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jeudi 11 décembre 2014

Stephen Sunn O Malley + Aluk Todolo

Le Lieu Unique - Nantes

U-Zine

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Il y a des concerts que la décence nous défend de rater. Voyez-vous, lorsque Sunn O))) est passé au Hellfest, j'ai presque été heureux d'apprendre que Tony Iommi et Bill Ward n'accompagnaient pas Ozzy et Geezer, car, je n'ai pas encore le don de dédoublement. Plutôt que d'aller prendre l'eau face à Osbourne & Friends, j'ai préféré me faire écraser les les mégawatts des encapuchonnés. Alors, je vous laisse imaginer quel fut mon bonheur lorsque j'appris que Stephen « Sunn » O'Malley repassait sur notre chère French West Coast !

Donc, c'est en cette fraîche soirée du Vendredi 30 Novembre que le Lieu Unique de Nantes accueillait l'ami Stephen et les intrigants Aluk Todolo. Le Lieu Unique est de ces endroits qui servent plus de ballons de bon rouge que de pintes de Kro. Lorsque vous y entrez, vous tombez nez-à-nez avec, dans le désordre, un guitariste qui tape le blues face au mur, des mal-peignés arborant les Ray Ban réglementaire et des danseurs de Hip-Hop. Bref, jusque dans la salle où se déroulait le show, les perfectos et les vestes à patchs n'étaient pas légion, preuve que les « soirées curieuses » du LU ratissent larges et permettent, notamment par des tarifs tout à fait appréciables (8€ HT la soirée, qui fait mieux?), d'offrir du bon son à quiconque aura la volonté de le découvrir. Nous pourrions d'ailleurs évoquer le passage peu de temps auparavant de GodSpeed you/Black Emperor au LU.

C'est le trio qu'est Aluk Todolo qui ouvre le bal. Le show est épuré. Tous de noirs vétus, guitariste, batteur et bassiste arborent une ostentatoire sobriété qui ne fait que souligner la puissance de leur musique. Une unique ampoule tombe du plafond. Son éclat s'accentue ou se ternit selon l'instant ; le tout est occulte. La basse, hypnotique répète inlassablement les riffs malsains, atmosphériques, entêtants, avec une précision et un génie dans la composition plus qu'éblouissants. La batterie martèle et rivalise d'ingéniosité pour faire monter la mayonnaise en se basant sur une répétitivité obsédante. Il est indéniable que batterie et basse sont d'une complémentarité remarquable : la section rythmique écrase et part dans des envolées qui louvoient parfois le black. La guitare est merveilleusement maîtrisée. Or, ici, rien à voir avec une quelconque technicité de guitar-hero conventionnel ; on se moque du sweep, du tapping ou autre passe-temps de soliste metalhead, ici, l'instrument hurle et larsen sur une gamme noisy. Le rack d'effets bien fourni se règle au fur et à mesure du jeu. Les amplis nous crachent un son tels qu'obtenu seulement par la parfaite maîtrise du matériel en lui-même ; c'est un jeu, une narration, issue de l'incessant tripatouillage des boutons divers et du feulement des cordes confrontées au silence oublié, et à la noirceur déchaînée. Nous sommes bien loin d'un concert de métal classique, d'ailleurs Aluk Todolo n'a pas cette prétention. Ici, nous avons une grande leçon d'Occult Rock.

Le premier concert se termine, la petite scène se vide et, est rapidement envahie par d'étrange Moaï... Stephen O'Malley débarque avec ses bottes, ses tatouages et ses innombrables jouets. Des jolis grilles-pains rougeoyants sont posés sur des baffles mégalithiques. O'Malley avec les techniciens, branchent le tout, font deux-trois test. La Les Paul rugit et commence déjà à faire trembler la salle au grain des Soleills ))) en plein tour de chauffe. Le musicien règle ses effets : pédales de toutes formes et de toutes tailles pour tous types de résultats. O'Malley papote même avec des types avancé vers la scène. Amical, bon enfant même, il ne cache pas son respect pour Black Sabbath et pour le bon vin ; sa bouteille ne le quittera pas de tout le concert.

Le show commence. Joueur, je n'ai pas mis les protections auditives fournies à l'entrée ; mes oreilles en sifflent encore trois jours plus tard. Jamais un One-Man-Show n'a été aussi fort. Le verre de rouge aux pieds de Stephen se promène sur la scène. Les têtes tombent vers le sol, le pression augmente. Face à moi, un type s'allonge sur le sol, on le croirait endormi ; il ne bougera pas de tout le concert. D'ailleurs, s'asseoir et fermer les yeux reste une très bonne façon d'apprécier le spectacle ; rapidement, on ne sent plus ses jambes, ni ses mains, ni rien en fait ; l'accès à la transe est total, le seul soma utilisé est ici la disto.

Comment décrire l'indescriptible ? La musique de Stephen O'Malley en solo ressemble bien évidemment à celle de Sunn O))) mais en terriblement plus épuré. Cette musique est primitive, tellurique, physique. Fermez les yeux, et vous sentirez le souffle de Nyarlathotep sur votre nuque alors que vous serez comprimé entre deux plaques tectoniques. Cette musique insufflerait la crainte de l'enfer au plus convaincu des athées ; ce son remue les tripes et l'âme. Parfois, on croirait entendre des didgeridoos sataniques, échappés d'une quelconque crevasse oubliée. Puis, au détour d'un interminable bruit blanc, les humbuckers font résonner une mélodie céleste et vous vous envolez. Mais, la musique s'arrête. On ouvre les yeux, O'Malley vous remercie, vous bénit, puis quitte la scène. Trop tôt. Quelques instants plus tard, souriant, il revient et achève ce fabuleux concert par un ultime et prolongé soubresaut cosmique. Cerise immense sur un gâteau divin.

Pour conclure, cette soirée au Lieu Unique fut excellente sous tous rapports Le public était au rendez-vous, et, soulignons-le, le son était d'une qualité exceptionnelle, les sondiers ont particulièrement géré et ont restitué en HD une musique complexe et exigeante. Croisons les doigts pour que le LU réitère ce genre de soirée !

Live report par eMet.