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Rubrique nécro #2 - Cannibal Corpse, Stortregn, Ghastly, Serenity In Murder...

jeudi 8 juillet 2021
Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

L'été approche, vous allez certainement profiter des quelques jours de congés qui vous sont octroyés pour voyager ou pour vous prélasser sur le premier coin de verdure que vous trouverez. Pour vous accompagner dans ces beaux moments, nous sommes revenus pour vous sur les denières sorties marquantes dans le beau monde du Death metal et de ses sous-genres. De quoi garnir vos playlists de l'été ; alors régalez-vous !

Au programme de cette deuxième édition : les légendes de Cannibal CorpseSerenity in MurderPlasmodium ou bien encore Crescent. Bonne lecture à tous et à toutes !

 

Cannibal Corpse – Violence Unimagined
Death Metal – USA (Metal Blade)

Sleap : Parmi les vétérans du Death Metal et même du Metal extrême tout entier, Cannibal Corpse fait office de modèle. Depuis plus de trois décennies, les Néo-Floridiens font preuve d’une telle constance et d’une telle régularité qu’ils sont devenus une sorte de valeur sûre. En plus d’être le groupe le plus populaire du genre, c’est également l’exemple parfait de la recette surutilisée mais qui marche à chaque fois. Je vous épargne le parallèle culinaire douteux avec le plat de votre choix, mais vous avez l’idée. Bien que l’on puisse noter quelques variations – notamment entre les ères Barnes et Fisher –, la formule Cannibal Corpse reste inchangée depuis 1988. Certes, cela peut éventuellement lasser, mais à aucun moment on ne peut dire que l’« essence » du groupe se soit détériorée. Près de 35 ans après, le gang de Tampa possède toujours un son instantanément identifiable.

Alors dans cette mesure, il est devenu quasi-impossible de chroniquer du CC sans tomber dans le cliché « Cannibal Corpse fait du Cannibal Corpse ». Car, je ne vous apprends rien, ce nouvel opus sonne exactement comme tout ce que nous a pondu le groupe depuis Kill. Et pour cause, c’est depuis cette année-là (2006) que la bande à Alex Webster enregistre aux fameux Mana Studios d’Erik Rutan. Mais cette fois-ci, en plus d’être aux manettes pour toute la production, ce dernier a également rejoint le groupe en tant que second guitariste ! Fort de 15 ans de production avec eux mais aussi de 2 ans en tant que musicien live, Rutan s’est parfaitement approprié le style Cannibal Corpse. Certains des morceaux qu’il a composés (Overtorture entre autres) figurent d’ailleurs parmi les plus gros missiles de l’album. Enfin, s’il y a bien une chose qui n’échappe pas à l’auditeur dès la première écoute, c’est bien sa touche si particulière pour les soli. Impossible de ne pas penser aux envolées les plus mémorables d’Hate Eternal lorsqu’on entend ceux de Slowly Sawn ou Bound and Burned.

En dehors de ça, c’est effectivement la recette habituelle, tant niveau production que composition et textes. Riffing circulaire sousaccordé des plus caractéristiques (Ritual Annihilation), accélérations soudaines emmenées par cette rythmique typiquement primaire de Mazurkiewicz (Inhumane Harvest ; Murderous Rampage)… Webster se fait moins démonstratif que par le passé mais reste encore ce modèle absolu auquel tous les bassistes Death Metal tentent de se mesurer. Et que dire de George Fisher que nous pensions tous en fin de course (quelle erreur) ! Son flow est toujours l’un des plus rapides de toute la scène Death Metal et son timbre d’une constance impeccable. Je n’épilogue pas, si vous connaissez déjà la musique du combo ricain, ce nouvel album n’a fondamentalement rien de surprenant. Mais la véritable surprise c’est de se dire qu’avec cette même formule vieille de bientôt 35 ans, le groupe parvient encore à pondre de pareilles tueries. Éternel respect à Cannibal Corpse, puissiez-vous continuer encore longtemps !

 

Stortregn – Impermanence
Death Metal Technique – Suisse (The Artisan Era)

Michaël : L'expérience d'un bon album commence parfois avant même d'écouter la moindre note. Un artwork peut suffir à aiguiser la curiosité, à donner envie. Une première réussite pour Stortregn, avec un artwork signé Paolo Girardi tout en subtilité. Comme souvent, j'en arrive juste à regretter que le logo du groupe soit inséré. C'est un passage obligé, qui se comprend, mais quand on a un artwork aussi beau on préférerait presque que le logo (surtout lorsqu'il est très typé "metal") soit relayé au verso.

Et autant dire que la bonne impression au visuel se concrétise à l'écoute. La musique des Suisses est complexe sans être indigeste, mélodique sans être cheesy, puissante sans trop en faire. Aux éléments traditionnels du Death mélodique (de la double un peu partout, des leads omniprésents sur tous les titres), Stortregn ajoute des éléments résolument Black (voix gutturale, ambiances, certains riffs) qui viennent enrichir les compositions. On retrouve notamment ce mix savoureux sur Moon, Sun, Stars où chaque nouvelle seconde qui passe apporte son lot de nouveaux riffs, de nouvelles lignes de batterie. Ce n'est jamais répétitif, jamais un simple enchainement de plans techniques les uns après les autres. Dès les premières notes de Ghost of The Past, le groupe nous emmène dans son univers et c'est avec peine que l'on en ressort. De toute évidence, ce Impermanence est une franche réussite.

Fait marquant parmi d'autres : la personnalité des titres. Certes, ce n'est pas du Death/Black technique pour rien : les mélodies sont riches, la technicité est mise en avant (comme la basse et la batterie sur Timeless Splendor, par exemple) et les compositions sont bien léchées. Mais, contrairement à beaucoup d'albums du genre qui peuvent vite devenir très indigestes quand les notes n'en finissent plus de défiler sans que l'on soit pris par une quelconque émotion, Stortregn parvient toujours à faire ressentir des choses puissantes. On oppose souvent, à tort, technicité et émotion. Et on en a là un exemple concret. Ghost of The Past et Nénie (en Français dans le texte !) en sont la parfaite illustration.

De toute évidence, cet album saura parler aux fans de Death metal mélodique et technique qui ne sont pas fermés aux relents Black metal très prononcés tant dans les ambiances que dans la voix gutturale. Les Suisses nous offrent sur un plateau un album très bien produit, très puissant et tout simplement très réussi.

 

Plasmodium – Towers of Silence
Death Cosmique / Expérimental – Australie (Transcending Obscurity)

Pingouin : Deuxième album des australiens de Plasmodium, Towers Of Silence est un album riche et éprouvant. Sorti le 30 avril dernier, on a ici affaire à 45 minutes de death metal expérimental, qu’on aborde comme on se prépare à regarder 4 heures de science-fiction horrifique.

Tout l'album s’inscrit à merveille dans la veine du death metal dissonant récent. Le jeu de guitare sur les solos et les leads rappelle plus particulièrement cette appartenance. Mais bien que l’étiquette death metal ne soit pas usurpée pour Towers of Silence, on ne peut pas réduire cet album à ce seul sous-genre, tant sa composition est riche. J’y trouve notamment un peu de black metal seconde vague, dans des lignes de chants qui rappellent Attila Csihar ou Abbath, et dans ces descentes de batterie infernales.

Derrière les fûts, sous le pseudonyme de Demoninacht, se cache Matt Sanders. Crédité par metal-archives dans pas moins de 28 groupes depuis le début de sa carrière, pour des périodes plus ou moins courtes. Dans Plasmodium c’est visiblement le vétéran du line-up, et ça s’entend. La batterie est de très loin la section la plus présente dans l’album. On entend en fait très peu les cordes.

Lors de ses rares fulgurances, la basse sonne assez peu « death metal », mais plutôt comme une tonalité dans la BO d’un space-opera. Impression accentuée par la présence de bruitages, de samples, de nappes de synthés, et de réverb’ dans tous les sens. Déroutant au premier abord, ce tissu sonore est en fait ce qui fait tout l’intérêt de Towers Of Silence.

A l’image de nombreuses sorties death metal récentes (Gatecreeper et Blood Incantation par exemple), Towers Of Silence est construit en deux parties : l’intro et les deux premières tracks, d’une facture plus que correcte, sont relativement courtes (3 à 9 minutes). Le voyage transcendental ne commence vraiment qu’avec Translucinophobia (18 minutes), avec une vraie patte OSDM, et Vertexginous, 13 minutes. L’album finit de manière abrupte, sans prévenir, comme un rêve interrompu par le lever du jour.

Du death metal expérimental et audacieux qui aura le mérite de plaire aux convaincus du DM, mais surtout à celles et ceux qui ont prêté attention à quelques sorties avant-gardistes récentes, Plague Organ et Born With Hair en tête.

 

 

 

Ghastly – Mercurial Passages
Death mélodique / psychédélique – Finlande (20 Buck Spin)

Pingouin : Troisième album des finlandais de Ghastly, produits par l’excellent label 20 Buck Spin depuis leur deuxième album (Death Velour, 2018). Mercurial Passages est un album qui ravira aussi bien les nostalgiques du death metal scandinave des années 90 que les amateurs du virage psychédélique que prend le genre depuis quelques années.

Toutes les compositions de Mercurial Passages reposent sur des thèmes de guitares en gammes mineures. Vous savez absolument de quoi je parle si, comme moi vous avez saigné un jour des compilations de death suédois ou quelques grands noms du death metal finlandais (Sentenced ou Amorphis par exemple). La référence au death scandinave des années 1990 tient aussi très bien dans le chant de Sami Harju (alias Gassy Sam dans Ghastly), très écorché et très loin d’un growl caverneux typique du death américain.

Cela dit, Ghastly incorpore à cette recette résolument old-school quelques éléments de psychédélisme qui vraiment apportent de la fraîcheur à l’ensemble. La construction des morceaux est réfléchie et pleine de relief. Toutes les variations de rythme maintiennent l’attention du début à a fin de l’album. Ca n’a l’air de rien, mais c’est très important car Mercurial Passages repose sur ces thèmes de guitare lead, inventifs et répétés à l’envi. Presque comme des mantras.

Le troisième album de Ghastly ne révolutionnera pas le genre, mais l’ignorer serait se priver d’un excellent moment. A réserver pour passer quelques heures le front collé à la vitre d’un train, ou pour profiter d’une après-midi de canicule derrière des stores entrouverts.

 

Dauthuz – Cold
Death Metal – Pays-Bas (Stageblast Records)

ZSK : Si les Néerlandais ont bien sûr leur propre roster de Death old-school bien connoté batave (Asphyx, Thanatos, Hail Of Bullets…), il leur arrive parfois de lorgner un petit peu plus au Nord vers leurs copains suédois… On avait par exemple vu un Bodyfarm marier parfaitement l’esprit Death-Metal batave et le Swedeath pour un album comme Battle Breed (2015) par exemple. Dans le même genre, voilà Dauthuz, originaire de Zaanstad et formé l’année de la sortie du susnommé Battle Breed d’ailleurs. Les 5 membres de la formation ont bourlingué dans pas mal de groupes inconnus par chez nous (citons juste Tim Roeper qui tient désormais la basse en Live pour Phlebotomized), et ont connu quelques changements de personnel, à tel point que le dénommé Emiel est le 3ème chanteur de la courte histoire de Dauthuz… soit un premier EP éponyme et deux albums. Destined For Death, leur premier méfait longue durée sorti en 2017 par le label italien WormHoleDeath (*soupir*) n’était pas vraiment mémorable…

Mais les choses vont changer avec Cold, deuxième album de Dauthuz sorti sur le tout jeune label Stageblast Records. Alors certes, on part d’une formule somme toute classique. Un Death Metal bien gras, avec une grosse voix, quelques mélodies qui se dégagent et des tempos plus ou moins rapides. On y retrouve ainsi le côté primitif et rouleau-compresseur du Death batave, tout autant que le son de tronçonneuse et l’efficacité du Death suédois. Avec sa pochette franchement cliché, Cold a toute sa place dans cette rubrique « necro », avec même quelques ambiances de cimetière. Présenté comme ça, ça ne donne pas forcément envie. Mais dans son classicisme, Dauthuz réussit parfaitement son office. On sait ce qu’on est venu chercher et c’est exactement ce qu’on va trouver : du Death-Metal gras et old-school, à la fois puissant et rampant, qui gère parfaitement ses ambiances et ses mélodies et se permet même de doubler ses compatriotes de Bodyfarm qui étaient passés à côté de leur sujet sur Dreadlord (2019). Même Evocation en tremblerait presque…

Très inspiré et très bien produit, avec un chanteur à la voix bien morbide, Cold est un bon petit album de Death old-school mi-suédois mi-batave qui oscille en permanence entre rentre-dedans et mid-tempo et arrive admirablement bien à ses fins. Avec quelques ambiances travaillés, notamment pour des morceaux comme "The Dead" et "Termination", Dauthuz fait tout le tour de ce qui est possible dans le genre en 42 minutes, bien résumées sur le final "Crossfire" d’ailleurs. Une perfection dans le fond, la forme et les détails qui me fait d’ailleurs penser à ce qu’avaient accompli les Anglais de Binah sur leurs deux albums, Hallucinating In Resurrecture (2012) et Phobiate (2018), ajoutant encore un concurrent à leur tableau de chasse. Il y a certes quelques petits passages à vide et longueurs, en plus d’un classicisme peut-être un peu trop limitant, qui font de Cold un album plus sympathique qu’indispensable dans l’absolu. Mais sans prise de tête, Dauthuz fait franchement le boulot, avec quelques brûlots comme l’expéditif "A New Dawn" au passage. Si vous cherchiez à faire le tri dans tout ce qui sort en Death Metal gras tendance plus ou moins suédoise, penchez-vous sur le cas de Dauthuz qui mine de rien se pose ici comme un sacré bon espoir du genre, avec cet album bien cossu qu’est Cold.

 

Serenity In Murder – Reborn
Death Metal mélodique – Japon (Oyster Brother Records)

Michaël : Dès son deuxième album, intitulé The Highest of Dystopia, le groupe japonais nous avait happé dans sa musique à l’atmosphère puissante, enjouée et hyper mélodique. Les leads et soli sont légions, la batterie virevoltante, les riffs en quadruple croche. Ça part un peu dans tous les sens, le mix est parfois un peu bordélique, mais c’est un immense plaisir que de se laisser emporter par ce torrent d’énergie et de notes. Ce plaisir s’est retrouvé décuplé avec la sortie de The Eclipse en 2017 qui est dans mon top des meilleurs albums de Death mélo de tous les temps.

Dès la première écoute de ce Reborn, on regrette un peu le départ d’Emi dont la voix se mariait parfaitement avec les compositions. Pour autant, l’arrivée d’Ayumu (ainsi que de Yu-ri, à la basse) n’a pas tellement fait chuter la qualité du produit fini, tout au plus a t-elle un peu réorienté la musique du groupe vers un genre plus Arch Enemyesque. Dans ce nouvel album, on retrouve toujours ces mélodies épiques (The Four Seasons), ces leads hyper rapides et mélodiques ("Beast in Human Shape", par exemple), du blast ("Plead For Your Life") et cette bonne grosse guitare rythmique qui vient épaissir le tout afin de ne pas laisser la guitare lead faire cavalier seul. Le tout, naturellement, porté par une production massive, comme à l’accoutumée. Mais il est certain que l'orientation globale de la musique du groupe s'écarte un peu de ce que les japonais nous avait offert dans les deux précédents opus.

Quoi qu'il en soit, encore un bon album des underrated Serenity in Murder. Certes, cet album n’est pas aussi bon que les précédents, la faute à des compositions peut-être un peu moins inspirées, mais le tout ravira sans aucun doute les amoureux de Death mélodique champagne.

 

Abjection – Malignant Deviation
Death Metal –  Canada (Godz Ov War Productions)

ZSK : Si le label polonais Godz Ov War nous habitue à signer des formations de Black/Death/Thrash bien cracra et quelques expérimentations généralement issues du cœur de la scène extrême polonaise, il est ici allé chercher un peu plus loin un nouveau bébé. Au Canada précisément, avec le tout jeune Abjection qui nous propose ici son premier EP. Et là, Godz Ov War en profite également pour sortir de son champ d’application habituel. Si Abjection compte dans ses rangs deux membres de Wake, groupe de Grind qui a fini par virer Black/Death, il y a aussi derrières les manettes de Malignant Deviation un certain Otso Ukkonen, batteur et ingé son de Krypts (également passé par Hooded Menace il fut un temps). Et mine de rien, cela va conditionner le style de Abjection, qui plus que chez Godz Ov War, aurait tout a fait pu être signé chez… Dark Descent Records !

Car Abjection pratique un Death-Metal bien noir et caverneux, digne de certains représentants des scènes finlandaises et américaines. Son boueux, chant baveux, murs de grattes en mélasse, batterie implacable, violence et lourdeur, solos ésotériques, tout y est. On pourrait bien évidemment comparer Abjection à tout un tas de formations en vogue mais le name-dropping serait interminable et je devrais même appeler Sleap à la rescousse pour ne rien oublier. Donc là aussi, l’originalité est proche de zéro. Mais là aussi, Abjection remplit plutôt bien le contrat. Surtout qu’en commençant par un EP de 5 titres (plus une intro), il ne prend pas le temps de lasser et montre surtout ce qu’il sait faire. C’est donc encore un univers bien sombre et limite Lovecraftien qui nous attend, et Abjection se pose comme un des innombrables espoirs du sous-genre.

Les 5 titres proposés sont certes relativement similaires, mais on se délecte rapidement de ce riffing un brin chaotique et de cette atmosphère de profondeurs humides. Abjection pousse jusqu’à 6 minutes pour le monolithique mais blastant final qu’est "Darkness Unatterable", se clôturant à la frontière de la pure apocalypse. Du reste, il manque donc peut-être un vrai morceau de référence, immédiat et mémorable, malgré tout, mais ce n’est qu’un premier jet et Abjection est tout de même un minimum inspiré bien que ses influences sont franchement évidentes. On verra donc ce que ça donnera par la suite, mais Abjection coche pas mal de cases du cahier des charges du Death Metal Dark Descent-ien, et le voir signé là-bas dans le futur ne serait pas une surprise. Un groupe de Death chaos-caverneux de plus diront certains (moi le premier, à vrai dire), mais qui est tout à fait prometteur.

 

Crescent – Carving The Fires Of Akhet
Death Metal égyptien – Egypte (Listenable Records)

ZSK : En 2014 et bien qu’il existe depuis 1999, débarquait un groupe nommé Crescent, avec son premier full-length Pyramid Slaves. Un Death Metal plutôt mastoc qui évoquait un Nile, d’autant que son concept tourne également autour de la mythologie égyptienne. Rien d’original ? Oui mais Crescent a une certaine légitimité à faire du Death « égyptien » vu… qu’il est tout simplement originaire d’Egypte. Difficile de faire plus authentique donc, même si passer après Nile et une poignée d’autres clones peut paraître un peu cliché dans l’absolu. Pour le coup, Crescent fera donc du Death 200% égyptien. Et après un premier album convaincant, le groupe se fera repérer par Listenable Records qui sortira son deuxième opus, The Order Of Amenti, en 2018. L’album de la confirmation et de la révélation ? Non, manque de pot, Crescent pêchera grandement par linéarité et par quelques idées pas toujours heureuses, comme ces incursions « sympho » remettant une couche de cliché qui n’était pas nécessaire. Franchement dommage pour un groupe qui avait réussi à se faire programmer au Wacken à peine son premier album sorti.

Trois ans plus tard, quelques choses ont changé, Crescent est désormais un groupe à moitié égyptien et allemand vu qu’il a accueilli dans ses rangs deux musiciens germaniques, le batteur Julian Dietrich (Cloudbreaker, Into Coffin) et le bassiste Stefan Dietz (Nocte Obducta ; Melechesh et Schammasch en Live). Et Listenable lui accorde toujours toute sa confiance en sortant ici ce qui sera son troisième album, Carving The Fires Of Akhet. Toujours à fond dans la mythologie égyptienne donc, mais on pouvait s’y attendre. Et après un The Order Of Amenti plutôt décevant, Crescent reprend ici du poil de la bête. Il pratique toujours un Death Metal assez massif et blastant, avec bien sûr des ambiances et mélodies égyptiennes à chaque coin de morceau. Nile, ainsi que Behemoth, ne sont jamais très loin quand il s’agit de citer des influences évidentes, mais Crescent a néanmoins su rapidement affiner son style. Qui d’ailleurs se rapproche ici de son premier album, laissant les écarts de The Order Of Amenti derrière. Avec également plus de passages flirtant avec le Black/Death, notamment portés par des vocaux plus criards et toujours la grosse voix de Ismaeel Attallah, seul membre fondateur de Crescent encore présent et maître à penser du groupe égyptien qui pourrait finalement franchir un certain cap.

Carving The Fires Of Akhet bat donc son prédécesseur par K.O en se montrant bien plus inspiré et un chouïa plus varié. Et si la production de Crescent a toujours été très bonne même dès Pyramid Slaves, ici on franchit encore un palier vu que c’est V.Santura (Dark Fortress, Triptykon) qui s’est chargé du mixage et du mastering de ce troisième album. Si nous ne sommes pas encore en présence d’un chef-d’œuvre, Crescent commence vraiment à prendre un peu plus de bouteille et cela se sent dès le début de l’album qui nous offre un trio d’entrées assez remarquables, avec l’ouverture sur les 8 minutes de "The Fires of Akhet" suivi des très bons "Moot Set Waas" et "Serpent of Avaris". Après, il est vrai que le Death Metal plutôt classique de Crescent demeure toujours assez redondant sur la durée (surtout que ses morceaux sont généralement longs), mais on est malgré tout un cran au-dessus de The Order Of Amenti au niveau des compos. Et il se fait plaisir sur la fin en reprenant successivement "Xeper-I-Set" de Dissection et "…For Victory" de Bolt Thrower. Au bout, Crescent est en réussite et confirme enfin les dispositions de son premier album. Carving The Fires Of Akhet est davantage sympathique qu’indispensable bien évidemment, mais pour qui aime les ambiances égyptiennes, c’est bien sûr un album à posséder. On leur souhaite maintenant de progresser encore !

 

Kataan – Kataan
Post-Death/Black Metal – USA (Prosthetic Records)

ZSK : Malgré deux albums sortis chez Century Media (Sky Swallower en 2013 et Settler en 2015), on ne peut pas dire que le groupe américain Vattnet Viskar ait parvenu à percer. Pour preuve ultime, il s’était renommé en Vattnet en 2016, avant de sortir un album éponyme en 2017 qui tranchait stylistiquement avec ses deux prédécesseurs sous son patronyme complet, puis de splitter dans la plus grande indifférence un an plus tard. Ce groupe qui œuvrait donc dans une sorte de Post-Black/Death (avant de virer… Metal alternatif) n’aura pas eu le temps de monter ce qu’il valait vraiment, malgré quelques compositions prometteuses et un style plutôt personnel. Mais l’histoire n’est pas totalement finie pour autant. Le guitariste/chanteur Nicholas Thornbury, qui a quitté Vattnet Viskar à son changement de nom, et leur bassiste Live Brett Boland (également maître à penser d’Astronoid) se sont réassociés pour donner naissance à Kataan.

Et je vous le donne en mille, Kataan semble bien vouloir reprendre les choses là où Vattnet Viskar les avait laissées à Settler. Avec quelques équilibrages un peu différents pour ce premier jet, EP éponyme de 4 titres sorti chez Prosthetic Records. Si Vattnet Viskar œuvrait dans un mélange de Black, Death, Doom et Post-Metal, Kataan lui se recentre plutôt vers un Death/Black assez froid qui se laisse aller à de nombreuses envolées Post et éthérées. Kataan se dévoile d’ailleurs avec le massif "Erase", où l’on (re)découvre également bien vite la voix rocailleuse de Nicholas Thornbury. Plutôt Death dans son côté rugueux, Kataan flirte donc avec le Black et le Post dans ses envolées de trémolos et son aspect mélodique latent, qui explose d’ailleurs de suite pour l’excellent "Abyss", morceau vraiment marquant de cet EP où l’on sent également l’apport du musicien d’Astronoid (y compris pour quelques voix claires). Kataan nous présente donc un Vattnet Viskar dans une version à la fois plus sombre et implacable, mais aussi plus aérienne et cristalline.

"Processor" est bien plus dur et confirme que, même si Kataan n’est pas le groupe le plus « Death » de cette sélection, il y a toute sa place - même si les chants clairs se taillent la part du lion et que les trémolos éthérés ne sont jamais loin. "Vessel", très complet du haut de ses 7 minutes, conclut magistralement cet EP très prometteur, et prouve que le cœur de Vattnet Viskar avait encore des choses à dire. Quoi qu’il en soit, se situant bien entre un Death sec mais moderne et un Post/Black enlevé, Kataan est un groupe intéressant, que vous connaissiez Vattnet Viskar avant de l’aborder ou non. On attend de voir maintenant si le duo va vraiment réussir à relancer la machine et comment il pourra se débrouiller sur un album complet, d’autant que l’inspiration est déjà au rendez-vous et que l’ensemble est plutôt original malgré des éléments évidents… comme Vattnet Viskar, peut-être parti trop tôt, mais qui est en train de renaître sous une autre forme.

 

Deadtide – The Rabbit Hole
Death Metal mélodique – USA (Indépendant)

Michaël : Pour finir ce petit panorama des sorties marquantes en Death metal, je vous propose de vous diriger vers les États-Unis pour un petit groupe de mélodeath dont le dernier album, The Rabbit Hole, est sorti le 31 mai dernier. Ne vous attendez pas à un son façon Goteborg, à des breakdowns de l'espace ou bien encore à un son bien gras. La musique des Américains est légère, aérienne, résolument portée vers la mélodie ; vous y trouverez des rythmes dynamiques et beaucoup d'utilisation de voix claires. Nous sommes clairement ici dans la mouvance très mélodique du Death mélo, avec des vibes évidentes de Disarmonia Mundi.

Quelques titres sortent évidemment du lot, comme la rapide Stargazer Syndrome, l'intense The Great Unknown ou bien encore, ma préférée, Osmosis. Naturellement, mélodeath oblige, les leads et soli sont légions. On ne sombre toutefois jamais trop dans la démonstration ; tout est porté par de subtiles orchestrations et autres effets qui donnent un effet un peu planant à leur musique, comme sur The Rabbit Hole. Une belle osmose, donc, pour un album étonnement riche et agréable à écouter. Deadtide nous offre ici un death très mélodique, léger, qui se mange sans faim.