Chronique Retour

Album

15 septembre 2019 - Thirsty

Baroness

Gold & Grey

LabelAbraxan Hymns
styleSludge / Rock / Prog
formatAlbum
paysEtats-Unis
sortiejuin 2019
La note de
Thirsty
6/10


Thirsty

Par définition, être à la mode un jour implique d’être désuet plus tard. Baroness semble avoir perdu tout l’enthousiasme qu’il déclenchait auparavant autour de lui. Moi qui aime les pronostics, j’ai l’impression que Zeal and Ardor suit le même chemin dans un style bien différent. Baroness, après avoir apporté un vent de fraîcheur sur la scène Metal parfois (trop) genrée, a eu son heure de gloire dans l’underground. Leur présence sur la mainstage du Roadburn  en 2009 en est une parfaite illustration. A l’instar de Mastodon avec lequel la comparaison est inévitable, la bande de John Baizley s’est dirigée vers une musique résolument plus pop. Tout en gardant un sens inné pour le riffing, les compositions se sont raccourcies et se sont de plus en plus axées sur le chant. Le paroxysme de cette démarche a été atteint sur l’album précédant, Purple. Ce disque est bourré de tubes sucrés aux refrains irrésistiblement entêtants. Une véritable réussite à mon goût. Je le réécoute régulièrement quand vient l’été et que j’ai besoin de fraîcheur et de dopamine. Cette édulcoration de leur musique a apporté à Baroness une nouvelle exposition ainsi qu’un nouveau public moins spécialisé. Comme Mastodon, le groupe de Savannah s’est ouvert les portes des grosses machines que sont le Download Festival ou le Graspop et a fait la première partie d’énormes têtes d’affiche. Forcément, il est devenu moins cool de dire que l’on écoute Baroness. Personnellement, tant que la démarche me semblera sincère et pertinente, je continuerai à écouter la musique des Américains.

En ces jours de canicule, il était de bon augure pour moi de poser une oreille sur le dernier album en sirotant un cocktail (avec le petit parasol). Mine de rien, Purple est sorti il y a déjà presque quatre ans ! Comme l’opus précédant, Gold & Grey voit le jour chez la propre structure de Baroness, Abraxan Hymns. Le groupe a lâché son écurie de départ Relapse Records, le fief de toute la singulière clique de Savannah (Kylesa, Black Tusk…) pour foncer en indépendant.

Parlons tout d’abord et sans plus tarder de ce qui saute aux yeux (plutôt aux oreilles) à l’écoute de ce dernier effort. La production et plus particulièrement le mixage de Gold & Grey est une catastrophe. Je ne prendrai aucune pincette pour qualifier le son du disque. A la première écoute, j’ai cru que mon casque audio était endommagé. Sans être un expert, il est évident que le mix est hasardeux. Il semblerait que nos amis aient décidé de mettre tous les potards à fond quelle que soit la fréquence. Le rendu est désagréable au possible et je ne compte plus les moments de brouhaha et de larsens qui ponctuent l’album à l’image de « Seasons » ou de la fin de « Throw me an Anchor ». On devine qu’une telle production venant d’un groupe de la trempe de Baroness est clairement un parti pris. Le groupe se joue de nous. Le début et la fin de « Throw me a Anchor » et ses cymbales assourdissantes sont un indice probant de la supercherie.

Difficile de faire abstraction de cet élément mais pour être tout à fait juste avec eux, il faut passer outre. Le talent de composition de Baroness est indéniable et on retrouve sur Gold & Grey tout ce qui a pu faire leur succès. Le groupe axe ses chansons sur le chant.  Ainsi, l’album est doté de refrains imparables (« I’m Already Gone ») et  de belles harmonies vocales entre Baizley et Gina Gleason (« Broken Halo »). Le chanteur use toujours ou presque de la même formule avec des vibratos sur les  longues notes de chant. Sa voix est très souvent soutenue par celle de la guitariste, ce qui apporte toujours autant de profondeur et de nostalgie (« Borderlines »). Baroness excelle également dans l’art de créer de grosses rythmiques rapides et implacables (« Throw me an Anchor» , « Broken Halo ») avec une grosse basse bourdonnante à la Mastodon

Gold & Grey est sans conteste l’album le plus expérimental du groupe, qui explore plein de directions et multiplie les prises de risque. On notera par exemple des blasts beats empruntés au Black Metal sur « Seasons ». Le disque est ponctué par des interludes voluptueux et oniriques au piano ou au violon (« Sevens », « Anchor’s Lament ») ou carrément spatiaux («Assault on East Falls », « Blanket of Ash », « Crooked Mile »). En parlant d’espace, l’album revêt un côté aérien à l’image du début de « Tourniquet » et des très Pink Floydiens « Pale Sun » et « Emmet – Radiation Light ». Difficile donc de situer la thématique de Gold and Grey. Entre les visuels inspirés par la faune (plutôt les insectes) et la flore, les synthés rappelant « L’Odysée de l’Espace » et les couleurs artificielles fluorescentes du clip de « Borderlines », on peine à dégager une esthétique propre à l’album et cohérente. 

La mélancolie voire la tristesse de Baroness est beaucoup plus palpable que sur les précédents opus. Les séquelles de leur grave accident de bus au Royaume-Uni en 2012 semblent toujours présentes. Les Américains assument pleinement leur vulnérabilité dans Gold & Grey, bien plus que sur Purple, « I’d do anything to feel like I’m alive again ». L’album est doté d’une pelletée de titres acoustiques tristounets et de quelques morceaux presque torturés comme « Borderlines ». Le clip du morceau rend bien compte de la tourmente avec les deux chanteurs se prenant la tête entre les mains avec ardeur. J’apprécie l’un comme l’autre la démarche de mise à nu dont fait preuve Baroness sur ce disque et la volonté de prendre des risques. Malheureusement, Gold & Grey en devient au mieux confus au pire irritant. La longueur et le manque de cohérence du disque rendent le tout indigeste. J’espère que le temps me fera revoir mon jugement mais sa durée, sa production peu orthodoxe et le manque de cohésion des morceaux sont trop d’éléments qui constituent un frein à l’écoute. Il faut reconnaitre toutefois que les Américains ne font pas dans le surplace et que la galette est remplie de bonnes idées comme je l’ai évoqué précédemment. Pour un groupe qui a déjà tout gagné en matière de reconnaissance et de succès, c’est déjà remarquable lorsque l’on voit toutes les rockstars se reposant sur leurs lauriers. Moi qui étais en quête de fraîcheur, je me retrouve en présence d’un disque assez profond et difficile d’accès. Je ne l’ai sans doute pas abordé avec le bon état d’esprit. Voilà un album que je retenterai d’écouter plus tard à travers un autre prisme, peut-être que la magie opèrera. Pour l’instant ce n’est pas le cas malgré quelques titres fort plaisants, « Throw me an Anchor » en tête.

 

       Tracklist :

  1. Front Toward Enemy
  2. I'm Already Gone
  3. Seasons
  4. Sevens
  5. Tourniquet
  6. Anchor's Lament
  7. Throw Me An Anchor
  8. I'd Do Anything
  9. Blankets of Ash
  10. Emmett-Radiating Light
  11. Cold Blooded Angels
  12. Crooked Mile
  13. Broken Halo
  14. Can Oscura
  15. Borderlines
  16. Assault on East Falls
  17. Pale Sun

 

 

Les autres chroniques