
Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Si Chat Pile a placé l'Oklahoma sur la carte des musiques radicales ces dernières années, un groupe à la renommée moindre mais au talent tout aussi époustouflant trouve également ses racines dans cet état déshérité du Midwest : Black Magnet. Et après deux albums d'une qualité exceptionnelle, le projet de James Hammontree remet le couvert avec un troisième opus, Megamantra.
Avant d'entrer dans la discussion musicale proprement dite, il est bon de souligner quelques éléments de contexte. Si Hallucination Scene et Body Prophecy étaient tout entier forgés par Hammontree en solo, pour ce nouvel album, Black Magnet se présente sous la forme d'un groupe. Ont rejoint le projet le guitariste Ryne Bratcher, le bassiste Jared Branson et le batteur Noah Taylor, Hammontree gardant le chant et la guitare. La mutation du one-man-band vers le groupe s'était déjà amorcée peu après la sortie de Body Prophecy en 2022 afin de défendre l'album en live, et le processus s'affirme encore davantage pour cette nouvelle sortie. Hammontree explicite la démarche derrière ce choix en interview : " Je voulais qu'ils viennent sur mes plates-bandes, je voulais qu'ils retravaillent mes idées". Voilà pour le changement majeur au sein du groupe, mais il faut également noter le départ du projet de l'excellent label 20 Buck Spin pour une signature chez Federal Prisoner Records, le label co-fondé par Greg Puciato et dont Megamantra est la première sortie, signe de la confiance que l'ex-chanteur de The Dillinger Escape Plan place dans cet album.
Et il a bien raison, Greg Puciato, d'accorder cette confiance. Megamantra est dans la droite ligne de ses prédécesseurs, tant en termes de style que de qualité. Le désormais quatuor nous sert de nouveau un metal indus très typé Godflesh en première approche, avec des guitares massives et riffées, un soin extrême porté sur les textures sonores et une efficacité absoluement dingue. Dès le premier riff de "Endless", c'est imparable, votre corps se secoue tout seul, que vous le vouliez ou non. On est happé par les guitares mais bientôt on s'aperçoit que les machines stridentes et saturées qui habillent l'ensemble offrent ce supplément d'âme qui fait d'un bon morceau un pur bijou. L'ensemble de l'album est hargneux, agressif, méchant, mais jamais véritablement difficile à aborder, il y a à nouveau cette immédiateté dans la musique Black Magnet, un caractère que nombre de groupes perdent avant même leur troisième album. Ils étaient déjà mentionnés dans mes chroniques précédentes mais il est évident que Nine Inch Nails et Manson font partie des influences, en témoigne tout un tas d'arrangements que l'on trouve un peu partout dans les titres.
Et puis il y a, là encore comme pour les sorties antérieures, un travail de dingue sur le son. La batterie est pariculièrement travaillée, avec par exemple ce kick ultra sourd et profond qui entame "Spitting Glass" (un titre où la patte d'un Rob Zombie survénère se glisse volontiers) et donne l'impression de se retrouver dans un club berlinois matraqué par de la techno brutasse. Plus généralement, chaque effet, chaque arrangement, chaque grésillement et chaque bidouillage électronique semblent avoir été minutieusement modelés de sorte à trouver sa forme la plus parfaite, son effet le plus impactant. Black Magnet a de nouveau choisi un format d'album court et direct (9 titres pour 25 minutes) avec pour résultat que c'est le genre d'album qu'on peut s'enfiler deux fois par jour sans indigestion.
Mettre ses idées à l'épreuve des autres, voilà peut-être ce qui a garanti à James Hammontree de ne garder que le meilleur de son travail, et d'aboutir à un troisième album qui prolonge l'excellence des deux premiers. Avec ce Megamantra, Black Magnet s'impose définitivement comme le renouveau de l'indus méchant et caustique.
Tracklist de Megamantra :
01.Wound Signal
02.Endless
03.Better Than Love
04.Spitting Glass
05.Coming Back Again
06.Null + Void
07.Night Tripping
08.B I R T H
09.Smokeskreen