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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Devin Townsend

LabelInside Out Music
styleDevin Townsend Metal
formatAlbum
paysCanada
sortieaoût 2014
La note de
U-Zine
8/10


U-Zine

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Après Retinal Circus, album live qui résumait ses vingts ans de carrière, Devin Townsend revient avec un nouvel album. Enfin deux. Enfin un double album, avec deux albums différents dedans. En fait c'est un peu compliqué. Pour résumer à grands traits, la première partie, nommée Sky Blue, est un album du Devin Townsend Project (dont le dernier était le génial Epicloud). La deuxième partie, Dark Matters, c'est la suite de l'histoire de Ziltoïd, marionnette intergalactique à la recherche de café dont les aventures avaient commencé en 2007 avec l'album Ziltoïd The Omniscient. Et tout ça est regroupé sous le nom de .

La première partie, Sky Blue donc, débute avec Rejoice, un premier morceau qui reprend un peu la recette de Epicloud : un squelette fait de riffs metal bien solides sur lesquels se greffent une orgie de claviers, samples et autres engins électroniques dont le divin Devin est friand depuis des années. On retrouve également Anette Van Giersbergen pour accompagner Devin au chant à grand renfort de mélodies qui se gravent dans votre boîte crânienne après environ dix secondes d'écoute.

Globalement sur cette première partie, Devin Townsend reprend les bases de ce qui faisait Epicloud (et dans une plus large mesure, ce qu'il a construit en solo depuis des années) mais en poussant encore plus loin les parties mélodiques et symphoniques. Et c'est ici que cette première partie me pose problème. Autant j'avais adoré le parti pris totalement épique et délirant de Epicloud, autant ici, j'ai beaucoup plus de mal avec certains passages un peu trop mielleux que propose le sieur. Dès Midnight Sun et sa guitare sèche en intro (vaguement similaire à celle de Where We Belong sur Epicloud d'ailleurs), un petit quelque chose dérange. Pas facile de mettre le doigt dessus, mais en comparaison avec les morceaux plus aériens qu'a déjà composés Devin celui-ci manque de quelque chose, un soupçon de second degré ou un petit trait de folie, peut-être une énergie moins apparente ou une intention plus profonde qu'on ne perçoit plus. Quoiqu'il en soit, le miracle n'opère pas (du moins pas chez moi) et le morceau reste tristement plat. A New Reign remet un peu de puissance avec son riff bien massif en cœur de morceau, mais sur l'ensemble de l'album des morceaux moins prenants font baisser l'attention (Warrior, Sky Blue, Rain City). Difficile de définir clairement à quoi cela tient, Townsend jouant sans cesse avec une multitude de couches sonores si bien qu'il est impossible de tout analyser, indépendamment du nombre d'écoutes.

Il y a quand même quelques pistes excellentes, Rejoice en premier lieu, mais aussi Silent Militia et sa rythmique tout en rebonds ou encore Universal Flame complètement épique et grandiloquent avec son renfort de chœurs sur la dernière séquence. Cette première partie est peut-être ce que Townsend a fait de plus mitigé dans sa carrière solo. Malgré quelques très bons morceaux et une originalité globale qui reste largement au dessus de la mêlée, Sky Blue ne décolle jamais complètement et laisse une sensation de frustration comme si tout était là pour que ça marche mais sans l'étincelle qui déclencherait la machine. Cette première partie se conclue par The Ones Who Loves, petite outro en douceur, vaguement mélancolique...


Un mélange de tic-tacs mécaniques gonfle, des chœurs montent du fond de l'espace et l'histoire commence, narrée par une voix grave et rassurante et c'est la suite des aventures de Ziltoïd qui démarre. (le morceau) ouvre Dark Matters deuxième partie de (le double album, vous suivez toujours ?) et changement total de décor musical. C'est plus chaotique, plus bordélique, ça part dans tous les sens, trompettes, samples, chœurs, et un premier riff absolument dantesque pour accueillir la marionnette alien en bonne et due forme. On retrouve là le monde de Devin Townsend génial et foutraque, complètement déjanté même, et le maître canadien offre dans cette deuxième partie un pur bijou d'inventivité. Comme le premier volet, ce second chapitre est un concept album avec un récit, narré cette fois par une voix off et avec des interventions des différents personnages de l'histoire. Et c'est absolument parfait ! Pour garder la surprise de l'histoire (qui nécessite quand même un niveau d'anglais correct pour être comprise), je ne dévoilerai pas les différentes péripéties, mais simplement qu'elles impliquent en vrac : Captain Spectacular un humain (interprété par Chris Jericho de Fozzy), des poozers qui font mimimimi, une princesse maléfique (interprétée par Dominique Lenore Persi des Stolen Babies), du café, un engin maléfique, une pause pipi, des voyages dans le temps et l'espace, des guerres intergalactiques, du drama, des twists, de l'émotion et des trahisons. Je vous laisse découvrir comment tout ça s'articule par vous même, vous êtes grands. Ce qu'il faut savoir, c'est que c'est drôle mais à se pisser dessus, chaque dialogue est plus farfelu que le précédent et la musique regorge de petits détails complétement loufoques et imprévisibles (les chœurs instables de Ziltoidian Empire entre autres).

Devin Townsend a toujours cité dans ses références le grand et l'unique Frank Zappa et jamais il n'avait approché de si près le travail du génial moustachu, même si le rendu stylistique reste complètement différent. A l'image de certains albums de Zappa (Thin Fish, Uncle Meat, 200 Hundred Motels ou évidemment l'incroyable triple (!!) album Joe's Garage), Townsend produit ici une œuvre absolue. La musique répond à la narration ou bien c'est la narration qui fait écho à la musique, peu importe. Ce qui compte c'est que sur l'heure que dure cette deuxième partie, chaque seconde est fascinante et intrigante, on se ballade dans l'esprit de Townsend guidé par un fil rouge narratif mais dans un décor qui peut basculer à chaque instant vers quelque chose de toujours plus surprenant. Pour ce chapitre, et contrairement au précédent qu'il avait fait tout seul dans son coin, Devin s'est entouré de musiciens (l'excellent Ryan Van Poederooyen à la batterie, Dave Young à la guitare, Brian Waddell à la basse et Mike St-Jean aux synthés, ainsi que Anneke Van Giersbergen déjà mentionnée) et forge un son encore plus dense qu'avant, rempli de samples, de bruitages et de nappes plus ou moins marquées. Chaque écoute révèle une nouvelle couche, un nouveau trait d'humour ou une autre facette d'un même morceau et c'est un pur bonheur. Énergique et entrainante, cette deuxième partie se traverse sans effort en se laissant porter tantôt par la narration, tantôt par la musique. On retrouve ce qui fait la renommée de Hevy Devy, des riffs en plomb (The Marchi Of The Poozers), des délires rythmiques imprévus et surtout un sens de la composition hors norme. Jamais linéaire, Dark Matters est un véritable opéra metal qui évolue à chaque instant.

En bon génie des temps modernes, Townsend utilise toutes les possibilités que lui offre son époque pour produire sa musique. En effet le canadien a proposé à ses fans de participer à l'album en enregistrant des parties vocales qui se retrouvent sur l'album. Résultat : des chœurs chantés par deux milles (deux milles !!) voix de fans sur certains morceaux. Voilà ce qu'est ce deuxième chapitre des aventures de Ziltoïd : la démesure, Devin Townsend sort ici un pur chef d’œuvre, unique, singulier et évidemment profondément personnel et non destiné à la production en série. Quoique, puisque la fin de l'histoire laisse entrevoir une suite probable.

est donc très surprenant, mais peut-il en être autrement avec Devin Townsend ? Une première partie qui reprend la direction choisie sur Epicloud en poussant encore plus loin et un peu trop à mon goût les envolées mélodique et plus aériennes côtoie un second mouvement qui est déjà le second mouvement d'une autre œuvre débutée il y a sept ans, alors forcément question repère, c'est flou. Pourquoi avoir collé ces deux œuvres si différentes sur le même album ? Seul Devin doit détenir la réponse définitive et au fond on s'en fout. Ce qui compte c'est que la source n'est pas tarie et que même si tout n'est pas optimal sur ce double album, on reste à des années lumière au dessus de la concurrence. Pas de doute, Devin Townsend gardera pour l'éternité son statut de génie.

Blue Sky :
01. Rejoice
02. Fallout
03. Midnight Sun
04. A New Reign
05. Universal Flame
06. Warrior
07. Sky Blue
08. Silent Militia
09. Rain City
10. Forever
11. Before We Die
12. The Ones Who Love

Dark Matters :
01. Z²
02. From Sleep Awake
03. Ziltoidian Empire
04. War Princess
05. Deathray
06. March Of The Poozers
07. Wandering Eye
08. Earth
09. Ziltoid Goes Home
10. Through The Wormhole
11. Dimension Z

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