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Raton et la bagarre #21

dimanche 21 mai 2023
Raton

Amateur de post-musique, de larsens et de gelée de groseilles.

Le retour du soleil précipite la réouverture des terrasses et des parcs, la sortie de la Bagarre annonce l'ouverture de vos arcades dans des salles mal aérées. Si la poésie n'est (une fois de plus) pas au rendez-vous de cette sélection mars-avril, vous aurez en revanche de quoi renouveler vos écoutes avec une belle palanquée de nouvelles sorties très prometteuses.

Dans la Bagarre #19, je constatais le manque de sorties double A ou triple A et ces deux mois sont venus me donner tort avec un déluge de hype dans la scène : le retour acclamé de Jesus PieceJudiciary et The HIRS Collective, les confirmations étincelantes de Portrayal of GuiltInitiateGEL ou Zulu et les prouesses françaises avec Karaba FC et Eurydice. Ce 21ème numéro vous offre donc une sélection de dur·e à cuire pour parfaire vos pirouettes de pits. C'est buffet à volonté, régalez-vous.

 

The HIRS Collective – We're Still Here
Powerviolence / Queercore – USA (Get Better)

Comme Jesus Piece, ça faisait depuis 2018 qu'on n'avait (quasiment) pas de nouvelles de HIRS. Avec ce nouveau disque, il ne m'a fallu que deux morceaux pour me rappeler ce que signifiaient ces quatre lettres : un collectif powerviolence centré sur le vécu queer et trans et qui ne fait pas le moindre compromis. Pas besoin de la moindre introduction, la première piste, éponyme, est une éruption rance et immédiate. Par son titre, elle exprime simplement le projet : revenir de façon encore plus dense, plus collective et plus puissante.

Car il suffit de regarder la tracklist pour s'en rendre compte, HIRS n'a pas fait semblant : 17 morceaux et encore davantage d'invité·e·s. Même après plusieurs lectures, le casting du disque reste incroyable : Nate Newton (Converge, Cave In), Shirley Manson (Garbage), les légendes de Melt-Banana, Geoff Rickly (Thursday), Anthony Green (Circa Survive) et tant d'autres. Sur « Neila Forever », on retrouve même Jordan Dreyer de La Dispute et Jeremy Bolm de Touché Amoré, pour la première fois ensemble depuis leur split en 2010. On a même Thou et The Body, mais leur présence ne surprendra personne.

La grande variété des feats apportent logiquement une pluralité d'influences et de sonorités mais contrairement au précédent disque, We're Still Here s'efforce davantage à être cohérent et homogène. Alors même quand arrive le chant rappé de « Judgement Night », on n'est pas surpris et ça participe à un tout, magmatique et revendicatif. D'autant plus que HIRS a fait un travail colossal sur les textures des guitares et sur la force des riffs (« Sweet Like Candy »), permettant, malgré le chaos ambiant, à un sacré nombre de morceaux d'être marquants et de rester en tête. 

We're Still Here est irrésistible de colère frénétique. Il est aussi extrêmement bien produit, ce qui pourra rebuter certain·e·s auditeur·trice·s habitué·e·s à l'abrasivité crachotante habituelle du style. Pourtant, il serait dommage de passer au-dessus d'un disque qui propose une réactualisation aussi forte et pertinente des chapelles les plus agressives du hardcore rapide, de sa première explosion à son final majestueux au violoncelle sur « Bringing Light and Replenishments ».

 

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Portrayal of Guilt – Devil Music
Black de chambre – USA (Run for Cover)

L'avantage d'un groupe comme Portrayal of Guilt, c'est qu'à chaque nouvelle sortie on ne sait pas sur quel pied on va danser, tout en gardant la certitude qu'il s'agira d'un concentré de noirceur brute. Après le screamo ténébreux encore bredouillant de Let Pain Be Your Guide, les Texans avaient publié le redoutable (et mon préféré) We Are Always Alone, que je vous avais d'ailleurs chroniqué ici. La même année, ils avaient opéré un virage sludge réussi avec Christfucker. Depuis lors, plus de nouvelles jusque mars 2023, où est annoncé un nouveau disque divisé en deux côtés : un premier dans le style aigre classique du groupe et un second qui viendrait réinterpréter les morceaux du premier dans une version orchestrale. Surprise.

Dans son premier segment, Portrayal of Guilt déploie un black metal sordide et insidieux, comme une incarnation directe du titre de l'album. C'est la bande-son malade d'un enfer claustrophobe et surréaliste. On retrouve beaucoup moins les accents sludge ou même la patte hardcore / screamo qui ne quittait pourtant que rarement le groupe - à l'exception du dernier riff, plus crust, de « Devil Music ». C'est brutal, frontal et dissonant et si ce n'est pas nécessairement le meilleur black metal que j'aie entendu cette année, il a le grand mérite de s'engouffrer à fond dans la hargne malsaine du style.

En revanche, la seconde moitié vient renouveler avec intelligence le propos déjà entendu, en remplaçant les instruments saturés par une orchestration minimaliste, surtout basée sur un ensemble de cordes porté par un violoncelle, ainsi que quelques cuivres (tuba et cor) et une basse acoustique. L'accolade du chant hurlé avec un ensemble de musique de chambre créé un mélange plutôt fin de menace et de triomphe, surprenant mais habilement conçu. 

Cette moitié a aussi fait l'objet d'un court-métrage, réalisé par Emmanuella Zachariou et Paola Ossa et citant ouvertement l'expressionnisme allemand de Murnau et la thématique religieuse de Dreyer. La narration du clip évoque des thèmes médiévalo-fantastiques emprunts d'un romantisme wagnérien à la sauce saphique (je fais tout pour vous faire croire que je ne suis pas con comme un piquet) et son exécution, qui esquive les clichés de mauvais goût dans un noir et blanc au grain épais, vaut clairement le visionnage.

 

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Jesus Piece – ...So Unknown
Metalcore – USA (Century Media)

Le retour de Jesus Piece, après cinq ans de silence, posait naturellement beaucoup de questions. Comment suivre après le pavé corrosif qu'était Only Self et comment confirmer leur place de tête d'affiche montante de la scène hardcore moderne ? D'autant plus que Only Self n'était pas dénué de défauts, loin de là. A titre personnel, c'est un disque auquel je n'ai jamais accroché, à cause de sa production trop compressée et de son grand manque de variété.

Pas besoin de beaucoup de temps d'écoute pour en faire le constat : Jesus Piece a su prendre le temps de cogiter et de faire progresser leur signature sonore. ...So Unknown est de toute évidence plus consistant et plus dirigé. Il trouve plus vite son rythme et ne patauge pas dans une partie de ses segments. Le groupe s'y retrouve davantage avec des constructions de morceaux plus classiques mais plus efficaces, tout en cherchant souvent son propre contre-pied (« Fear of Failure »). Le riffing se fait plus metalcore et incorpore davantage de dissonance que sur le premier opus, comme en témoigne la formidable violence frontale de « Tunnel Vision », qui rappelle ouvertement Harms Way (sans les sonorités indus).

En moins de trente minutes, Jesus Piece multiplie les breaks en souscrivant aux conventions actuelles du style, avec des montées en puissance suivies par des basses sur-saturées (« FTBS ») et une poursuite en riff mid-tempo teigneux. Le groupe se permet des respirations, placées intelligemment (la fin de « Silver Lining »), et saupoudre des petites harmoniques artificielles ici et là, lui permettant de se singulariser et de s'éloigner de l'ombre de Harms Way ou Code Orange.

Soyons honnêtes, on ne sera pas surpris par la démarche, mais les potards de l'agressivité sont tellement poussés au maximum - mais non sans réflexion - qu'il est difficile de ne pas s'enthousiasmer face à ce disque. D'autant plus qu'il montre les facilités du groupe et ses capacités à produire une musique franche et coriace mais qui a su assimiler ses influences et corriger ses lacunes précédentes.

 

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Karaba FC – April Dancer
Emo / Post-hardcore – France (Fétiche Prod)

Karaba FC est un secret de moins en moins bien gardé. Depuis la sortie marquante de leur premier EP en 2022 (chroniqué par votre serviteur juste ici), les petits prodiges parisiens de l'emo ont multiplié les concerts sur la capitale. 

Fort d'une culture emo impressionnante et d'un sens de la mélodie torturée, le groupe semble pouvoir s'imposer comme un des premiers de cordée dans le style en France. En tout cas ce n'est pas la grande bourrasque qu'est « Roundabout », morceau introductif de ce nouvel EP, qui prétendra le contraire. Avec son refrain plaintif mémorable et surtout son passage rappé que déjà beaucoup ont rapporté à Linkin Park, c'est le tube du disque. 

Sur le très puissant « Pain & Pleasure », le duo de voix d'Émile et Clément nourrit avec justesse la montée en puissance qui se finit sur un tremolo picking très post rock. « In the Violence », qui clot l'EP, confirme l'aisance de Karaba FC à mêler émotivité (l'influence de La Dispute et Touché Amoré est évidente), atmosphères soignées et agressivité désespérée, notamment avec ce jeu de questions / réponses entre les deux chanteurs. Ce qui était au départ une bonne surprise est en train de se transformer avec assurance en valeur sûre de la scène et vous feriez mieux de rejoindre la tendance.

 

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Initiate – Cerebral Circus
Hardcore – USA (Triple B)

Je n'avais jamais encore parlé ici du groupe, pourtant prometteur, Initiate. J'avais pas mal écouté Lavender, leur dernier EP, paru en 2020. Les Californiens-nes y déployaient un hardcore thrashisant qui manquait encore de maturité mais qui avait le mérite de contenir le très efficace « Myopia ». Trois ans plus tard et après une signature chez Triple B, Initiate révèle un net changement de direction.

Exit les palm mutes, les skank beats et le chant hurlé de la chanteuse Crystal Pak pour faire place à des riffs plus simples mais plus groovy, à la Trapped Under Ice, et un chant saturé plus contenu. A ce propos, les progrès vocaux de Crystal sont assez bluffants : sa saturation, son phrasé et ses intonations sont excellentes, notamment sur la fin époustouflante du dernier titre, « Transparency », avec une performance démente.

Dès le début du disque, impossible de ne pas remarquer l'influence de TUI ou même Turnstile (les riffs de « Waste Your Life » ou « Alone at the Bottom » et le motif harmonique dissonant à la « Come Back for More ») et Suburban Scum. Les riffs sont groovy et les compositions extrêmement variées avec autant de plans mélodiques que bagarreurs. L'orientation mélodique du disque marche en général bien. Sur « Amend », elle permet une belle progression de l'intensité, permettant une respiration intelligente sans que ça ne casse la dynamique du disque. En revanche, « The Surface », en amenant des voix claires (ça me rappelle beaucoup l'intention du dernier Regulate), fonctionne beaucoup moins bien avec son refrain sirupeux peu plaisant.

Ça n'empêche pas l'album de remplir haut la main son objectif. Figure d'un hardcore moderne conscient, bien rythmé et doté d'une durée parfaite, il permet à Initiate de sortir véritablement de la troisième division. Il faudra, à ce propos, ne pas les manquer lors de leur passage à Paris avec une superbe affiche également composée de Move, ProwlFuse et Dregs.

 

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Pure Bliss – The Age of Judgement
NY metalcore beatdown – USA (auto-prod)

Il est possible, dans ce contexte fébrile, que vous vous sentiez à fleur de peau, irascible et que vous ayez la colère facile. N'hésitez plus entre ce stage intensif de boxe ou cette rage room hors de prix, car Pure Bliss a sorti un cinq titres. Ce nom ne vous dit probablement rien car les New-Yorkais sont encore discrets dans la scène, mais c'est pourtant leur troisième EP. NY hardcore ? Certainement. Beatdown métallique à la Never Ending Game ? Absolument. Tone baveux de guitare et influences Rapetou-core ? Avec plaisir.

Cet EP, qui aurait pu sortir sur DAZE, ne vient pas réinventer le style du metalcore urbain mais enfonce la porte du saloon avec un plaisir communicatif, riffs lourdauds et saccadés dans une main, batterie-guillotine dans l'autre et marcel taché sur le torse. Des mots du chanteur, le groupe a « augmenté les potards de la stupidité ». Le poids des gimmicks metal fait du bien et évite au groupe la case générique à l'aide d'hurlements de guitare, de tricotis thrash et beaucoup de changements de rythme. Le groupe avoue même avoir écouté en boucle Burn My Eyes de Machine Head pendant l'écriture. Enfin, bien que les interventions des chanteurs de Cold Shoulder et Street Power soient plaisantes, le meilleur morceau est le dernier, « Dead Flowers » avec son sample et son intro menaçante pour venir extraire des molaires avec le chant le plus néanderthalien de l'année.

 

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XweaponX / World of Pleasure – Weapon of Pleasure
Metalcore – USA / Canada (DAZE)

Ça faisait longtemps que le milieu straight edge n'avait pas été autant secoué d'une telle annonce. Un split entre deux des têtes de gondole les plus tendances du X. Le premier EP de XweaponX, side-project de membres de Knocked Loose et Harms Way, avait fait l'objet d'un billet dans la Bagarre #15 et le dernier effort de World of Pleasure, composé de Jessica de Mortality Rate et Colter de Serration, était analysé dans le numéro 17.

Si World of Pleasure apporte vraiment quelque chose neuf et de sauvage à la scène straight edge et au metalcore actuel en général, XweaponX ne brille pas vraiment par son originalité et ne vient répondre à aucune question à laquelle Inclination ne répond pas déjà. Le projet n'est pas complètement dénué d'intérêt mais reste une proposition tiède dans l'océan de sorties. Ce split événement ne viendra pas me faire changer d'avis car les deux pistes des Américains ne s'élèvent pas au-dessus d'un metalcore grassouillet à breaks peu inspirés. Même la promesse de « Domination III », en référence aux brûlots de World of Pleasure, n'est clairement pas à la hauteur des deux premières itérations.

En revanche, la partie de World of Pleasure vient mettre les croix sur les i. Cinglants et métalliques, les deux morceaux exposent une agressivité et une urgence que j'ai vraiment du mal à voir surmontées dans la scène. Le break de « World War X » donne envie de suriner des bouchers en hurlant VEGAN DOMINATION et le drop de basse de « Uzis Akimbo » fait apparaître de la bave à la commissure de mes lèvres. Dans la rubrique straight edge cliché, WoP pousse le curseur tellement jusqu'au bout qu'il évite le ringard et enchaîne les hymnes.

 

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Scowl – Psychic Dance Routine
Rock alternatif / Hardcore – USA (Flatspot)

Scowl est probablement le groupe qui a subi le plus de critiques dans la scène. Pour la qualité de sa musique ? Pour ses prises de position ? Non. Pour la simple et bonne raison qu'il est conduit par une femme et qu'il a atteint un certain succès récemment. Pourtant, je suis loin d'être un fan de ce que Scowl a publié jusqu'ici, j'y suis même très hermétique, mais soyons honnêtes, il ne mérite pas un tel déferlement de haine.

Mais alors que personne ne s'y attendait, les Californien·ne·s publient un EP de rock alternatif qui garde une bonne partie de sa nature hardcore. Partagé entre des mélodies et riffs accrocheurs empruntés à Garbage ou Nirvana et une urgence hardcore à la Ceremony que le groupe avait déjà développé sur How Flowers Grow, Psychic Dance Routine est un EP curieux mais efficace. Même s'il sonne parfois comme un groupe local dans un garage (ou comme le générique de C'est pas sorcier), la voix rêche de Kat et les riffs entraînants l'emportent et donnent un beau shot de soleil tout droit sorti des 90s. Pas encore assez pour me convaincre personnellement mais suffisamment pour affirmer que Scowl est un groupe loin d'être impertinent dans le paysage hardcore actuel.

 

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GEL – Only Constant
Hardcore – USA (Convulse)

Une partie d'entre vous associe directement GEL à leur concert incendiaire à l'Ess'pace en mars dernier, l'autre aura probablement entendu parler de cette valeur montante du hardcore lo-fi, âpre et à l'odeur de soufre. GEL fait partie de ce que j'appelle sobrement la mafia du hardcore cradingue à trois lettres, avec SPY, Bib ou Gag.

Only Constant est le premier LP en solo de GEL et propose de dérouler sur quinze grosses minutes leur hardcore urgent, à l'ancienne avec des riffs groovy basiques, une batterie en touka touka et le chant corrosif de Sami Kaiser. Les morceaux partagent globalement la même énergie, entre le two-step furieux et du UGH le poing levé (« Out of Mind »). Les deux seules véritables variations se trouvent sur « Calling Card », l'interlude avec des samples bien utilisés (« hardcore for the fucking freaks ») et un beat hip-hop instrumental pas mauvais du tout ; ainsi que « Composure », ultime morceau, qui, comme le veut une tradition punk sauvage, est le titre le plus long du disque et s'enfonce progressivement dans la distorsion et le bruit. Rien de nouveau, mais quelle pétarade !

 

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Kruelty – Untopia
Death à breaks – Japon (Profound Lore)

Ce billet risque de m'attirer les foudres de la fanbase de Kruelty, mais que voulez-vous, l'honnêteté pseudo-journalistique l'emporte. A Dying Truth, le premier album des Japonais, sorti il y a 3 ans, m'avait profondément ennuyé. C'était longuet et la même recette tournait jusqu'à l'épuisement, faisant des 40 minutes d'écoute un long bâillement. 

Kruelty a pourtant choisi une voie intéressante : du death metal mid-tempo pour fans de hardcore avec une batterie clinquante pour rythmer les uppercuts en slow-motion appelés par les breaks réguliers (représentez-vous un Terminal Nation sans HM-2). Le mélange entre la putridité du death et la hargne sournoise du hardcore façon beatdown aurait pu être un des trucs les plus enthousiasmants de la scène, mais malheureusement j'ai toujours trouvé ça terriblement rébarbatif.

Untopia présente d'emblée plus de variété que son prédécesseur. On peut entendre cette fois plusieurs ostinatos en guitare hurlante et les touches hardcore se font plus présentes. « Manufactured Intensity », morceau le plus hardcore du disque, vient casser la dynamique ronflante avec un chant hurlé efficace. De la même manière, l'introduction de « Maze of Suffering » casse des bouches. Mais malgré ces quelques fulgurances, Untopia reste un marécage poisseux et uniforme dans son agressivité : ça grommelle dans le micro, ça bourrine une caisse claire bien tendue en fond et les guitares vomissent constamment des riffs sous-accordés.

Plus équilibré et convaincant que le premier album, Untopia peine tout de même à sortir de la case "death metal pour fans de hardcore" (d'autant plus que ça se saurait si les fans de hardcore avaient bon goût pour tout ce qui est en dehors de leur sphère musicale habituelle), sans l'aisance d'un Xibalba, mais avec tout de même quelques bonnes idées ici et là.

 

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Eurydice – Inner Contemplation
Metalcore – France (auto-prod)

La scène hardcore de Lyon sort les crocs et se positionne comme un solide contre-point à Paris ou Rennes. Eurydice fait partie de cette première garde, avec un metalcore rance et sanguinolent. Très clairement influencé par les chapelles du metal extrême, du black particulièrement mais aussi du thrash féroce dans les riffs et les arrangements de guitare, leur metalcore est noir et narratif.

Ce qui est particulièrement plaisant avec ce court EP de quatre titres, c'est cette impression de cohérence et d'oeuvre homogène. Trop de groupes privilégient encore les mosh parts et les two-steps avec des grosses ficelles au détriment d'une cohésion d'ensemble. Ici, grâce au mixage fin mais suffocant de Tim (Sorcerer), Eurydice offre un EP mature qui ramène ce côté evil dans le hardcore et que j'ai hâte de pouvoir découvrir sur scène.

 

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Judiciary – Flesh + Blood
Metalcore / Groove metal – USA (Closed Casket)

Soyons honnêtes deux minutes, Judiciary n'a jamais fait partie des groupes les plus mémorables de la scène. Bénéficiant d'une exposition importante par l'efficacité basique du son, le pedigré des membres et le réflexe d'inviter des guests sur beaucoup de leurs morceaux, les Texans ont rapidement bénéficié d'une audience large. Surface Noise cochait des cases, le poing serré autour du stylo, sans finesse mais avec une hargne communicative.

Dès les premières notes, Flesh + Blood se révèle plus atmosphérique et menaçant, s'éloignant plus franchement du thrash crossover qui constellait Surface Noise. En revanche, l'influence du groove metal est encore plus nette avec ces riffs mid tempo et leurs arpèges véloces sur lesquels on sent le haut patronage de Lamb of God (« Paradigm Piercer »). L'ambiance est instaurée dès « Flesh », le premier morceau, avec un schéma de composition moins traditionnel, qui louche plus sur le metal extrême que sur le hardcore, et privilégie l'instauration d'une ambiance malsaine, infernale avec son break final poisseux. On remarquera aussi que les Texans n'auront pas résisté à l'appel de la voix claire (qui semble irrésistible dans le metalcore des 12 derniers mois) sur le dernier morceau, sans que ça n'apporte grand chose.

Il est assez clair que Judiciary a mis les moyens pour faire un disque plus abouti, avec davantage d'arrangements et de travail sur l'immersion auditive. Preuve en est avec les deux mastodontes qui ont bossé au son : Arthur Rizk à la prod et Will Putney (Fit for an Autopsy) au mixage et au mastering. Toutefois, même s'il est moins pataud que son prédécesseur et qu'il contient son lot de passages rentre-dedans réussis (« Cobalt »), Flesh + Blood peine à se hisser au-dessus de la mêlée avec un metalcore assez générique, peu marquant et à la production lisse.

 

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Zulu – A New Tomorrow
Metalcore / Powerviolence – USA (Flatspot)

L'annonce d'un premier album pour Zulu est venue avec beaucoup de promesses. Un pari plutôt réussi que je vous décryptais dans une chronique parue il y a deux mois.

 

Faute de temps, un peu moins de recommandations que d'habitude mais quand même suffisamment pour satisfaire vos appêtits de gros gourmand·e·s du two-step : 

  • Si vous aimez Knocked Loose, Sanction et Varials, il y a de très grandes chances pour que Vamachara vous parle. Leur dernier album No Roses on My Grave est une balèze proposition de metalcore chaotique qui aime faire chug chug, blindé de breaks et rythmé par un chant coriace de bandit. Ce n'est pas ce que vous écouterez de plus révolutionnaire et personnel, mais dans le style, ça gratte où il faut.

  • Si vous aimez l'ébullition de la scène de Philadelphie avec Devil Master ou Poison Ruïn, le mélange de black metal, hardcore et rock gothique de Zorn saura probablement vous conquérir. Leur premier album est gorgé de menace et d'obscénité à distorsion. C'est très inventif et même si ça patine sur quelques morceaux, d'autres sont de vraies pépites (« The Spell of the Fairy Tree » ou « The Delco Devil Mosh »).

  • Côté grind, notre nouvelle recrue Old Baxter a sorti une chronique du dernier Rotten Sound, qui semble avoir reçu très bonne presse dans le milieu.

  • Les fans de Fiddlehead et Title Fight ont de quoi se réjouir avec la sortie de Madison & Floral, le premier album des Américain.e.s de Sign Language. Un album solaire, à la croisée des scènes post-hardcore, mélodiques, emo et shoegaze, sorti chez Sunday Drive.

  • Si vous cherchez la rencontre entre le hardcore métallique avec des grumeaux à la Integrity et le metal extrême, particulièrement le thrash criard et le chant death à la John Tardy d'Obituary, allez vite regarder du côté du nouvel album de Skourge. Très bordélique, c'est un des disques qui donnent le plus envie de retourner à l'état simiesque.

  • MySpace vous manque ? Ne pleurez plus le départ des ":3", car .Gif From God est de retour. Le groupe de Virginie, qui comprend deux membres d'Ostraca, s'était fait connaître dans la même démarche que SeeYouSpaceCowboy des débuts et par un split avec Vein.fm. Ce nouvel EP fait montre d'une maturité plus grande dans leurs compositions, plus éloignées du sasscore bête et méchant de Approximation_of_a_Human. Toutefois, ça dissonne encore à tout va avec une avalanche de plans chaotiques, des basses boostées et des titres de morceaux à rallonge.

  • Du nouveau du côté du Turning Point-worship avec la démo de Statement, nouveau projet d'Atlanta. C'est très emocore avec des riffs éclatants et une voix toujours sur le point de rupture. Les compositions sont encore un peu quelconques, mais ça laisse entrevoir de jolies choses (notamment « Point of View »).

  • Si vous voulez vous tasser les cervicales en toute autonomie, sachez que Bayway, projet metalcore voyou du New Jersey à la finesse relative vient de publier un nouvel EP sous le doux nom de The Newport Sessions. Probablement parmi les trucs les plus méchants et demeurés de l'année, les trois titres entre beatdown et rap metal viendront vous caresser le museau au papier de verre. Pour les fans de Gridiron notamment.

  • DAZE a sorti un nouveau disque de metalcore beatdown qui ne fait absolument pas tache dans son catalogue. Il s'agit de l'EP de Torena, groupe du sud de la Californie. Bourrin et calibré pour la bagarre négative, ça amusera les adeptes mais ça ne laissera pas grande trace.