Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Pour The Stronghold, leur troisième album, les Lillois de The Lumberjack Feedback ont signé avec Argonauta Records. Un choix plutôt logique, puisque le label italien a un reluisant catalogue dans les musiques pesantes, du doom au sludge en passant par le post-metal. The Lumberjack Feedback s'inscrivant à la croisée de ces styles, leur venue dans la maison semble évidente. C'est donc après une attente de cinq ans que le quintet du Nord remet le couvert pour une nouvelle leçon de récit musical.
En effet, pour celles et ceux qui ne sont pas familiers avec le groupe, The Lumberjack Feedback est un projet instrumental et doit de ce fait faire passer l'integralité de son message via les instruments. Blackened Visions et Mere Mortal étaient parvenus à tracer de grands arcs narratifs sans le moindre mot, donnant la sensation de vivre une histoire musicale. Et c'est donc avec la question de savoir si un troisième petit miracle de sorte peut advenir que l'on se plonge dans The Stronghold. Et il ne faut pas bien longtemps pour se rendre compte que les gars font toujours aussi bien le boulot. Dès l'intro de « Kings And Servants », avant la première véritable explosion, l'auditeur se retrouve déjà face à un fourmillement de sons : d'un côté une mélodie en tension grandissante et de l'autre une rythmique déjà riche et variée. Avec ses deux batteries, le groupe joue à la fois sur le tableau (évident) de la puissance de frappe mais n'oublie pas que les constructions fines sont leur meilleur atout pour embarquer son public. Le duo de batteries est peut-être plus complémentaire que jamais sur ce troisième opus, avec un enchassement toujours plus subtil de parties légèrement différentes qui déploie des structures post-metal contemplatives mais qui se rejoignent lorsqu'il faut que ça cogne. Bref une nouvelle fois, The Lumberjack Feedback fait montre d'un talent de composition indéniable.
Et pas que pour la rythmique. The Stronghold contient un palanquée de riffs croustillants, tantôt dans le registre de l'efficace imparable, tantôt des tons plus subtils. Le meilleur exemple de la première catégorie est peut-être le riff qui ouvre et ferme « Praised the Lord for A Brighter Future », aussi parfait pour se détendre les muscles du coup que pour le chantonner en s'agitant sous la douche (ce deuxième cas de figure étant peut-être vrai uniquement concernant l'auteur de cette chronique). En ce qui concerne la seconde catégorie, celle du ton subtil, il faut bien reconnaître que les exemples sont moins évidents à citer, et ce pour une raison simple : ils sont un peu partout, au détour d'un stop ou d'une envolée, s'oubliant presque parce qu'ils composent l'aspect narratif de la musique. Et bien entendu, lorsqu'il est question de faire cohabiter puissance et subtilité, la production suit la route avec une qualité irréprochable à tous les étages. Je ne me souviens plus si c'était déjà le cas sur les sorties précédentes, mais le groupe propose quelques effets stéréo avec les toms des batteries donnant un effet de dialogue avec les instruments (sur « Failing to Witness His Mighty Work », notamment).
D'un bout à l'autre de son troisième album, The Lumberjack Feedback confirme qu'il est un groupe bourré de talent et d'une constance exemplaire. On reconnaît immédiatement leur manière de construire un titre, de nous peindre à la fois un paysage et un récit, sans que jamais il n'y ait de redondance ou de redite. The Stronghold s'écoute sans que jamais la lassitude ne s'installe, il y a suffisament de richesse dans les compositions et dans le son pour que chaque nouvelle écoute dévoile de petits détails jusque-là passés inapercus. Troisième long format, troisième pépite, la messe est dite ?
Tracklist de The Stronghold :
01.Kings and Servants
02.Praised the Lord for A Brighter Future
03.Failing to Witness His Mighty Work
04.But All Remembered the Place
05.The Stronghold
