosphérique ! C’est qu’on croiserait presque des mélodies à la Agrypnie voire même Harakiri For The Sky ! Wake vire donc vers un sous-style nettement connoté post/atmo, évoquant une bonne partie de la scène américaine mais aussi européenne en la matière. C’est un peu surprenant après ce qu’on avait entrevu sur Devouring Ruin, mais ça n’en est pas moins réussi.

Déjà grâce aux vocaux à fleur de peau de Kyle Ball tout du long, qui évolue d’ailleurs dans une palette assez large, entre montées déchirantes et assauts très rauques. Les musiciens multiplient les partitions franchement épiques avec quelques trémolos qui nous emmènent très haut. Malgré tout, et surtout comparé à l’imprévisible Devouring Ruin, Thought Form Descent est un album assez linéaire et les vrais moments forts sont à dénicher, "Swallow the Light" et "Venerate (The Undoing of All)" tirant tout de même leur épingle du jeu. Wake reste aussi un groupe estampillé « death » dans son black/death et les blasts sont généreux, occasionnant ici et là un mixage hélas assez brouillon. Finalement assez classique, Thought Form Descent n’est pas un album parfait et encore moins révolutionnaire, mais il couronne l’évolution originale d’un groupe qui arrive tout de même à briller aisément sur plusieurs tableaux au fil des ans. Et est-ce que ça va encore changer ?

 

Horn Verzet
Pagan/Epic Black Metal – Allemagne (Iron Bonehead Productions)

Malice : Cruellement mésestimé, Horn fait pourtant à mes yeux partie des groupes les plus qualitatifs du black pagan « à l'allemande » à l'heure actuelle. Nerrath, l'homme derrière la corne, est plutôt hyperactif puisque depuis 2015, c'est une publication tous les deux ans au moins, avec en plus de cela sa présence au sein des excellentissimes Cross Vault (epic doom). Verzet arrive deux ans après un Mohngang irréprochable, et enfonce le clou en insistant encore plus que précédemment sur la présence d'instruments acoustiques surprenants. Comme ce dulcimer, sorte de banjo, qui débarque sans crier gare dès « Pein Muss (gerieben als Korn) », où Nerrath alterne magnifiquement chant clair et hurlé. C'est sa voix claire qui lance le single « Alpenrekorder », clairement l'un de mes tubes de l'année. Cette fois, c'est un solo de violoncelle qui égaie le titre, offert par Lestaya qui émaillait déjà Mohngang de ses interventions.

Verzet s'éloigne toujours plus du black metal et s'aventure parfois aux confins du heavy/doom épique si on passe outre le chant hurlé (« Gagenblec », ses choeurs guerriers et ces riffs finaux que ne renierait pas Atlantean Kodex). Même les titres les plus frontaux comme « Aufstand » ont ce côté dansant, folklorique au sens le plus profond du terme. Comme sur Mohngang avec « Upstream Canals, a Bell Sound », Horn s'aventure vers du chant en anglais sur "A Hill to Die On", avec un peu moins de réussite peut-être, même si le morceau se permet une fois de plus une transition étonnante d'un morceau sautillant quasi punk à un nouveau passage acoustique. Dans cette façon de procéder, qui dilue les influences les plus old school au folk metal, on pense parfois à Windir, voire...aux vieux albums de Heidevolk. Une influence probable, puisque le morceau-titre « Verzet » est intégralement chanté, en néerlandais, par Joris van Gelre. Une conclusion surprenante, aux accents dramatiques et loin du côté enjoué parfois présent sur l'album. L'occasion aussi de vous enjoindre à écouter :Nodfyr: , le groupe actuel de Van Gelre, dont « Verzet » aurait pu être issu. Mention spéciale enfin à l'autre OVNI de l'album, ce « Protektor » tellement incongru avec son air électronique que j'ai vérifié plusieurs fois s'il s'agissait d'une reprise, et qui paraît taillé pour remuer la tête en live. Vraiment, Verzet est un concentré de tubes à écouter d'urgence. J'espère vous avoir convaincus.

 

Veter Daemonaz Muse Of The Damned
Black Metal – Russie (Osmose Productions)

ZSK : Veter Daemonaz, existant depuis 2009, est apparu sans crier gare il y a quelques temps comme nouvelle signature d’Osmose Productions. Un single, "Moon Sorcery", balancé discrètement sur YouTube, et c’est presque la grosse claque avec une partition démarrant façon Black’n’Roll bien senti avant un black metal particulièrement rugueux et efficace. Ce trio de Saint-Pétersbourg, one-man band à la base, vient donc nous proposer son premier album via notre bon vieux label français, après quelques splits et EPs. Et Veter Daemonaz de se poser comme un groupe enthousiasmant.

Le crunchy "Moon Sorcery" n’est peut-être pas représentatif de ce que le groupe fait réellement sur Muse Of The Damned. Son black metal ne déborde pas vraiment de l’appellation basique (pas vraiment death, encore moins thrash, pas plus qu’atmo ou post), mais se montre plutôt varié. On navigue donc entre un BM primitif et lancinant - mais loin d’être raw ou lo-fi, un BM plus rocailleux et remuant, et même des moments nettement plus mélodiques. Assez ironiquement surtout en ce moment, tout Russe qu’il est, Veter Daemonaz sonne souvent comme pas mal de groupes… ukrainiens. On ne va pas faire du name dropping mais il y a un truc, jusque dans le chant (bien que russophone) d’ailleurs.

Après un départ ambiant, "Muse of the Damned Part I" nous cueille d’ailleurs à froid avec un assaut tonitruant mais lourd dès que les instrumentations Metal sont de sortie. Muse Of The Damned propose alors un paquet de compos franchement mordantes et bouillonnantes ("Under the Banners of Night" avec son final légèrement sympho, "Moon Sorcery", "The Thread"). Toutefois, ce premier album est un peu terni par quelques menus reproches à faire : la composante mélodique est moins convaincante et source de longueurs, le groupe a tendance à se répéter parfois, des morceaux sont assez anecdotiques (l’instrumental "Twilight", le final "Muse of the Damned Part II"). Mais ce que fait Veter Daemonaz est prometteur, dans un style assez particulier et donc plutôt personnel malgré des influences assez évidentes. Au-delà de quelques compos valant le détour, on attendra donc une confirmation…

 

Kawir War of the Giants
Pagan/Black Metal – Grèce (Iron Bonehead Productions)

Matthias: Un album, le très intéressant Αδράστεια, en 2019, puis un split avec les compatriotes de Yoth Iria l'année suivante, et voici maintenant cet EP trois titres intitulé War of the Giants ; Kawir semble traverser une période plutôt propice à l'inspiration. Hélas les oracles ne sont pas forcément aussi favorables, car Therthonax, la tête pensante derrière le groupe hellénique, a traversé de graves ennuis de santé qui lui ont valu plusieurs opérations. Il semble s'en remettre, mais se retrouve incapable de se produire en live et très handicapé pour travailler normalement. C'est dans ce contexte que, avec son accord, sont sortis ces trois morceaux issus du prochain album de Kawir, dans l'espoir de ramener quelques oboles qui permettront d'aider le chanteur/guiratiste à se remettre sur pied.

On souhaite bien sûr un prompt rétablissement à Therthonax. Mais d'ici-là, que nous apporte donc cette gigantomachie ? Le morceau-titre déploie ce que Kawir fait souvent de mieux : une surenchère de puissance vocale, de chaos sonore qui progressivement s'organise autour d'un riff principal, comme un assaut qui s'éternise sur les positions des Olympiens, et quelques notes de flûtes traditionnelles pour souligner la tragédie de ce nouveau massacre pour les cieux et la Terre. « Tiresias » marque un peu le pas, le devin aveugle ayant droit à une instrumentation lourde marquée par les rafales de doubles pédales et par un refrain martelé, loin des envolées dans l'éther qui marquent habituellement les compositions de Kawir. Mais c'est « Hecantoncheires » qui fut pour moi une surprise dès la première écoute : ce troisième et ultime morceau, le plus long d'ailleurs de cet EP de presque 14 minutes, ne dépareillerait pas dans un film du registre épique et, une fois passé son intro qui tend vers le baroque, me rapelle même certains morceaux de grands compositeurs, dont la fameuse Vltava (« La Moldau » des Germaniques) de Bedřich Smetana - ou sa reprise par Cult of Fire. Kawir fait là un pas de côté très intéressant, et qui clôt cet EP à la perfection. A se demander donc ce que donneraient ces trois morceaux inclus dans la structure d'un album complet. En attendant, ils se suffisent très bien à eux-mêmes.

 

HulderThe Eternal Fanfare
Black Metal – USA (20 Buck Spin)

Matthias: Cela tourne à la malédiction : alors que, pour la seconde année consécutive, Hulder se glisse parmi mes plus grosses attentes au Metal Méan Festival, voila que pour la seconde fois le one-woman band américano-belge finit par annuler ! Bon, contre mauvaise fortune bon coeur, je peux au moins me consoler avec une nouvelle sortie de la part de la dame : The Eternal Fanfare, un EP de cinq titres et 25 minutes sortis chez 20 Buck Spin.

Et comme tout ce qui provient d'Hulder qui je le rappelle, a sorti son premier album l'année dernière seulement, c'est une véritable révélation au rayon black metal médiévalisant. Pas d'instruments folkloriques ici, et très peu finalement de chants d'église et autres pistes d'ambiance ; Hulder pratique un black metal très pur, mais aussi capable de distiller des ambiances très complexes à partir de compositions finalement dénuées des fioritures classiques dans le genre, et je ne dis pas cela que par solidarité ethniquo-culturelle. Avec « Sylvan Awakening » Hulder se fait le creuset, d'une part de touches typiques de la scène américaine en général et cascadienne en particulier, et de l'autre d'une construction musicale aux riffs lancinants qui sonne pour moi plutôt européenne. Le morceau-titre aurait pu nous réserver une ambiance toute en fausse joie et festivités cathartiques ; Hulder préfère nous plonger directement dans la folie cathartique et embrumée des fins de nuit d'une certaine Belgique profonde, où l'ont perçoit encore dans le Carnaval ou parenté avec une Chasse fantastique issue des âges primordiaux. Avec, toujours, ce riffing entêtant qui soutient une combinaison de voix, l'une growlée et l'autre plus spectrale. Un chef-d'oeuvre de plus dans une carrière qui commence à peine, mais qui ne marque aucun temps mort.