
Cratophane : préserver le frisson de l'inattendu en live
Aymeric Aubert, Simon Bouin, Ronan Grall

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Simon : Presque toute la galaxie du groupe de metal prog psychédélique Cratophane était réunie au festival rennais Les Lunatiques. La prestation du trio instrumental en ouverture du week-end coïncidait avec la date de sortie du deuxième album Exode avec le label I, Voidhanger Records, et le festival accueillait également parmi les exposant.es les illustrateur.rices Paul Ëmgalaï et Claire Tardieux qui ont signé certains visuels du groupe. L’occasion était trop belle pour revenir avec Simon Bouin (guitare, claviers), Aymeric Aubert (batterie) et Ronan Grall (basse) sur leur univers invoquant la BD et la science-fiction, leur processus créatif, ainsi que leurs explorations à venir, en tentant de démystifier leur style facilement affilié à la « zeuhl » de Magma.
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Vous avez sorti votre deuxième album Exode aujourd’hui. C’est un peu votre release party ce soir aux Lunatiques.
Aymeric : Carrément, on était super contents de pouvoir jouer ici.
C’était la première fois que vous jouiez certains morceaux d’Exode ?
Aymeric : Non, on a ouvert pour Kayo Dot il y a deux semaines où on a fait un set similaire. C’était l’occasion de jouer en live nos nouveaux morceaux justement.
Simon : Sachant que dans nos nouveaux morceaux, il y a des vieux morceaux.
Aymeric : Oui, il y a une temporalité assez particulière. Il y a des morceaux qui proviennent d’avant le premier album parce qu’on considérait qu’il n’y avait pas assez de maturité à l'époque. Il y a des morceaux qui ont été retournés dans tous les sens, notamment « Ranx » où le début s’est retrouvé au milieu. Ça fait partie du processus pour trouver la bonne narration.

Il faut trouver le déclic qui va faire que tu vas pouvoir développer quelque chose autour.
Simon : Il y a pas mal de morceaux qu’on teste en live, et après on voit si ça marche ou non. Par exemple, ce soir, on a joué deux morceaux qu’on joue depuis longtemps. J’ai même retrouvé des vieilles vidéos où on les jouait déjà dans des bars en 2021, mais ils ne ressemblaient pas à leur version finale.
Ronan : Oui, ils évoluent. Il y a toujours des choses qui se rajoutent avec le temps.
Aymeric : On aime faire évoluer nos morceaux, les changer, les triturer.
Simon : Même quand ils sont déjà écrits, on les rejoue et on les change.
Ronan : Ce n’est pas une raison pour arrêter de les faire évoluer, sinon on arrête de les aimer.
Aymeric : Simon vient de la musique improvisée. On aime bien improviser en live plutôt que de dérouler mécaniquement un set purement écrit.
Simon : Ça reste une improvisation bien cadrée avec des mesures, mais ça peut être des moments assez longs parfois, pendant deux minutes.
Aymeric : On sort de notre zone de confort pour nous obliger à être purement dans l’instant présent sur scène, à se regarder. On veut ressentir ce petit frisson, cette dangerosité, on s’amuse.
Même ce soir avec des morceaux finis maintenant que l’album est sorti ?
Ronan : Oui, ça continue toujours sur des détails.
Aymeric : Il y a des moments où on se laisse le temps de dire ce qu’on a à dire dans nos solos, au synthé par exemple. Simon va pouvoir développer une idée avant de passer à la suite.
Simon : Sur le premier morceau qu’on a joué, « Ranx », qui dure une bonne dizaine de minutes, habituellement sur le passage du milieu un peu long avec une grosse montée, je fais souvent beaucoup d’effets très éthérés un peu noise à la guitare. En fait, sur les chroniques de l’album, beaucoup de gens se trompent en pensant que c’est du synthé. Du coup, ce soir, je me suis dit que j’allais jouer du synthé pour voir.
Aymeric : Oui, c’est vrai, j’ai vu ça.
Ronan : T’as fait ça ? Ah, c’est vrai, c’était cool. Ce n’était pas perturbant pour nous, à la basse et à la batterie, parce qu’on savait qu’on allait retomber sur nos pattes, c’était prévu. Ça apporte un élément fou dans le groupe.
Simon : Comme disait Aymeric, j’ai beaucoup fait de musiques improvisées, donc j’ai de l’expérience pour savoir où je vais même si j’improvise.
Ronan : C’est horrible de répéter avec lui, il nous fait toujours des surprises (rires). « Je vais jouer ce morceau super lentement. » On ne sait jamais. Il est taquin.
Aymeric : Même en live, il y a toujours ces surprises.
Ronan : Ça reste cadré. Quand on compose, on arrive toujours à trouver un point où on se recentre. On s’accorde, et à force, on n’a plus besoin de se concerter. C’est agréable aussi. C’est intéressant de faire ça, même pour n’importe quel groupe de musique.
Aymeric : On veut garder cette tension du live où on ne sait pas forcément ce qu’il va se passer. Ça nous met dans un état particulier de pur présent, d’écoute. Il y a une forme d’adrénaline de savoir ce qui va être développé. Même si nos morceaux sont globalement très écrits, on se garde toujours une marge pour l’inattendu.
Est-ce que le choix d’être un groupe instrumental était naturel pour vous ou est-ce que c’était un parti pris ?
Aymeric : C’est venu très naturellement, car il y avait suffisamment de choses à dire et à développer uniquement avec les instruments plutôt que de rajouter une voix qui aurait été de trop. La composition peut venir seulement du son très particulier d’une pédale qui amène une idée, une texture. Ça prend le relais de la voix.
Il n’y a donc plus de place pour une voix dans votre musique telle que vous la composez actuellement.
Simon : Pour l’instant, non. Dans un futur plus ou moins proche, il y a des pistes pour intégrer des voix, mais avec une utilisation instrumentale, comme des chœurs. Ce ne serait pas des voix classiques avec des textes. Je suis extrêmement sensible aux voix et ultra difficile. Je ne supporte pas 99 % des chanteurs.
Aymeric : Il y a plusieurs groupes où j’adore la musique, mais où la voix ne passe pas.
Ronan : Pour ma part, j’ai été chanteur pendant plus de dix ans chez Huata, parce qu’il n’y avait personne d’autre qui voulait chanter, pour ne pas se mettre en avant ou faire la rock star. C’était aussi simple que ça. Il fallait que quelqu’un s’y colle. J'ai fait comme j’ai pu. En parallèle de Huata, j’ai pris des cours de chant pour essayer d’améliorer ma voix. Mais j’étais confronté à des gens qui avaient la même opinion que ces deux personnes (pointe Simon et Aymeric en riant) qui sont très difficiles sur la voix, et c’est très fatigant. Donc quand on s’est mis d’accord pour ne pas avoir de chant, j’étais sûr que ça ne tomberait pas sur moi.
Aymeric : À côté de ça, tu as suffisamment de choses à dire et à développer à la basse.
Ronan : J’ai fait de la basse dans Brain Pyramid et j’aime bien cette façon de faire.
Simon : Comme on a peut-être l’idée d’ajouter des voix, ce n’est pas impossible que Ronan soit mis à contribution. Effectivement, je déteste les chanteurs et j’aime moins les premiers albums de Huata, mais sur leur dernier album (Lux Initiatrix Terrae, ndlr), je trouve que les pistes de chants sont incroyables, et je ne dis pas ça parce qu’il est là.
Ronan : J’ai mis six mois à les faire.
Simon : Je suis très content d’avoir un très bon bassiste qui sache aussi chanter avec une voix qui ne me donne pas envie de le tabasser (rires). C’est un compliment, hein.
Ronan : Oui, j’ai compris, merci (rires). Ouf, j’ai échappé à quelque chose.
Simon : Après, j’ai très mauvais goût, il y a des chanteurs immondes que j’adore.
Ronan : On ne choisit pas ses goûts.
Aymeric : On a des goûts très éclectiques dans le groupe.


En termes d’influence, comment décririez-vous Exode par rapport à son prédécesseur ? Est-ce que vous avez intégré de nouvelles influences ou est-ce que c’est seulement la continuité pour vous ?
Simon : On a écrit les morceaux quasiment en même temps.
Aymeric : On les a laissé mûrir.
Simon : Je dirais qu’on a sorti l’album précédent un peu vite, sans trop le laisser mûrir. Quand je l’écoute aujourd’hui, j’entends des erreurs de jeunesse. Le premier album est sorti en 2022 alors qu’il était prêt en 2020. Avec Exode, on a pris le temps de trouver des sons, des textures, des rythmiques, des constructions. C’est ça, la différence. Comme on l’a dit, « Ranx » a été mis sens dessus dessous pendant cinq ans jusqu’à ce qu’on soit tous satisfaits. Ça vaut le coup de revenir sur des morceaux qu’on avait mis de côté avant de trouver le déclic.
Aymeric : Ça nous a permis d’avoir un album diversifié, mais cohérent dans sa narration. C’est important pour nous, car on intègre l’influence BD.
Effectivement, ça fait partie de votre univers et de votre identité avec des références à Métal Hurlant, les BD de science-fiction des années 70 qui va avec la musique prog que vous jouez, teintée de metal extrême. Sur le dernier album, j’ai entendu énormément de mélanges de style, du post-rock au nu metal.
Simon : Tu ne trompes pas, je suis un gros fan de nu metal, Korn notamment. Je suis content que tu l’entendes.
Ronan : On aime beaucoup Korn.
Aymeric : La petite dissonance des premiers albums.
Simon : Les gros riffs de bâtards qui alternent avec des trucs dissonants.
Ronan : Je suis bien content qu’on se permette ça des fois.
La pochette du dernier album est un extrait de Negalyod de Vincent Perriot, qui était déjà une influence du premier album où une piste fait référence à la BD. Comment avez-vous eu contact avec Vincent Perriot ?
Aymeric : Au culot.
Simon : C’est moi qui l’ai contacté. Il est hyper sympa, hyper accessible. J’ai fouiné son adresse mail sur internet pour lui dire : « On a écrit un titre en prenant le nom de ta BD parce qu’on a beaucoup aimé ce que tu faisais. On se demandait si tu étais intéressé pour faire la pochette de notre album. Je te mets le lien pour l’écouter. » Il a répondu très vite ; il était motivé. C’est un fan de rock et metal aussi. Il nous a fait plusieurs propositions hyper intéressantes à chaque fois, aussi bien artistiquement que financièrement, il faut le dire quand même, c’est important. On a fait notre choix. C’est le dessinateur de la BD, mais il a une coloriste (Florence Breton, ndlr). Il a la propriété de ses dessins, pas de ses dessins coloriés. Donc on a demandé à notre partner in crime Paul Ëmgalaï, notre vieil ami, de s’occuper de la colorisation. Les échanges avec Vincent Perriot ont été hyper simples, il était hyper enthousiaste, hyper cool. C’était excellent de bosser avec lui.
Aymeric : On lui a même envoyé les maquettes. Il a suivi tout le processus. On ne s’attendait pas à autant d’enthousiasme. Je ne savais pas trop ce qu’il écoutait comme musique. Je sais qu’il a à peu près nos âges. C’est super, car dans le premier album, on s’était inspirés de son univers pour un morceau. C’était incroyable qu’il puisse mettre sa patte visuelle dans le deuxième album.
On dit « ne rencontrez pas vos idoles », mais ça vaut le coup quand même parfois.
Simon : Il est connu, mais il reste très simple et hyper accessible, et engagé.
Justement, il y a toute une thématique sociétale dans Negalyod sur la technologie, l’environnement. Votre musique est instrumentale, mais est-ce que ce sont des thèmes que vous avez en tête dans votre univers ?
Ronan : On les aborde rien que par le nom de nos morceaux. L’aspect écologique est important.
Simon : On ne fait référence qu’à des BD de sales gauchistes (rires). Je pense que ça en dit long sur nous. Par exemple, on s’inspire beaucoup de Druillet qui est un antifasciste jusqu’au bout des ongles. On ne va pas faire des BD inspirées par… Je n’ai même pas de noms à donner parce que je ne les lis pas.
Aymeric : Dans la musique, il y a tout le côté organique inspiré de la science-fiction qu’on aime bien développer. Certes, il y a une science-fiction dans l’espace, froide, etc. Mais il y a aussi ce côté organique et rampant, un peu mutant.

Artwork de Vincent Perriot
La pochette m’évoque Voïvod et le logo du groupe. Je ne sais pas si c’est un choix conscient.
Simon : Quand on a demandé à Ëmgalaï de faire notre logo, il nous a dit que notre premier album rappelait beaucoup Voïvod dans les sonorités. C’est une influence involontaire, car je connaissais de nom à l’époque de notre premier album. Aujourd’hui, j’écoute beaucoup. J’aime beaucoup de choses que Voïvod écoute, ce qui fait qu’on leur ressemble indirectement. Avec le recul, le lien avec Voïvod est assez juste. C’est plutôt cool.
Ronan : J’avais fait le dessin d’un logo que j’avais proposé et que j’ai donné à Paul. C’était déjà Voïvod dans l’histoire. Il y avait des pics dedans.
Aymeric : Il y a tellement de choses dans la SF, c’est tellement varié au niveau des thématiques qui sont abordées. Ça peut autant se passer dans une jungle extraterrestre que perdu dans l’espace. On lit beaucoup de SF en règle générale. C’est une thématique qui réunit tout le monde. Même les répétitions devenaient des moments où on se prêtait des BD, on s’échangeait des références de bouquins. On s’est fait une culture SF grâce aux répétitions. C’est chouette d’avoir pu partager ça.
Simon : C’est pour ça qu’on n’est pas partis avec l’idée de faire des trucs de BD SF muets. On était partis pour faire du rock/stoner/metal, on ne savait pas trop. C’est en se rencontrant, en se connaissant, en se découvrant, en s’échangeant des références qu’on s’est rendus compte qu’on avait les mêmes goûts, en dehors de la musique. D’ailleurs, finalement, on a des goûts musicaux très éclectiques qu’on ne partage pas forcément. C’est presque plus sur la BD qu’on se rejoint plutôt que sur la musique. Évidemment, on aime le metal, mais par exemple, Ronan et moi, on a des goûts très différents. On aime beaucoup le grunge tous les deux. Hormis ça… J’aime le free jazz, la harsh noise, c’est inimaginable pour Ronan (rires). À côté de ça, tu adores le stoner. Pour moi, c’est impossible.
Aymeric : On s’est mutuellement influencés sur plein d’aspects, autant musicaux que culturels, la BD, etc. On s’est autonourris en permanence, c’était hyper enrichissant.
Vous êtes des grands lecteurs de BD, mais est-ce que vous dessinez aussi ?
Aymeric : Pas du tout.
Simon : Je suis le pire dessinateur du monde.
Ronan : Je fais quelques dessins de mon côté, mais rien que je puisse publier ou présenter. J’ai toujours dessiné, depuis que je suis tout petit, sur les marges des cahiers. Gotlib faisait ça apparemment, mais il arrivait à ne pas se faire punir par son maître d’école parce qu’il trouvait qu’il dessinait bien. Ça m’est arrivé aussi, mais rarement.
Aymeric : On apprend toujours plein de choses (rires).

Artwork de Claire Tardieux
Vous avez changé de label. Exode est sorti sur le label italien I, Voidhanger Records. Qu’est-ce qui a motivé votre choix ?
Aymeric : C’est un label qu’on adore, Simon et moi. On suit quasiment toutes leurs parutions depuis plusieurs années. C’est très inventif, c’est toujours très intéressant, il y a une belle proposition sur ce label. On s’est dit : « Allons-y ! », même si c’est un label de musiques dissonantes. Luciano (Gaglio, fondateur et responsable du label, ndlr) est un grand fan de BD, de Métal Hurlant. On était assez surpris de ses connaissances ultrapointues de BD franco-belges. Ça a matché direct. Il était prêt à nous suivre dans tous les délires qu’on pouvait proposer.
Simon : Lui-même nous propose des idées, de partir dans des délires (rires). « Allez-y, les gars, faites un triple album si vous voulez ! » Au-delà de la liberté offerte, il nous propose d’aller plus loin.
Ronan : On verra bien. A priori, c’est bien parti.
Aymeric :« Faites-vous plaisir ! » C’est assez incroyable, c’est rare et génial. Il n’a peur de rien. Aucun label n’aurait osé sortir un triple album comme celui de Neptunian Maximalism (Éons, ndlr) qui a bien marché en plus.
Simon : Quand on regarde bien leur catalogue, il y a quelques groupes non metal extrême qui dénotent un peu, qui passent sous les radars, mais c’est un label quand même plutôt typé « cosmic death/black ». Quand on voit les quinze derniers albums, c’est que du black quasiment… et Cratophane !
Vous êtes la caution prog du label ! Je dis « prog », mais comment définir ce que vous faites ?
Aymeric : C’est la question la plus difficile qu’on puisse nous poser.
Simon : On avait lu à la sortie du premier album qu’on faisait du brutal prog (rires).
Aymeric : J’aime bien.
Simon : Ça parlait de prog zeuhl. Ce sont vraiment de petites touches dans notre musique.
Ronan : C’est dur de dire le mot « zeuhl », parce que c’est difficile de prétendre qu’on fait de la zeuhl. On n’essaie pas de faire du Magma. On aime ça, on essaie de le retranscrire comme on peut. Zeuhl, c’est un terme parmi d’autres. Mais progressif, psychédélique, ça nous correspond.
Aymeric : On pourrait presque dire « metal psychédélique prog ». Allez, voilà ! Comme ça, on reste large.


Pour terminer, quels sont vos prochains projets ?
Aymeric : On a un gros projet d’album-concept. On disait qu’on a des morceaux qui traînent depuis très longtemps. Celui-ci traîne depuis quasiment le début du projet. Un très gros morceau de vingt-cinq minutes environ.
Tous : Pour l’instant (rires).
Simon : Il est ultra-écrit, très dense, avec 20 instruments différents : trompettes, violons, pianos…
Aymeric : On fait de plus en plus de sessions chez Simon avec un clavier et un PC pour composer, mixer, adapter et triturer ce qu’on a écrit. Je trouve ça très intéressant comme façon de composer.
Simon : J’ai la chance d’avoir un petit home studio. C’est là où on a enregistré l’album, à part la batterie qu’on a enregistré à Nantes chez Christophe Hogommat. Tous les autres instruments sont enregistrés, mixés, masterisés chez moi : guitare, basse, synthés et setâr, un instrument à cordes iranien pour lequel j’ai pris des cours avec un grand maître iranien. Avec ce studio, on a l’avantage de pouvoir écrire les morceaux, faire la maquette avec les instruments, tout construire à la maison. C’est pratique : je rentre du boulot, je m’occupe de mes enfants. Une fois qu’ils sont couchés, j’allume le PC, je fais une petite session d’une demi-heure pour enregistrer deux ou trois riffs. J’y reviens le lendemain, ça permet de laisser reposer les morceaux. Ça me donne une certaine liberté. J’ai toujours plein d’idées, mais il faut écrémer. Une fois que ça me plaît, j’envoie aux autres et les choses sérieuses commencent. Ce nouveau projet sera autour de Druillet. On ne va pas spoiler, c’est un peu tôt pour en dire plus, mais j’ai déjà plus d’une heure de musique enregistrée, donc ce sera au minimum un double album.
Ronan : Sachant qu’Aymeric et moi n’avons pas encore mis les mains dans cette partie.
Simon : Il y a des parties que vous connaissez, d’autres non (rires).
Aymeric : Ensuite, on a toujours de l’espace pour modifier.
Ronan : Simon amène beaucoup d’idées et on les triture. Il est assez gentil pour nous laisser faire. Parfois, on se demande aussi à quel moment on va arrêter. On rajoute toujours plus, jusqu’à se dire parfois qu’il faut épurer pour éviter que ce soit trop chargé et garder un fil rouge.
Simon : Je ne veux pas me comparer à Devin Townsend, mais son problème, c’est que personne ne lui dit stop. Je suis fan de lui depuis que je suis ado. J’adorais ce qu’il faisait avant, mais depuis quinze ans, ses albums sont inécoutables parce qu’il est tout seul et personne ne l’arrête. Des morceaux de quinze minutes avec 99 pistes sur son logiciel, 42 voix, c’est imbuvable, c’est immonde.
C’est aussi la beauté d’avoir certains artistes sans aucune barrière, mais effectivement ça sature parfois.
Simon : À côté de ça, la musique, c’est ma vie, mais j’ai aussi un boulot, une famille, je ne veux pas que ma vie dépende de la musique. Je ne vais pas sortir trois albums dans l’année parce que je suis prolifique. Il s’agit de faire un truc qui marque, à écouter, où il y a de la personnalité qui s’exprime.
En étant indépendant du métier de musicien, vous pouvez faire ce que vous voulez et prendre le temps.
Simon : C’est indispensable.
Aymeric : C’est bien de ne pas être obligé de sortir un album, d’être productif. C’est un luxe de pouvoir prendre notre temps, réfléchir, jeter, revenir sur un morceau deux ou trois ans après.
Simon : Tout ce qu’on fait, ça nous coûte, au sens propre. J’ai payé tout mon matos, mon home studio, sans retour sur investissement, car l’argent des concerts et des ventes d’albums n’équilibrent pas les dépenses. Comme on a une vie professionnelle séparée, on n’en est pas dépendants. Ça rejoint notre côté gauchiasse (rires). C’est parce qu’il y a un cadre que tu es libre.

Merci à Aymeric, Simon et Ronan pour leur disponibilité, à l'organisation du festival Les Lunatiques pour avoir mis une salle à notre disposition pour cette rencontre, ainsi qu'à Claire Tardieux pour l'utilisation du poster et à Rançon Photographie pour les photos du concert du soir.














