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3 albums pour (re)découvrir Chimaira

vendredi 21 février 2020
Michael

Avocat le jour, rédacteur sur Horns Up la nuit et photographe à mes heures perdues.

Il y a certainement des groupes qui vous ont accompagné pendant une période de votre vie. Vous en connaissiez la discographie d’alors sur le bout des doigts. Le moindre changement de rythme, le moindre cri, le moindre riff ; rien n’était un secret pour vous. Vous avez scandé à voix haute ou dans vos têtes les paroles de ce groupe, que ce soit chez vous, dans les transports ou en concert. Puis vos goûts ont changé, vous avez grandi, vos intérêts ont évolué.

Et un beau jour, par hasard, vous retombez sur une telle vieillerie. Le casque est porté sur les oreilles, et là toute votre jeunesse vous revient. Tous ces souvenirs remontent à la surface. Même un titre objectivement moyen prend une saveur particulière, celle de la nostalgie d’une époque révolue. D’autres titres, bien meilleurs, vous rappellent aisément pourquoi vous avez autant poncé votre walkman ou lecteur mp3 avec ce groupe.

C’est précisément le sentiment que j’ai eu avec Chimaira (prononcé « Kae-mi-ra »). J’ai découvert le groupe au moment de la sortie de Pass Out Of Existence, en 2001. Ce fut une claque monumentale. J’avais ensuite suivi attentivement leur carrière avant que ceux-ci ne se perdent un peu (derniers albums assez médiocres), pour finalement mettre fin à leur activité en 2014. Mais voilà que, récemment, Rob Arnold (guitariste du groupe de 1999 à 2011) a mis en ligne un certain nombre de vidéos sur Youtube (playthrough à la guitare ; anecdotes sur le groupe). Je me suis donc naturellement replongé dans la discographie des Américains, en espérant secrètement que cela annonce le retour du groupe...

A cette occasion, j’avais envie de faire un bref retour sur leurs albums qui m’ont le plus marqué. De quoi rafraîchir la mémoire de certains ou, sait-on jamais, de faire découvrir le groupe à d’autres ! Et, à vrai dire, le choix des trois albums c’est fait assez rapidement, puisqu’il s’agit des trois premiers.

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Après un premier EP (This Present Darkness), le groupe a déferlé sur les Etats-Unis avec leur album Pass Out of Existence. Autant le dire tout de suite, cet album est difficile à classer. Considéré par beaucoup comme du nu-Metal, il contient des éléments davantage Metalcore, voire Thrash. Loin d’être parfait (mix moyen, guitare accordée hyper bas au détriment de la clarté du son, quelques titres pas terribles), il dégage toutefois une atmosphère incroyable. De la malsaine Rizzo à la violente Severed en passant par la décousue mais entraînante Dead Inside, le groupe nous envoie sur le râble une musique bien plus prenante qu’on ne l’imagine. Le Michaël de 2001 s’en rappelle encore.

Naturellement, cet album n’a pas très bien vieilli. Mais la voix de Mark Hunter, tous ces sons électroniques concoctés par Chris Spicuzza et l’excellent Andols Herrick derrière les fûts contribuent à faire remonter la pression à chaque écoute. Il ne faut pas beaucoup de temps pour scander un « Severed ! » à tue-tête ou un « You – don’t – know – what’s – it like – to be – DEAD INSIDE ! ». C’est une musique assez simple mais qui, contrairement à ce que beaucoup ont pu penser à l’époque, est particulièrement cathartique, honnête, et pas uniquement dédiée à vendre du CD à des teenagers.

Car il faut bien comprendre qu’à l’époque, le groupe s’était fait détruire par une partie du « milieu ». Considérés comme des « posers » en raison de leur musique considérée comme faussement violente par les puristes, a fortiori compte tenu de l’exposition très rapide dont ils ont bénéficié (première partie de la tournée de Slayer suite à la sortie de God Hates Us All). Et pourtant...

Quoi qu'il en soit, cet album est certes bourré de défauts, de moments maladroits… Mais il a un charme incommensurable.

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La donne a commencé à changer avec la sortie de The Impossibility of Reason en 2003. Plus violent - bien que moins sombre - ; enfin doté d’un mix décent ; bien mieux composé ; cet album a montré que le groupe en avait sous le pied et était capable de fournir une musique plus conséquente.

Porté par le single Power Trip, cet album contient quelques perles de la discographie du groupe. Je pense notamment à l’hymne du groupe Pure Hatred, à la plus torturée Down Again ou à la très bondissante The Dehumanizing Process qui a toujours été incroyable en live. Et comment ne pas évoquer l’incroyable Implements of Destruction, instrumentale ultra-inspirée ?

Le groupe est encore un peu jeune, tâtonne parfois, peine à se trouver. On trouve sur le même disque des titres hyper rentre-dedans et bas du front, avec des trucs bien plus construits. Ce n’est pas forcément très cohérent. On sent que le groupe veut partir dans plein de directions différentes et s’essaye à pas mal de choses. Mais ce melting-pot est malgré tout une réussite, sans pour autant qu’on se l’explique vraiment.

Cet album a en tout cas lentement fait glisser la musique du groupe vers le qualificatif de « groove metal ». Mais, ainsi que cela a été dit, le groupe pioche en réalité un peu partout ses influences, car on peut notamment retrouver quelques passages très Death ou Thrash sur l’album. Quoi qu’il en soit, le résultat est brut, notamment grâce au travail de Rob à la guitare et Andols à la batterie. Ce dernier a certainement délivré sur cet album sa meilleure prestation pour le groupe. The Impossibility of Reason est résolument énervé, mené par un Mark Hunter qui ne respire pas la joie de vivre, que je vous conseille d’écouter ou de réécouter. Ca sent bon les années 2000, mais on ne s’en plaindra pas.

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A mon sens, c’est toutefois la sortie de Chimaira en 2005 qui a constitué l’apogée du groupe. Certes, Infection ou bien encore Resurrection apportent leur lot de pépites que je vous laisse découvrir (Six, notamment), si le cœur vous en dit. Mais l’album éponyme a un groove, une puissance, un effet cathartique inégalé pour le groupe. Surtout, il est bien mieux construit. La maturité, certainement.

Je crois que je pourrais résumer cet album au titre Lazarus. Jamais personne ne parle de ce titre. Le groupe l’a d’ailleurs joué très rarement en live. Et pourtant, il représente à mon sens la quintessence de la musique du groupe à l’époque : des riffs entêtants (la rythmique sur le refrain est folle) ; un refrain puissant ; une émotion palpable qui ressort tant de l’atmosphère du titre, que des paroles teintées de tristesse et de rage mais également de cette lente montée en puissance qui amène le solo (hyper réussi). Tout y est. Tout. On a envie de hurler, de cracher sa rage et son incompréhension avec Mark.

« Never had an explanation
Never had a chance to watch Lazarus rise
Never had a chance to thank him
Never had an explanation
Never had a chance to say goodbye

Lazarus ended his life, ungodly sacrifice, no reason why
Never had a chance to say goodbye 
».

Et le reste de l’album n’est pas en reste. Je pense à Pray for All et ses breakdowns assassins, à la puissante Inside the Horror (dont les riffs sont du reste excellents) et à la légendaire (n’ayons pas peur d’en rajouter) Nothing Remains qui donne envie de distribuer des gifles autour de nous (surtout sur le passage avant le solo, vers 3 minutes 25, où la guitare galopante et la double pédale vont vous contraindre à vous rendre rapidement chez l’ostéopathe).

Bref, Chimaira est l’album qu’il faut à tout prix détenir et écouter régulièrement. Depuis que je me suis replongé à nouveau dans le groupe, il ne me quitte plus. En tout cas, c’est ce que me dit mon Top Spotify.

***

La carrière et la discographie de Chimaira ne sont pas parfaites. Loin de là. Il y a eu du déchet le long de la route. Des titres à oublier, des albums à oublier, même. Le groupe s’est d’ailleurs séparé en 2014, un peu à bout de souffle, après quelques albums moins bons (les déclarations de Mark sur l’album The Age of Hell mettent clairement en lumière que le groupe n’était déjà plus ce qu’il était). Et on le savait déjà plus ou moins en constatant les changements de line-up récurrents.

Il n’en demeure pas moins que Chimaira aura apporté son lot de titres et d’albums ravageurs, qui auront marqué une génération. Régulièrement le groupe est interrogé sur un nouveau départ. Et, à vrai dire, tous les fans du groupe n’attendent que ça. Peut-être que le résultat sera un album pas franchement terrible et en tout cas clairement insuffisant au regard de l’attente. Mais on aura au moins l’occasion de revoir le groupe sur scène, lui qui nous aura fait tant vibrer par le passé.

J’espère qu’au travers de ces quelques lignes, certains d’entre vous auront retrouvé l’envie de jeter une oreille ou de réécouter les grands classiques de ce groupe qui me tient à cœur.