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mardi 7 février 2023

Brutus @Bruxelles

Ancienne Belgique - Bruxelles

Matthias

Punkach' renégat hellénophile.

La Belgique a une certaine tradition dans l'export de projets musicaux qui dénotent. Ce sont en général les voisins hexagonaux qui en sont les plus friands, même si ce sont quand même les chanteurs et chanteuses à texte qui s'arrachent le plus outre-Quiévrain. Côté musiques extrêmes il y a bien l'exception AmenRa, mais les quelques bons groupes étant généralement flamands, j'ai l'impression qu'il y a en général un ton, un message, qui perd de son impact dès qu'on s’éloigne de notre ciel de plomb. D'où ma surprise devant une tournée de Brutus à peu près sold out partout plusieurs mois à l'avance, et pas que dans mon plat pays. Le groupe louvaniste monte les échelons, et c'est mérité après un troisième album vraiment réussi. Mais de là à ce que je doive me faufiler dans une Ancienne Belgique absolument noire de monde j'en reste pantois. Il faut dire que la date est considérée comme un événement particulier au sein de cet Unison Life tour : « le trio belge s’offrira son plus grand show jamais joué à l’AB » teasait ainsi la fameuse salle bruxelloise.

Je ne présenterai donc un lieu aussi emblématique ; mais je m'interroge quand même un peu sur les choix de programmation de la soirée. Car Brutus ne joue pas seul, mais est précédé de deux premières parties... Disons le,  inégales. On commence donc avec Quentin Sauvé, qui n'est autre que le bassiste de Birds in Row. Pas de chance, je n'ai jamais accroché à ce genre de hardcore à la parisienne, même si le Sauvé officie dans un style fort différent. Mais ce chant tout doux qui s'accompagne à la guitare n'obtiendra que des applaudissements polis de la part d'un public encore peu nombreux et de toute évidence venu pour une autre voix. Le musicien tente bien un growl final sur son dernier morceaux, mais c'est peu, et c'est tard.

Place à The Guru Guru, groupe d'Hasselt qui a visiblement su, lui, importer son public vers la capitale. Ces Limbourgeois nous jouent un rock enrichi aux sonorités synthétiques très 80's et je dois dire que ça fait mouche. Le chanteur virevolte dans son splendide pyjama aux motifs spatiaux sans jamais en faire trop, et des tubes potentiels comme « Stop making babies » ou « Honestly (I Don't Feel Like Dancing) » sonnent vraiment rock British et savent nous rester en tête sans jamais être envahissants. Chouette découverte.

Et tu, Brute? Les trois membres du groupe prennent discrètement position sur scène pour se lancer à corps perdus dans un concert qui alternera en permanence entre des morceaux issus de leurs trois albums, ce qui laisse découvrir des transitions aussi intéressantes qu'inédites. Brutus nous fait ainsi balancer en permanence entre un onirisme aérien porté par un jeu de lumières des plus soignés, et une énergie absolument punk hardcore (« Horde II » - « War » - « Victoria »), la voix de Stefanie, reconnaissable entre mille, excellant d'ailleurs dans les deux registres. Je redécouvre ainsi certaines compositions avec une oreille nouvelle ; le Brutus des débuts était quand même bien moins professionnel qu'aujourd'hui, comme le faisait d'ailleurs remarquer Malice cet été. L'occasion est certes spéciale, mais j'ai là l'impression de voir un groupe qui a atteint sa maturité.

En tout cas, l'impact sur cette salle absolument pleine à craquer – les gradins, les deux galeries, tout : un chat ne s'y faufilerait pas, fut-il flamand – est radical. Le public est conquis et vibre en rythme avec les fûts de la batteuse, et il n'est pas loin de reprendre le chant en choeur sur les super efficaces « What Have We Done » ou « Dust » - sur lequel s'ajoute d'ailleurs avec sa guitare Stefan De Graef de Psychonaut et Hippotraktor ; la Belgique reste bien petite. On s'est beaucoup gaussé du public flamand et de son attitude parfois incompréhensible, mais quand il aime, il le montre. Ou alors c'est parce que l'audience du jour n'est pas composée que de metalheads chauves et ventrus, c'est aussi à prendre en compte : Brutus rassemble, peut-être plus que tout autre groupe belge contemporain.

Un œcuménisme que je vais d'ailleurs tâter dans la fosse après cette phase d'observation aux gradins. Car oui, Brutus est un groupe sur lequel on peut très bien bouger, ce dont je n'étais moi-même pas certain auparavant. La grande bousculade reste d'ailleurs aussi cordiale que localisée, et c'est aussi pour ça que j'aime bien l'AB et sa faune. « Baby Seal » me vaudra quelques bleus, mais tout le monde semble traversé par un moment cathartique, mais finalement assez joyeux, un grand relâchement de pression quand s'ouvrent toutes les valves ; c'était déjà une touche belge, et voilà la patte de Brutus.

C'est l'AB ; le concert finira abruptement après un « Cemetery » qui n'a absolument pas calmé les esprits, mais c'est en vain qu'on demandera un rappel, l'heure c'est l'heure verdomme ! Mais bon, cette sensation de trop peu fait partie du jeu, et je me prends à jeter un œil à la suite de la tournée. Sold out à Bruges, évidemment.

Setlist:
Liar
Horde II
War
Victoria
Justice de Julia II
Miles Away
Brave
Storm
What Have We Done
Desert Rain
Space
Dust
Baby Seal
All Along
Sugar Dragon
Cemetery

Merci à l'Ancienne Belgique pour l'accréditation et le matériel promotionnel ; toutes les photos : Brutus © Annika Elizabeth Wallis