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jeudi 25 avril 2024

Bell Witch + Thantifaxath @Paris

Petit Bain - Paris

Varulven

"The sound of falling, when the pictures are moving"

« Le Petit Bain, c’est vraiment une salle que j’aime bien venir ». Derrière cette référence subtile au football bien de chez nous, se cache une opinion très favorable de cette péniche des bords de Seine. Avec son cadre apaisé et son emplacement entouré d’eau, cette salle parisienne si atypique possède une aura particulière. Si particulière qu’elle renforce l’aura magnétique dégagée par certains groupes qui jouent la carte de l’onirisme et de l’introspection. C’est donc avec une grande satisfaction que j’ai accueilli la nouvelle du passage de Bell Witch au Petit Bain pour sa tournée européenne. Forts d’un dernier album à la hauteur du (déjà) classique Mirror Reaper, les Américains sont accompagnés par les trublions de Thantifaxath, trio infernal qui a fait du chaos son leitmotiv. Une hétérogénéité annonciatrice d’une belle soirée. Entre rêve et cauchemar.

 

Thantifaxath

Malgré un lobbying important des collègues de Horns Up, je n’ai pris le temps de m’intéresser aux Canadiens que tout récemment. Mal m’en a pris. Car à l’écoute du dernier album Hive Mind Narcosis, j’ai compris que le propos du groupe ne se cantonnait pas à une simple redite de black dissonant vaguement avant gardiste. Bien que puisant son inspiration dans le magma dissonant d’un Deathspell Omega, Thantifaxath ne tombe pas dans le même travers que son maître. Celui de rester coincé dans un carcan en le répétant ad nauseam. Au contraire, le trio fait tout pour contourner cet obstacle, en explosant son identité vers des retranchements encore plus tortueux, sur le fil et radicaux.

Crédits photos : Mathieu Lelièvre (Acta Infernalis) 

Cet état d’esprit se confirme également en live. On assiste à une véritable cacophonie ordonnée, où s’entrechoquent une diversité d’éléments tous plus malsains les uns que les autres. Des trémolos hallucinés aux arpèges cérémoniels en passant par des leads pesants, on est tantôt happés, tantôt perdus dans ce maelstrom d’expérimentations noires et brutales. Et lorsque l’ensemble est agrémenté de quelques rythmiques syncopées à la Dodecahedron ou des hurlements cauchemardesques du trio, on ressort à la fois conquis et épuisé mentalement par un tel bouleversement sensoriel. Une belle confirmation de ce que ce groupe peut offrir en studio. A suivre...

Crédits photos : Mathieu Lelièvre (Acta Infernalis) 

Bell Witch

Changement de plateau pour la tête d’affiche tant attendue. Adieu le désordre du black avant garde et bienvenue à toute la solennité et la sobriété de Bell Witch. Plus qu’une porte d’entrée vers le funeral doom, Mirror Reaper a véritablement marqué ma culture musicale. Il m’a montré que l’on pouvait proposer des ambiances très aériennes et mémorables dans un style connu pour son caractère opaque et hermétique. Une accroche immédiate et une riche palette de textures sonores, qui contrastent pourtant avec la modestie des moyens employés : une basse, une batterie et deux voix. Pour recréer cette sensation d’échappée immersive, le duo a continué sur cette formule d’un seul long morceau sur son nouvel album, et s’emploie à reproduire l’expérience lors de ses représentations.

Crédits photos : Mathieu Lelièvre (Acta Infernalis) 

Dylan Desmond et Jesse Shreibman prennent place sous un halo bleuté, dans un silence religieux. Ce silence sera quasi imperturbable durant l’heure vingt trois que durera le set. Dès les premières notes d’orgue de The Clandestine Gate, le temps semble se suspendre, et l’on est pris dans les méandres bourdonnants et oniriques de Bell Witch. Chaque note jouée, chaque silence, chaque coup de gong ou de caisse claire, tous les éléments de l’ensemble sont magnifiés grâce aux sublimes effets de reverbe, de delay, de chorus et de larsens qui nous sollicitent physiquement. On frissonne à l’écoute des choeurs religieux et éthérés, on vibre sous le bourdonnement des rythmiques, et on s’évade à travers les vidéos de paysages projetées sur grand écran.

Toutes ces images correspondent à l'une des composantes de The Clandestine Gate. Les forêts paisibles et les cieux renvoient aux arpèges lancinants, tandis que les cascades et les océans déchaînés illustrent le caractère tempétueux des rythmiques doom. Et la figure de la sorcière encapuchonnée, femme mystique et solitaire, se fait l'incarnation des envolées grégoriennes de Desmond et des growls abyssaux de Shreibman. A l’image d’un Sunn O))), Bell Witch voit ses concerts non pas comme un spectacle, mais comme une expérience à part entière, où tous nos sens se retrouvent impliqués dans une traversée enveloppante. Qui nous dépasse mais nous marque profondément. Jusqu'à la prochaine fois.   

Crédits photos : Mathieu Lelièvre (Acta Infernalis) 

 

Setlist :
The Clandestine Gate, 1st mouvement
The Clandestine Gate, 2nd mouvement
The Clandestine Gate, 3rd mouvement
The Clandestine Gate, 4th mouvement
 

 

Un grand merci à Garmonbozia pour l'organisation de ce concert et pour l'accréditation. et aux artistes pour leur prestations uniques. 

En remerciant Mathieu Lelièvre (Acta Infernalis) pour l'autorisation d'utiliser ses photos.