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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Nightmare

The Dominion Gate

LabelNapalm Records
stylePower metal
formatAlbum
paysFrance
sortieseptembre 2005
La note de
U-Zine
8.5/10


U-Zine

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L’histoire de la renaissance d’un groupe devenant celle d’un genre tout entier. Perdu dans les abimes d’un oubli profondément collectif pendant plus de quinze ans, après seulement deux opus au milieu des années 80, Nightmare n’aurait probablement jamais prédit lui-même le niveau qu’il afficherait à l’orée de la première décennie du troisième millénaire.
Le néant, l’oubli, la non-création puis un ep que plus personne n’attendait…un live…et une miraculeuse résurrection. C’était en 1999.

Les années ont passé, les tournées se sont enchainées et les grenoblois s’apprêtent à réaliser ce qu’ils n’auraient osé prévoir des années plus tôt : la sortie définitive d’un genre de son créneau sclérosé dans lequel la France ne s’est encore presque jamais défait. Toujours sous le joug d’un heavy métal alliant puissance et rythmique de plomb, Nightmare allait insufflé un souffle organique et moderne à son œuvre, que l’on se devra de qualifier d’au moins original, si le terme avant-gardiste est encore trop tôt. Son nom ? "The Dominion Gate"…

Album énormément dense et sophistiqué, ce cinquième opus, s’il n’est pas facile à cerner et apprivoiser, n’en est que plus précieux avec le temps qui passe. Les rythmes sont souvent saccadés, les claviers ont pris une place prépondérante dans l’atmosphère globale et futuriste du concept, les riffs sont alambiqués et derrière une fausse simplicité se cache une profondeur rare. Il y a tout ceci…et il y a Jo…cette voix, unique et irremplaçable, difficilement descriptible tant son spectre sonore s’écarte et s’échappe des conventions des genres. Parfois rapproché du géant (ironie…) Ronnie James Dio, Jo Amore est tout sauf une vulgaire imitation jetable et sans inspiration, Jo est une voix et une âme à lui tout seul, celle de Nightmare. Alliant une puissance peu commune, délivrant des aigu aussi rauque que possible, son chant, en plus de sa tessiture propre, se démarque par son intelligence, et ses lignes vocales originales, décalées des riffs et justement difficilement appréhendable lors des premières écoutes. Les refrains ne rentrent pas, rien de catchy, rien de simple, juste de l’interprétation, de l’art oserons-nous dire…

…de l’art…écoutez donc "The Dressmaker" et son ambiance démoniaque à souhait, sombre, lourd et aux claviers partagés entre indus glaçant et ambiant menaçant. Les guitares s’effacent, la basse emplis l’espace, et Jo se montre dramatique, tel un acteur, vivant son texte. Parfois presque chuchotés et narratifs, ses vocaux se déploient ensuite dans une puissance sombre et agressive, rocailleuse, tout en conférant à cette rudesse une certaine superbe, une beauté noire et vénéneuse. Un break malsain et expérimental fait de sonorités modernes et inquiétantes parachève un constat : Nightmare ne fait rien comme les autres.

"The Dominion Gate", sans encore touché la perfection qui lui tend les bras, regorge d’une qualité bien trop peu souvent présente de la scène mélodique française, une envie d’innovation constante et des idées à n’en plus finir. Si "Messenger of Faith" brille par sa simplicité et son groove presque hard (la partie de batterie notamment, tenue par le frère de Jo, et la simplicité du riff), il est magnifié par le refrain impérial de Jo, sur lequel il s’envole avant d’imposer un feeling vraiment imposant et particulier.
Prédominant sur l’intégralité du disque, les samples, dû en grande partie à l’important apport de leur producteur Terje Refsnes (Soundsuite Studio), apportent une fraicheur et une originalité dont manque cruellement le heavy métal dit traditionnel de nos jours. Mais loin de se reposer sur les arrangements, "The Dominion Gate" impose des compositions abouties, véritables pièces maitresses surplombée par un chanteur décidément au dessus du lot (les progrès depuis "Cosmovision" sont impressionnants).
"Temple of Tears", après une descente de toms saccadée et technique, subjugue par le coulis de voix expérimental qui se lie à des hurlements suraigus du ‘sieur, sans jamais bassement plagié un certain Metal God. Puis le refrain, qui tombe du ciel, très rapidement, et impose une maestria peu commune, solennel, imposant, rehaussé par des chœurs presque liturgiques, et cette grandeur emplie de conviction dans le chant.

Nightmare n’hésite pas, dans le même temps, à agrémenter ses compositions d’aspects plus agressifs (annonciateurs de la suite…). "Heretic" s’ouvre ainsi sur un riff quasi thrash et voit l’intégration des vocaux death / thrash de Sander Gommans (After Forever), s’alliant parfaitement au timbre rocailleux de Jo, pour aboutir sur un refrain prenant la forme d’une prière grâce à ses chœurs. Si les soli ne sont pas forcément très nombreux, "Heretic" s’offre un duel mélodique mais virtuose, à l’instar d’un Arch Enemy.
Trouvant son parachèvement de l’ambition sur les deux magnifiques compositions laissant la place à la voix sublime de Floor Jansen (After Forever) ; "A Taste of Armageddon" et "The Dominion Gate", Nightmare laisse derrière lui les miettes à la concurrence.
"A Taste of Armageddon" laisse éclater toute la technique de David Amore derrière les futs, et cette faculté à proposer des refrains qui, s’ils sont difficiles d’accès, résonnent déjà comme des pépites de créativité pure, et restent une marque à part de cet album particulier et résolument différent. Intervention angélique, Floor embellit pendant de fugaces instants un monde sombre et torturé, avant l’apparition du meilleur solo de l’album, magnifique combinaison de technique, de feeling et de beauté. Quand au morceau titre, il est une longue montée en puissance de huit minutes, redoublant d’ingéniosité et d’inventivité, pour un duo vocal au sommet et une interprétation très théâtralisée et poignante.

Et si le trop mélodique (aux claviers encombrant ici) "Endless Agony" est peut-être de trop (l’album dure plus de soixante cinq minutes), on ne pourra nier l’indispensabilité de l’intermède "Paranormal Magnitude (partII)", grandiose, mélodique et imposant un énorme respect, à couper le souffle.

La voie de la résurrection était bel et bien derrière eux, leur statut de grand de la scène francophone acquise de nouveau, celui de renouveau de la scène international en passe d’exister. Indispensable maillon pour comprendre la discographie et l’explosion de Nightmare à l’étranger véritablement (la signature avec Regain ayant aussi aidé en ce sens), "The Dominion Gate" marque sans contestation possible un « avant » et un « après » chez les grenoblois…avec l’ « après » auréolé de succès que l’on connait…


1. Temple of Tears
2. ATaste of Armageddon
3. Messenger of Faith
4. Secret Rules
5. The Dressmaker
6. Endless Agony
7. Paranormal Magnitude Part II
8. Circle of the Dark
9. Haunting Memories
10. Heretic
11. The Dominion Gate
12. The Watchtower
13. K-141

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