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Album

31 juillet 2018 - ZSK

Drawn And Quartered

The One Who Lurks

LabelKrucyator Productions
styleDeath Metal
formatAlbum
paysUSA
sortiejuillet 2018
La note de
ZSK
8/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Drawn And Quartered, c’est un groupe qui se situe quelque part entre le trésor caché et le dernier canard de la portée. Un groupe qui a tout pour être emblématique de son style et de sa scène, mais qui n’a pas percé plus que de raison. Un groupe qui est, aussi, probablement arrivé trop tard, son premier album To Kill Is Human ayant vu le jour en 1999, sept ans après sa formation initiale sous le nom Plague Bearer (qui existe toujours et est considéré comme un side-project du guitariste Kelley Kuciemba et du chanteur Herb Burke). Comment les choses auraient-elles tourné si Drawn And Quartered avait sorti un premier album en même temps que les Blessed Are The Sick, Dawn Of Possession, Onward To Golgotha, Legion… On ne le saura jamais mais toujours est-il que pour ce qu’il montre depuis la fin des années 90, Drawn And Quartered mérite largement de figurer au milieu des meilleures formations américaines de Death-Metal. Le trio de Seattle n’a jamais vraiment sorti d’album référence mais sa discographie est parfaitement homogène, et c’est depuis son premier album un excellent exécutant de Death-Metal bien sombre, lourd et gras, souvent brutal mais jamais excessivement bourrin, parfois rampant mais jamais trop lent. Je mettrai pour ma part Return Of The Black Death (2004) un peu au-dessus du lot, mais rien n’est à jeter, du déjà bien efficace Extermination Revelry (2003) en passant par le plus cru Hail Infernal Darkness (2006), jusqu’à Feeding Hell’s Furnace (2012) où le groupe assombrissait encore plus son propos, changeant de logo au passage (mais gardant son goût pour les pochettes… un peu discutables artistiquement). Très productif au milieu des années 2000 (4 albums sortis en 5 ans, avec au bout Merciless Hammer Of Lucifer (2007)), Drawn And Quartered est un peu plus discret depuis. Une nouvelle sortie de sa part n’est donc, hélas, pas vraiment un évènement, mais il serait temps de réhabiliter ce groupe, qui a toute sa place dans la première division du Death-Metal américain, dont il représente le style avec application depuis presque 20 ans.

Nous voilà donc avec The One Who Lurks, le 7ème full-length de Drawn And Quartered. Notons déjà que le groupe, qui évolue toujours sous forme de trio (Herb Burke s’occupant en outre de la basse), ne compte plus dans ses rangs Dario « Numinas » Derna (Krohm) dont on a pu admirer les belles lunettes grises derrière les fûts pendant 10 ans au sein de la formation. C’est Simon Dorfman (Inquinok) qui l’a remplacé passé Feeding Hell’s Furnace. Cela ne va dans l’absolu pas changer grand-chose au son du groupe, qui continue de surfer sur la vague d’un Death-Metal bien ténébreux et organique. Riffs terreux, voix d’outre-tombe, blasts terrassants quand c’est nécessaire et plans bien morbides quand la cadence ralentit, Drawn And Quartered se pose toujours comme le parfait intermédiaire entre Immolation et Incantation, avec bien sûr de nombreuses autres influences sous-jacentes. Rien de révolutionnaire, mais Drawn And Quartered convainc sans mal, avec un Death-Metal très rugueux et noir. Si une certaine forme de brutalité sans concessions était parfois son fonds de commerce (quelques morceaux poutraient sec à l’époque de Return Of The Black Death et Hail Infernal Darkness), le groupe s’est un peu calmé au fil du temps même s’il n’a jamais été particulièrement expéditif dans son exécution. Avec Merciless Hammer Of Lucifer puis Feeding Hell’s Furnace, Drawn And Quartered a donc sensiblement assombri son propos, multipliant les tempi plus soutenus. Et cette facette de son Death-Metal américain va désormais atteindre son paroxysme avec The One Who Lurks. Le trio de Seattle prend ici un virage encore plus « dark ». Riffs, vocaux, production, tout devient encore plus caverneux qu’à l’accoutumée. C’est limite si désormais, le groupe ne se rapproche pas plus des nombreuses signatures de Dark Descent Records que des cultes des USA, même si on peut encore trouver là-dedans un côté occulte très Morbid Angelien dès que les leads sont de sortie. The One Who Lurks, bien que dans la continuité discographique du groupe, va donc montrer un visage un peu différent de Drawn And Quartered, un visage qui sourit encore moins derrière ses bras cloutés et ses cheveux longs.

Dès l’ouverture de "Nefarious Rites" sur un gros riff bien lourd et écrasant et des grunts lointains, on comprend tout de suite où Drawn And Quartered veut en venir et va nous emmener : dans les abysses. C’est donc de manière bien glauque et rampante que débute The One Who Lurks, même si quelques riffs sont bien massifs. Mais que ça soit pour la voix ultra-rauque et le son chaud et abrasif, Drawn And Quartered est ici très, très noir, une noirceur seulement tempérée par quelques leads qui s’échappent des profondeurs. Et "Ravage the Cadaver" de continuer à nous enfoncer la tête sous terre. Le Drawn And Quartered bien bastos de Extermination Revelry et Return Of The Black Death, il n’est pas ici. Le trio a clairement choisi la voie d’un Death-Metal plus lent et sombre (le break central du morceau est d’ailleurs d’une lourdeur incommensurable), même s’il continue à se montrer massif grâce à quelques blasts bien placés, ne faisant pas du lent juste pour faire du lent contrairement à d’autres (que je garderai pour moi pour le coup, na), et lorgnant encore du côté de Morbid Angel pour quelques leads très ésotériques. Mais attention, The One Who Lurks ne sera pas un album 100% lent et Drawn And Quartered va surtout montrer l’étendue de sa palette sous une coupe très sombre. "Horned Shadows Rise" est donc déjà plus remuant, avec des leads plus présents, un morceau plus classique mais un bon petit tube très entraînant de Death-Metal à l’américaine, avec des accélérations bien mordantes. Et ensuite avec "Deliverance to the Worms", on retrouve le Drawn And Quartered à l’ancienne, foncièrement plus violent. Une grosse tuerie avec des blasts terrassants, digne des meilleurs morceaux passés du groupe comme "On the Death Farm" ou autre "Return of the Black Death", et surtout, le côté sombre est encore au rendez-vous, et il s’exprime particulièrement bien sur ce genre de morceau assez puissant et colossal. Les vocaux rauques sur fond de blasts rangés coupent le souffle, et Kelley Kuciemba se montre très inspiré sur les riffs. Y’a pas à dire, sous couvert d’un aspect plus dark que jamais, Drawn And Quartered est en train de nous livrer une de ses meilleures œuvres, très variée et complète.

"Temples of Arcane Devotion" sera donc une des sensations de cet opus, tout y est dedans, du départ et des passages massifs jusqu’aux ralentissements aliénants en passant par les leads inquiétants, le Death-Metal de Drawn And Quartered est devenu à la fois très bouillonnant et terrifiant. "Carnal Transmigration", morceau le plus court de l’album, va forcément jouer la carte de la brutalité et du chaos, le chant de Herb Burke est d’ailleurs plus glaireux que jamais. Enfin, le morceau-titre va clôturer The One Who Lurks à l’image de son début, dans la plus absolue noirceur et lourdeur, même les accélérations sont lourdes et s’avèrent donc particulièrement percutantes. L’album se termine néanmoins sur une dernière piste nommée "Portals of Communion", mais qui est en réalité une version alternative de "Temples of Arcane Devotion", raccourcie et avec des leads moins présents. D’ailleurs, amputé de ce morceau, The One Who Lurks ne dure guère que 35 minutes, ce qui en fait le skeud le plus concis de la carrière du groupe. Mais quel skeud ! Drawn And Quartered a pondu ici un album de Death-Metal américain particulièrement sombre, bien équilibré entre violence et lourdeur, et porté par des morceaux de premier choix. Si le Death-Metal trop lent d’Incantation ne vous sied guère, si le côté plus massif des derniers Immolation ne vous a pas convaincu, si vous cherchez un Morbid Angel tendance old-school avec une palette plus large, tournez-vous vers ce The One Who Lurks qui a de solides arguments dans tous les domaines et est une excellente fournée de Death-Metal US. Et grâce à son aspect hyper ténébreux et caverneux, c’est un album qui met à l’amende une bonne partie des sorties de Dark Descent Records. Du gras, du glauque, du morbide, qui met même mal à l’aise et c’est ça qui est bon. Rien de bien singulier cependant, mais Drawn And Quartered mérite bien plus que d’être encore considéré comme un groupe underground ou de seconde division, et n’hésitez d’ailleurs pas à remonter sa discographie pour constater à quel point ces Américains ont toujours proposé du Death-Metal de qualité. Et The One Who Lurks est assurément leur album le plus réussi, le plus complet, le plus massif et le plus écrasant à la fois, et le plus empli de noirceur.

 

Tracklist de The One Who Lurks :

1. Nefarious Rites (5:44)
2. Ravage the Cadaver (5:40)
3. Horned Shadows Rise (4:32)
4. Deliverance to the Worms (3:18)
5. Temples of Arcane Devotion (6:01)
6. Carnal Transmigration (2:41)
7. The One Who Lurks (6:50)
8. Portals of Communion (5:28)

 

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