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mercredi 27 décembre 2017

Oathbreaker @ Bruxelles

Ancienne Belgique - Bruxelles

Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

Le 14 septembre dernier, Oathbreaker annonçait sur les réseaux sociaux une dernière tournée avant de prendre une longue pause. “Ni un hiatus, ni une séparation”, précisaient-ils. Une pause qui semblait inévitable après une année aussi intense pour le quatuor flamand qui aura beaucoup tourné en Europe mais aussi Outre-Atlantique. D’autant plus intense quand on sait que quasiment tous les membres sont très impliqués dans d’autres projets, et pas des moindres. Wim Sreppoc et Gilles Demolder avec Wiegedood, Lennart Bossu avec Amenra et leur bassiste live Levy Seynaeve officie même dans les deux entités. Je ne vais spoiler personne en disant que 2018 sera l’année Amenra / Wiegedood. Le premier affichant déjà un agenda bien rempli pour promouvoir un magistral « Mass VI » et le second ayant récemment signé sur Century Media Records pour la sortie d’un troisième album, la fin de la trilogie « De Doden Hebben het Goed ». Quant à la frontwoman, Caro Tanghe, elle a confiée à un journal flamand qu’elle va travailler sur un projet électronique. Une pause, vous avez dit ? 

En tout cas, ce concert à l’Ancienne Belgique de Bruxelles est la dernière date de cette tournée et la dernière occasion de les voir avant … 2019 ?

L'Ancienne Belgique est une salle bruxelloise incontournable dont j’ai déjà pu vous parler dans le report de la release party d’Amenra fin octobre et dans laquelle la Church of Ra semble se plaire.

On ne va pas se mentir, l’affluence n’est pas du tout la même ce soir (250 personnes ?) et la configuration de l'AB a été modifiée en ouvrant qu'une moitié de la grande salle avec un joli décor étoilé pour cette soirée ... Oathbreaker & friends.

NEWMOON

Car oui, le groupe gantois a pris le parti d’inviter des groupes et artistes amis en dépit des styles musicaux. Je ne connaissais pas Universe qui évolue dans les sphères house/électro que je ne maitrise pas du tout, ni Newmoon qui proposait quelque chose d’intéressant sur le papier entre shoegaze et dream pop…

Avec un premier album, « Space »,  paru en octobre 2016, la formation (également flamande) Newmoon est toute jeune mais d’entrée de jeu le contraste avec Oathbreaker est saisissant et j’ai du mal à rentrer dans leur concert. C’est léger, vaporeux, mais il y a surtout un côté “déjà vu, déjà entendu 1000x” malgré quelques subtilités au niveau des guitares et un feeling post-punk. Cependant, ça reste à mes oreilles du rock alternatif qui ne manque pas de maitrise mais plutôt d'identité pour vraiment séduire. Je suis pourtant, je pense, très ouvert d’esprit musicalement mais en première partie d’Oathbreaker , le mélange des genres a du mal à passer et je ne vais pas plus insister au contraire du public bien compact et présent.
 


OATHBREAKER

Si j’ai déjà pu voir Oathbreaker deux fois cette année (Dour Festival et Brutal Assault), c’est la première fois en salle et je ne pouvais pas manquer ça tant c’est vraiment ce qui correspond le mieux à leur musique, surtout avec la configuration plus intimiste de l'AB ce soir. 

Les Flamands qui referment le chapitre « Rheia » démarrent tambour battant avec "Being Able to Feel Nothing" et non le début de l'album comme à l'accoutumée. Ce titre nous emmène sans détour au coeur de leur dernier album. Les lights bleus braqués sur elle, Caro en impose toujours par sa présence.  Une aura qui ne la quittera plus de tout le concert. Vocalement, et même si le son de sa voix est trop faiblard, elle n'a rien perdu en alternant toujours aussi bien voix douce et screams. 

Le côté plus intimiste de la prestation en salle rend aussi honneur aux interludes qui nous replongent vraiment dans « Rheia ». C'est ce qu'il manquait aux concerts en festival avec un public pas toujours connaisseur. Un silence quasi religieux règne entre les morceaux et l'enchainement avec "Immortals" est parfait en terme d'intensité avant de revenir aux premiers pas du groupe avec le celticfrostien "Glimpse Of The Unseen" tiré de « Mælstrøm » (2011), lourd, hypnotisant et empreint d'influences hardcore. Le berceau musical inamovible d'Oathbreaker, qu'on retrouve également avec le superbe "The Abyss Looks Into Me" extrait de « Eros|Anteros », leur second album paru en 2013, qu'on ne pouvait pas imaginer absent de la setlist. Des titres qui ne sont pas rares dans leurs dernières setlist mais qui ont vraiment pris leur place avec les "nouveaux" morceaux.

Il faut souligner le travail sur les light juste bien dosé, sans trop en faire, avec Caro au centre des attentions auréolée de lumières blanches et bleues.  Elle qui canalise, porte et transmet si bien les émotions du groupe. 

Une accalmie se dessine avec l'acoustique  "Stay Here / Accroche-Moi" touchant et poignant. Caro toujours cachée derrière sa longue chevelure qui ne manquera pas d'adresser des remerciements au public et à un ancien membre présent dans le public, le batteur Ivo Debrabandere dont le look casual tranche franchement avec son remplacant, Wim Sreppoc, qu'on imagine volontiers bûcheron.

Alors que la seconde partie de « Rheia » me parait en deça du reste sur album, j'ai eu l'impression de redécouvrir la doublette "Where I Live / Where I Leave" qui se révèle en live et dans ces conditions (le son est vraiment massif malgré un kick un peu trop présent - mais la voix revient à son bon niveau) un monstre d'intensité qui me prend et me fout mentalement à genoux. Il y a vraiment quelque chose qui se passe, qui s'intériorise et ne laisse pas indifférent. Une authenticité qui traverse indéniablement tous les acteurs de la Church of Ra. Il n'y a pas de cinéma. Caro n'a pas seulement l'air écorchée vif, elle réussit à rendre ça palpaple comme sur "Needles in Your Skin" et sa ligne de chant avec ses "How could you go without me" qu'elle répète encore et encore d'une voix désabusée. Bouleversant. 

Quelle meilleure manière d'en finir avec ce cycle éprouvant et intense en concluant par "10:56 / Second Son of R." et son intro à capella ? Le placer à la fin est vraiment une excellente idée avec ses déferlantes de riffs et de screams plus extrêmes que jamais. Le morceau-phare de « Rheia »  prend ici une autre dimension. A terre, Caro pousse ses cris comme une damnée dans des flammes invisibles. Comme un dernier combat contre ses démons intérieurs, immortalisés par sa plume dans cet album.

Oathbreaker est vraiment un groupe à voir en salle, plus qu'en festival. Je le pensais déjà et c'est devenu évident. Il faut un contexte propice, un peu intimiste pour que les émotions ne se dispersent pas. 

On arrive à la fin de l'année et je peux dire que c'est tout simplement un des meilleurs concerts que j'ai pu voir en 2017, quelques mois après la claque de Amenra au même endroit. Comme tous les groupes de l'église de Ra, on ne peut pas imaginer Oathbreaker en pilote automatique. Devant nos yeux, une page s'est tournée et on ne peut s'attendre qu'à un nouveau chapitre passionnant dans les années à venir. Tout est une question de temps.
 





Setlist

Being Able to Feel Nothing
Immortals
Glimpse of the Unseen
The Abyss Looks Into Me
Stay Here / Accroche-Moi
Where I Live
Where I Leave
Needles in Your Skin
10:56
Second Son of R.

 

Crédits Photos : Julien Courjault-Rade - Equipe Horns Up

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