Articles Retour

Nos essentiels des années 2010 - Death Metal mélodique

lundi 27 avril 2020
Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

À notre tour de nous atteler à la délicate tâche du bilan des dix années écoulées. Mais plutôt que de vous infliger un énième article passant en revue toutes les grosses sorties depuis 2010, nous avons préféré vous offrir un bilan plus approfondi par style.

Apprêtez-vous donc à lire, tous les mois, un article retraçant les sorties les plus marquantes des grands styles des musiques extrêmes. Black, Heavy, Hardcore ou bien encore Death, nous essaierons de satisfaire tout le monde avec le gratin des dix dernières années, entre des choix évidents et nos coups de coeur personnels. Aucune liste ne fera l'unanimité et nous nous doutons qu'à chaque top publié, nous aurons droit aux lots de "vous n'avez pas cité tel groupe, c'est une honte !", "une sélection sans cet album n'a aucun sens" et autres commentaires habituels. Par nature, un travail de sélection sur une période aussi longue implique des choix, et cela a été difficile. Nous sommes difficilement parvenus à trouver des compromis au sein de la rédaction sans que cela ne finisse en pugilat. Mais c'est aussi tout le charme d'une telle entreprise.

Pour cette deuxième rétrospective, arrêtons-nous si vous le voulez bien dans le monde merveilleux du Death Metal mélodique, où soli et leads endiablés se mélangent avec force, passion et émotion aux rythmiques violentes et saccadées du Death.

Lorsque nous avons fait le choix des grands genres qui feraient l'objet d'une sélection pour les années 2010, un débat féroce s'est engagé s'agissant du Death metal mélodique. Pour beaucoup, c'est un genre qui connait un lent déclin depuis les années 2000 et qui n'a jamais réellement relevé le défi de durer. Mais ce constat, qui est partagé par beaucoup, est quelque peu réducteur. S'il est certain que plusieurs acteurs majeurs du genre ont disparu des radars ou tout simplement opéré un virage musical (In Flames en tête) et que d'autres continuent de nous ressortir la même recette éculée, le Death Metal mélodique regorge en réalité toujours de pépites ; nouvelles ou confirmations ; le genre progresse, il se réinvente ; il continue en tout cas à nous faire vivre de grands moments en s'enrichissant d'élements Doom, progressifs, techniques et autres. Il recouvre d'ailleurs aujourd'hui de nombreux groupes qui proposent un metal mélancolique, aux relents Doom, sans toutefois renier une parenté avec le Death.

Vous trouverez ci-dessous notre sélection de 20 albums, pour les années 2010, ainsi qu'une playlist récapitulative à la fin de l'article.

 

 

Dark Tranquillity - Atoma (2016)

Varulven : Si de nouvelles formations ont bien évidemment su donner un nouveau souffle au genre lors de ces dernières années, on ne peut pas dire que les pionniers suédois aient particulièrement brillé dans les années 2010. Entre un In Flames qui navigue toujours plus loin dans les eaux de l’alternatif, Amon Amarth qui passe du côté « pipeau drakkar de la force », Arch Enemy qui nous sort le même album depuis 10 ans et un At The Gates se raccrochant au passé avec plus ou moins de réussite, difficile de retenir une image marquante du Death mélo suédois actuel. Quid de Dark Tranquillity alors, qui, à l’instar de ses comparses d’In Flames, a modernisé la machine et adouci le propos sur leur album Construct (2013) ? C’est vrai, sauf que la bande à Mikael Stanne a su, selon moi, ne pas tomber dans ce piège de la musique accessible mais facile et dénuée de saveurs.

Au contraire, Dark Tranquillity propose dans son évolution une musique certes moins directe et plus subtile, mais avec toujours cette dose de caractère et d’émotions qui font la différence. Et si cette composante avait la part belle sur Construct,elle prédomine également sur son successeur Atoma (2016). C’est donc un mélodeath au feeling moderne et très synthétique qui illustre cet opus, grâce à cette omniprésence de mélodies aux claviers, qui posent un cadre tantôt froid et clinique proche du post punk, tantôt plus aéré et futuriste. Et malgré un riffing parfois plus frontal à l’image de ce qui était présent sur Character (2005), c’est bien cette atmosphère gothique qui demeure au premier plan. Surtout lorsqu’elle est dépeinte par un Mikael Stanne employant un ton posé pour des lignes de chant clair toujours plus graves et dramatiques. Un cru véritablement marquant des années 2010, pour un groupe ayant su rester fidèle à ses racines tout en explorant de nouveaux horizons.

 

Be'lakor - Vessels (2016)

Michaël : Be'lakor fait partie de ces groupes de génies du genre. Résolument tournée vers la mélodie et emprise de mélancolie, la musique des Australiens est riche, profonde et reconnaissable entre mille. Ils m'avaient complètement séché en 2009 avec la sortie de Stone's Reach, un album d'une beauté exceptionnelle. Et même si le soufflet est légèrement retombé avec un Of Breath and Bone plus inégal, le groupe est revenu en force avec cet opus, Vessels, qui a confirmé en tous points les espoirs que l'on pouvait placer dans le groupe. Alors que tant d'autres semblent se contenter de régurgiter les mêmes riffs et mélodies, Be'lakor continue d'aller plus loin et d'explorer les pistes qui s'ouvrent à lui, le cas échéant en se dirigeant vers des contrées plus progressives et mélodiques, voire à tutoyer le Doom (Withering Strands et Roots to Sever notamment).

Be'lakor redonne la foi ; celle que le death metal mélodique est encore capable de se réinventer, de proposer des choses nouvelles et de surprendre ; le tout en gardant ce socle commun de mélodies et d'émotions inhérent au genre. Il est parfois difficile de mettre des mots sur ce que nous fait vivre ce groupe. Quoi qu'il en soit, les growls gutturaux de George Kosmas et les compositions toujours plus élaborées et cathartiques (Whelm et The Smoke of Many Fires en tête) vous emmèneront très loin. Vessels est un voyage merveilleux que tout amoureux de mélodies et de metal se doit de prendre au moins une fois.

 

In Mourning - Monolith (2010)

ZSK : Déjà auteur d’un excellent premier album d’emblée, Shrouded Divine (2008), le groupe suédois In Mourning avait enfoncé le clou avec son second album sorti au tout début de l’année 2010 et donc de la période qui nous intéresse. Après des démos dans un style plus Goth-Metal, la formation de Tobias et Christian Netzell prendra le chemin d’un Metal tout autant influencé par Opeth que la scène mélodique et mélancolique scandinave. Si la suite de sa carrière lui a permis d’affirmer son côté le plus atmosphérique, Monolith demeure encore aujourd’hui son album le plus efficace. Le plus marquant aussi ? Il faut dire que commencer son disque par les deux pépites que sont "For You to Know" et "Debris", c’est s’assurer une accroche immédiate et même durable. Particulièrement inspiré, Monolith est un album parfaitement homogène où rien n’est à jeter. Drivé par ses riffs percutants et les growls bien appuyés de Tobias Netzell, Monolith n’en est pas moins raffiné, multipliant les leads gracieux à de savants moments, et sachant poser une ambiance froide résolument scandinave à tout instant.

Un album majeur de la discographie d’In Mourning, où les musiciens donnaient tout dans la forme mais aussi le fond, pour nous assurer à la fois un Metal extrême bien senti mais qui sait aussi se montrer très enivrant. Le sommet, dès le début de la décennie, d’un groupe finalement assez inimitable, à la charnière d’une discographie sans aucune faille.

 

Insomnium - Winter's Gate (2016)

Varulven : Faire une rétrospective mélodeath des années 2010 sans parler d’Insomnium serait difficile, voire impossible, tant la réputation du groupe a considérablement augmenté ces dernières années. Et pour cause, les Finlandais se sont imposés comme les nouveaux leaders du genre, grâce à leur Death mélo lancinant et mélancolique aux mélodies prenantes, porteuses de ce spleen si caractéristique des groupes finnois. Une recette que le groupe bonifiera au cours de cette décade sur One For Sorrow (2011) et Shadows of The Dying Sun (2014). Mais qui commencera à sentir le réchauffé aux oreilles de certains fans avertis, montrant certes un groupe possédant sa personnalité, mais dont certaines facilités dans la composition seront de plus en plus palpables. Un besoin de « renouvellement » apparaît alors comme évident aux yeux du quintet de Joensuu, un élan de fraîcheur qui se matérialisera finalement sous la forme de Winter’s Gate en 2016.

Alors que la rupture avec les précédentes sorties s’effectue d’abord sur la forme (1 seul morceau de 40 minutes divisé en 7 parties), le rendu sonore n’en est pas moins soumis à quelques apports musicaux supplémentaires. Car si le propos artistique de Winter’s Gate garde en lui cette touche mélodique émotive et poignante, Insomnium sait la transcender grâce à ce format atypique, lui permettant de développer cet aspect explorateur et grandiose propre aux albums-concepts. En effet, la thématique de l’album prend sa source dans une nouvelle écrite par Niillo Sevänen (chant), nous narrant le récit d’une troupe de navigateurs vikings en quête d’une nouvelle terre au large de l’Irlande, tout en affrontant les dangers d’un océan rude et hivernal.

Le concept définit ainsi l’aspect « progressif » de cet opus, certains motifs musicaux semblant même correspondre aux différentes étapes du voyage entrepris par nos explorateurs. Les riffs agressifs et conquérants nous évoquent l’excitation et la grandeur que revêt un voyage en mer, tandis que les nappes de claviers spatiales et les nombreux passages acoustiques apportent cette dimension plus calme et atmosphérique, pouvant faire écho à la beauté et à l’onirisme que peut avoir l’objet d’une telle quête. Cette impression de fil conducteur, renforcée par la répétition de plusieurs motifs au sein de l’album, permet à Insomnium de s’émanciper de son carcan mélodeath « à la finlandaise », et de magnifier son art avec un Winter’s Gate riche, ambitieux et profondément immersif. 

 

Wolfheart - Winterborn (2013)

Circé : Les années 2010 auront vu le genre évoluer, que ce soit vers des sphères plus techniques, futuristes, mais aussi vers le doom. La Finlande étant un pays riche en death mélodique comme en doom, en particulier tout ce qui tent vers le death/doom et le doom mélodique, il n'est pas étonnant d'y trouver des formations à la limite des deux styles. Quel meilleur décor pour faire naître des atmosphères hivernales, à la fois tristes, belles et menaçantes ?

Wolfheart est sûrement l'exemple parfait de cette tendance En 2013, Tuomas Saukkonen décide de mettre fin à tous ses groupes, la plupart déjà orientés death mélodique, doom, avec une patte mélodique ou gothique (citons surtout Before the Dawn, Black Sun Aeon et Dawn Of Solace reformé il y a peu) afin de se concentrer sur WolfheartWinterborn, bien nommé premier né, prend une direction death mélodique tout en manifestant de fortes influences doom venues des projets précédents de Tuomas, imposant donc Wolfheart comme héritier légitime de ce parcours musical. Cet opus lance en 2013 la carrière d'un groupe désormais fer de lance de la scène, passé de Spinefarm à la grosse écurie Napalm Records tout en continuant à mettre les amateurs du genre d'accord, aussi bien en studio qu'en live. Enregistré à l'époque par Tuomas avant qu'il ne s'entoure d'un véritable groupe, Winterborn respire toutes les facettes de l'hiver dans son nom, sa pochette et sa musique. La recette reste quasiment inchangée sur les quatre albums qui suivent et elle est ici exécutée à merveille : passages acoustiques d'une grande mélancolie, blasts et parties très directes faisant la part belle aux growls de Tuomas (bien que pas toujours assez mis en avant, ce serait mon seul reproche), riffs mélodiques et épiques, en sachant ralentir le tempo au bon moment pour apporter cette touche d'émotion et de doom mélodique.

 

Wintersun - Time I (2012)

Michaël : Je vois déjà venir les commentaires négatifs. Comment cet album peut trouver sa place dans une sélection alors que l'on sait tous qu'il est le fruit d'un compromis et qu'il ne contient que cinq titres dont deux instrumentales ? Et, dans l'absolu, je pourrais comprendre ! J'avais d'ailleurs critiqué l'album à sa sortie, le trouvant trop court, inabouti, parfois même un peu fouillis. Mais avec le temps, les écoutes étant de plus en plus nombreuses, mon avis a bien changé. Aujourd'hui, je suis pleinement convaincu de la qualité de cet opus. L'attente insoutenable depuis l'album éponyme avait simplement créé une attente si forte qu'on ne pouvait être, à chaud, que déçu. Mais quoi que l'on pense de ce groupe, de la personnalité de Jari ou du contexte qui a entouré la sortie de cet album, le fait est que ce Time I est un excellent album, et que Wintersun ne pouvait pas échapper à une place dans cette sélection.

Alors certes, The Forest Seasons aurait pu détrôner ce Time I si les quatre titres de cet album avaient été à la hauteur de Loneliness, qui est certainement le meilleur titre de Wintersun depuis... toujours ? Mais ce n'est pas le cas. De la lançinante et hyper mélodique Time, brillamment satellisée par l'instrumentale Darkness And Frost, en passant par Land of Snow and Sorrow et son mid-tempo (dont on admet qu'elle est un peu en deça des autres) jusqu'au clou du spectacle : Sons of Winter and Stars et ses rythmiques endiablées et son break hyper prenant, Time I est un album éblouissant. Je n'avais pas eu autant envie de hurler des paroles de Wintersun depuis le break de Starchild.

Wintersun est et restera l'un des meilleurs groupes de l'histoire du Death metal mélodique ; capable de sortir des titres hyper rentre dedans (blast included) jusque des titres très émouvants et épiques. Et leur place dans cette sélection est tout sauf galvaudée !

 

Fractal Gates - Beyond The Self (2013)

ZSK : En France, on sait bien faire du Mélodeath un peu 90’s, en témoigne quelques groupes qui se sont fait remarquer dans les années 2010 comme Fallen Joy, Innermoon, EverRise, Pictured… et déjà pour 2020 Aesmah. Mais le top du top en matière de Mélodeath français restera Fractal Gates, qui a sorti dans les années 2010 deux albums, The Light That Shines en 2018 mais surtout Beyond The Self en 2013, album qui lui aura déjà permis d’exploser après le très bon début Altered State Of Consciousness en 2009. Fractal Gates a surtout su faire le pont entre tradition et une certaine modernité baignée dans un apparat futuriste, avec des influences que l’on peut situer d’un côté chez Dark Tranquillity et Edge Of Sanity, et de l’autre Septic Flesh et Paradise Lost. En résulte un Mélodeath aux petits oignons qui avait déjà trouvé toute sa grâce sur Beyond The Self. Entre rythmiques bien accrocheuses, growls bien sentis de Sébastien Pierre, et les nombreuses mélodies majestueuses de Stéphane Peudupin, tout est réuni pour faire de Beyond The Self un fantastique album de Mélodeath légèrement progressif et très raffiné, sans négliger l’efficacité. Et bien sûr, cela nous a aussi donné des morceaux imparables comme "Everblaze", "The Sign", "Timeless" et autre "We Are All Leaders". Peut-être, voire même carrément, un des albums de Mélodeath qui a le plus tourné chez votre serviteur depuis sa sortie en 2013. The Light That Shines est tout aussi bon mais c’est bien Beyond The Self qui a placé Fractal Gates sur le trône. Un formidable album devenu absolument indispensable, signée par une formation inspirée et singulière qui mériterait un succès encore plus ample.

 

At the Gates - At War With Reality (2014)

ZSK : Comment ne pas faire une sélection Mélodeath sans y citer un des noms historiques du genre ? Il faut dire que ce retour de At The Gates a pu diviser. Un retour dès la fin des années 2000, sur scène uniquement au début, qui n’aurait d’ailleurs pas du être accompagné d’un nouvel album mais les musiciens en ont finalement décidé autrement avec ce At War With Reality sorti en 2014, 19 ans après Slaughter Of The Soul et 7 ans après leur retour sur les planches. Alors certes, ce n’est pas, ou plus, du Slaughter Of The Soul, un des albums les plus énergiques de la scène Mélodeath de l’époque. C’est plus du Terminal Spirit Disease, remis au goût du jour. Et c’est aussi juste, au sein d’une scène qui s’est quand même pas mal modernisée en vingt ans autour des chants clairs et des synthés parfois (ou même souvent, voire trop ?), un bon vieux mélodeath 90’s avec son côté extrême latent, un chant hurlé, des bons riffs thrashisants et des mélodies enlevées. Et qui de mieux qu’At The Gates, une des références absolues et intemporelles du genre, pour faire du parfait Mélodeath nineties dans les années 2010 ? De ce point de vue, At The Gates a donné une sacrée leçon avec At War With Reality. Porté par des frères Björler très inspirés à la fois dans les rythmiques et les mélodies et un Tompa Lindberg ultra-motivé (et encore plus sur scène), At War With Reality est un grand album de Mélodeath « fondamental », bourré de hits efficaces aux mélodies enivrantes ("At War With Reality", "The Conspiracy of the Blind", "Order from Chaos", "The Head of the Hydra", "The Night Eternal"…). Tout ce qui fait le sel du Mélodeath « traditionnel » est là-dedans, et quand c’est pondu par des musiciens cultes voire dépositaires du genre, c’est la cerise sur le gâteau. Un retour qui a été diversement apprécié notamment par certains des vieux fans, mais un album fait par les patrons du genre qui a assurément marqué ces dix dernières années.

 

October Tide - In Splendor Below (2019)

ZSKOctober Tide est un groupe qui a la particularité d’avoir eu deux existences dans deux décennies différentes. La première dans les années 90, où il était surtout connu comme un side-project de Katatonia. La seconde depuis sa reformation en 2009, ou autour de Fredrik Norrmann, son frère Mattias, des membres passés par In Mourning entre autres (et l’actuel chanteur Alexander Högbom), il a sorti 4 albums en 9 ans. Et le sommet fut atteint sur le fil, avec la sortie à la mi-2019 de In Splendor Below, son meilleur album en date. Depuis sa reformation bien évidemment, où il pratique un Doom/Death mélodique assez moderne et très léché. Ce dernier opus des années 2010 verra alors le groupe atteindre son firmament que ça soit dans le fond ou dans la forme. Une inspiration sans failles qui aboutira à un véritable modèle de Doom/Death mélodique, lourd et entraînant, gracieux et accrocheur. Le top de ce qu’il propose depuis 2010 et A Thin Shell, avec à la clé de somptueuses mélodies, des morceaux bien ficelés et irrésistibles comme "Stars Starve Me" et "Guide My Pulse", une parfaite palette de chants extrêmes et bien plus encore, au sein d’une ambiance toujours délicieusement mélancolique et automnale. Un excellent et formidable album du genre qui contient tout ce qu’on aime dans le registre, magnifié par l’expérience acquise par les musiciens pendant cette décennie. Peut-être que certains adhéreront encore à leur première mouture dans les années 90, mais pour qui aime le Doom/Death mélodique suédois contemporain, October Tide est un nom qui a assez compté dans les années 2010 et In Splendor Below représente l’aboutissement de sa (deuxième) carrière.

 

Aspherium - The Fall of Therenia (2015)

Michaël : Bien qu'Aspherium est loin d'être le groupe le plus connu du genre, sa place dans cette sélection est amplement méritée. Les Norvégiens produisent un death metal mélodique complexe sans être imbitable, mélodique sans être cheesy, et violent sans être cliché. Si on fait abstraction de cette pochette franchement quelconque et une voix typée metalcore un peu monocorde, The Fall of Therenia est une pièce de choix des années 2010 qui mérite vraiment le détour.

En tout cas, ce n’est pas une œuvre classique de death metal mélodique. Les riffs dissonnants, des relents de prog et certaines ambiances font basculer la musique du groupe en dehors de ce que l’on est habitué à entendre dans le cœur du genre, et c’est précisément là que réside l’intérêt de cet album. Les titres partent parfois un peu dans tous les sens mais c'est un chaos contrôlé. Même quand l’énergie déborde de partout comme sur The Revenant ou sur le titre éponyme qui, après une brève intro, vient vous décoller la plèvre avec des riffs ultra dynamiques, le groupe retombe sur ses pieds grâce à des compositions bien léchées et dynamiques. On retrouve par ailleurs des influences variées et des moments originaux comme sur As We Light Up the Sky et son interlude flamenco, ses riffs et soli qui sentent bon les 70’s, entremêlés de passages hyper modernes.

The Fall of Therenia est un album bien pensé, très mélodique, qui ne demande qu’à s’apprivoiser pour peu que l’on y mette du sien. Il est rare de voir un concept album self-released aussi riche et bien produit. Vous n’avez plus d’excuses désormais, dépêchez-vous d’aller vous enivrer de The Fall of ThereniaBroken Beauty ou bien encore Landfall.

 

Serenity In Murder - The Eclipse (2017)

Michaël : Ce choix est peut-être un des plus surprenants pour vous, lecteurs, même si je l'avais déjà fait figurer dans ma sélection de treize albums de mélodeath de référence. Il faut dire que Serenity In Murder est une pépite peu connue dans une scène japonaise qui n'est pas tant développée que cela, malgré leur appétence évidente pour la technicité à la guitare et les mélodies. L’approche de cet album est d'ailleurs davantage scandinave que japonaise, à l'exception peut-être de ce mix un peu brouillon, comme seul le Japon peut nous l’offrir (Gyze... !). L’écoute est parfois fastidieuse avec ce combat permanent de chaque instrument avec l’autre pour avoir la première place dans le mix final ; mais, au final, cette intensité prend aux tripes.

Il faut dire que la musique de Serenity In Murder est exceptionnelle en tous points. Elle est rapide, résolument mélodique, épique, en se nourrissant parfois de certaines influences asiatiques, venant encore davantage enrichir des compositions déjà très réussies. Les compositions alternent ainsi entre déferlante de notes, mélodies entêtantes (Dancing Flames) et titres plus "doux" remplis d’émotions (The Sea is…) sans le moindre faux pas. Qu'on se le dise, cet album est une merveille, et je ne comprends pas qu'il ne soit toujours pas sur Spotify ou sur les autres grandes plateformes tant il mérite d'être davantage connu.

 

Kalmah - Seventh Swamphony (2013)

Circé : Comme le disait Michaël lorsqu'il vous présentait ses « 3 albums pour (re)découvrir Kalmah », voici un groupe qui, malgré 8 albums et deux décennies de carrière, n'a jamais vraiment eu le succès qu'il mérite. Children Of Bodom a certes occupé le devant de la scène mélodeath école finnoise depuis longtemps... Mais même si je vénère comme beaucoup Follow the Reaper et compagnie, Kalmah a largement de quoi tenir tête à ces derniers. Ils ont toujours eu leur patte à eux, très thrashy, soutenue par les growls profonds de Pekka Kokko. Ils ont du reste bien mieux tenu sur la longueur.

Il n'empêche que toute personne ayant creusé ne serait-ce qu'à peine le genre dont il est question aujourd'hui est vite tombée sur Kalmah. Que ce soit sur les albums des débuts ou sur ceux plus récents de cette dernière décennie. Et parmi ceux-ci, Seventh Swamphony fait clairement partie du haut du panier. Le morceau éponyme vous assaille d'entrée d'un tempo effréné et de synthés endiablés pour une calvalcade de 40 minutes sans faute, ni répit. On profite tout de même d'un petit « Hollo » tout doux pour reprendre sa respiration avant de repartir de plus belle – pas moyen de décrocher avant la dernière note de l'album. Seventh Swamphony est un parfait résumé de ce que ce merveilleux pays qu'est la Finlande a à offrir en terme de death mélodique dans les 2010s. Un voyage à travers des paysages glacés au rythme de mélodies épiques et imparables, synthés et solis de guitare, growls assez classiques mais diablement efficaces. Exécuté d'une main de maître, assumant parfaitement son côté limite dansant et folkish ; plus qu'un album référence des années 2010, Kalmah signe là un classique du genre.

 

Cold Insight - Further Nowhere (2017)

ZSK : Si nous avions dû faire ce bilan pour la décennie précédente, il y aurait bien sûr eu l’intemporel Fallout de Slumber à citer. Pour les 2010’s, on pourrait bien sûr parler de son descendant qu’est AtomA, mais Skylight n’a pas vraiment sa place dans ce top « mélo-death ». On pourrait aussi parler des deux albums d’Enshine, ou officie l’ex-guitariste de Slumber Jari Lindholm. Mais je vais plutôt mettre en lumière le projet solo du chanteur français d’Enshine, Sébastien Pierre, qu’est Cold Insight. Travaillé pendant des années, Further Nowhere arrivera en 2017 dans sa version totalement finalisée après une version démo majoritairement instrumentale datant de 2013. Et ce fut la grande claque. Dans un apparat de science-fiction notablement influencé par Mass Effect, Further Nowhere est un album absolument magistral de Doom/Death mélodique. Entre compos accrocheuses et mélodies gracieuses à la Slumber - d’autant que Jari Lindholm en assure quelques unes dans l’album, synthés cosmiques sidérants et growls formidables (Sébastien Pierre, officiant aussi dans Fractal Gates ainsi que Monolithe récemment, étant un vocaliste de qualité dans ce domaine), Cold Insight déroule 12 morceaux fantastiques et magnifiques, du tube "Midnight Sun" au génial final-bonus "Deep" en passant par les épiques "Above" et "Even Dies A Sun". Un véritable voyage stellaire inoubliable dès les premières écoutes. Pour qui aime le Doom/Death mélodique un brin atmosphérique et surtout futuriste, Further Nowhere est un splendide bijou, une réussite totale et un des albums marquants des anénes 2010 dans son registre.

 

Sulphur Aeon - Swallowed by the Ocean's Tide (2013)

Sleap : Énième projet de plusieurs musiciens allemands des années 2000, Sulphur Aeon est une entité sortie de nulle part à la toute fin 2012 avec un premier album qui a littéralement séché tout le monde dans l’underground. Illustré par un Ola Larsson ayant tout juste (enfin !) percé avec le fameux artwork de Disma un an plus tôt, ce premier effort du quintet teuton ne souffre d’aucun point faible. Une prod’ très épaisse et un mix parfait des différentes couches de guitares ; des vocaux abyssaux collant parfaitement avec les thématiques lovecraftiennes – qui n’étaient pas encore usées jusqu’à la corde –, et surtout un travail de composition exemplaire. Swallowed… représente en effet LE type de MeloDeath qui manque cruellement dans le paysage Death Metal actuel. Un style profondément ancré dans les racines du genre, mais qui déploie un savoir-faire mélodique de manière très subtile et jamais tape-à-l’œil. Pas de rengaines interminables ni de motifs niais, pas de branlette de manche inutile, mais au contraire un enchevêtrement de multiples « layers » qui ne cessent de se révéler à chaque nouvelle écoute. Quel dommage que le groupe ait progressivement laissé tomber ce style ! Swallowed… est un bijou dense et massif de Death Metal mélodique qu’il convient d’explorer lentement et profondément, à l’instar d’un nageur englouti par les flots. 

 

Mors Principium Est Embers of a Dying World (2017)

Michaël : Cet album a fait l'objet de débats dans la rédaction. Car s'il est incontestable que Mors Principium Est est l'un des acteurs principaux de la scène Death metal mélodique depuis pas mal d'années, et qu'il méritait sa place dans la présente sélection, faire un choix Embers of a Dying World et …And Death Said Live (et dans une moindre mesure avec Dawn of the 5th Era) n'a pas été chose aisée. Le premier a toutefois emporté la palme. Moins hétérogène que les deux précédents opus, ce Embers of a Dying World sorti en 2017 nous offre des chefs d’œuvre de mélodeath. De Reclaim the Sun à Into the Dark en passant par la sublimissime Apprentice of Death. Tout y est. De la puissance, des mélodies, des soli maîtrisés et une mélancolie teintée de tristesse qui est palpable sur quasiment tous les titres, qu’ils soient rapides (Reclaim the Sun) ou mid-tempo (Death is the Beginning). Cet album transpire la tristesse, la mélancolie, et on ne s'en lasse pas. Ce spleen généralisé qui fait la signature musicale de Mors Principium Est est une des meilleurs choses qui soit.

 

Amorphis - Under The Red Cloud (2015)

Varulven : Alors certes. On pourrait discuter pour savoir si la présence d’Amorphis dans une rétrospective mélodeath est pertinente. En effet, si la musique des Finlandais a pu être assimilée au death mélodique sur les classiques Tales From The Thousand Lakes (1994) et Elegy (1996), elle a surtout connu une longue mutation vers un metal plus accessible et mélancolique « à la finlandaise », ponctué de quelques touches progressives et folk sur les albums suivants. Et si cette facette demeure omniprésente sur The Beginning of Times (2011) et Circle (2013), son successeur Under The Red Cloud (2015) renoue avec des sonorités plus « traditionnelles » et « brutes », par rapport aux récentes habitudes du groupe. Si une petite dose de spleen finlandais demeure dans les compositions, cette dernière se mêle avec des mélodies beaucoup plus chaleureuses et entraînantes, pour un climat plus grandiose et épique sur des morceaux tels que « The Four Wise Ones », « Death of a King », ou encore le titre éponyme. Mais outre les mélodies, ce sont également les riffs et le growl de Tomi Joutsen qui possèdent plus d’impact que d’ordinaire, un feeling direct et incisif qui se rapproche bien plus du mélodeath scandinave que les précédentes sorties d’Amorphis. A tout cet univers se rajoute la présence de touches progressives et folk, qui ont fait la réputation du groupe sur un album comme Elegy, permettant ainsi avec ce Under The Red Cloud de s’affirmer comme un album ayant marqué la carrière d’Amorphis, et les années 2010 : entre retour aux sources mélodeath et confirmation d'une identité atypique, au sein d'une scène finlandaise aux gimmicks on ne peut plus identifiables. 

 

Allegaeon - Proponent for Sentience (2016)

Michaël : les Américains d'Allegaeon naviguent dans les eaux très "techniques" du courant Death metal mélodique. Ici, les riffs sont légion, les rythmiques multiples et les soli à couper le souffle. Mais la musique des natifs du Colorado ne se résume pas, comme beaucoup de groupes de death technique, à une simple démonstration de virtuosité. Proponent For Sentience, sorti en 2016, suit ainsi le brillant chemin tracé par les opus précédents en proposant une musique qui est le parfait équilibre entre violence, technicité et envolées mélodiques ; le tout en apportant pour la première fois une légère touche progressive. Sur cet album, les Américains ont beaucoup plus osé que par le passé, en apportant des sonorités nouvelles, comme par exemple ces éléments flamenco sur le titre Gray Matter Mechanics, mais également des featurings qui viennent enrichir davantage cet album (participations de Speed Strip de Soilwork et Benjamin Ellis de Scar Symmetry). En somme, ce Proponent for Sentience est un album d'une immense qualité, porté par une production irréprochable. Les amoureux de Death metal mélodique à tendance technique y trouveront sans aucun doute leur compte.

 

The Black Dahlia Murder - Ritual (2011)

Schifeul : Fin des années 2000, The Black Dahlia Murder commence enfin à se débarrasser des étiquettes hasardeuses "Metalcore" ou "Deathcore" qui leur ont été collées selon la mode du moment. Sans véritable raison d’ailleurs, hormis sûrement parce que le groupe avait le vent en poupe chez les mecs utilisant Myspace, qu'ils portaient des shorts et qu’ils étaient Américains. Nous arrivons donc en 2011, le groupe a 10 ans d'existence et s'apprête à sortir son 5ème album. Il met pour l'occasion les petits plats dans les grands et compose alors son album le plus long (et c’est toujours le cas aujourd’hui) ; le groupe nous sort piano, violoncelle et surtout profite d’être le premier album à garder le même line up que le précédent pour peaufiner en diable son écriture.

Articulé comme un concept album sur le thème du rituel, on retrouve évidemment la patte si singulière du groupe : ce duel de voix, riffs mélodiques imparables, ambiances horrifiques et des titres au rythme effréné. Mais cette fois-ci, tout est poussé à son paroxysme, avec notamment ce que l'on peut considérer comme les meilleurs soli sortis par The Black Dahlia Murder. On retrouve également certaines échappées qui permettent aux 45 minutes de l’album de passer crème, avec le très lourd et rampant On Stirring Seas of salted Blood et l'énervé Den of the Picquerist. Le titre qui condense toutefois le plus cet album est l’excellent Carbonized in Cruciform à l’ambiance limite blackisante. Blood In The Ink vient ensuite clore l'album en invitant l’auditeur à tuer sa famille et se suicider. Tout simplement. Message à l’irresponsabilité jouissive, parfait pour conclure ce concept sur les rituels, qu’on retrouve même gravé sur les vinyles. Par la suite le groupe a sorti d’autres excellents albums, avec çà et là de véritable hit ; mais ce Ritual constitue clairement le sommet du groupe sur cette période.

Alors oui, peut être que certains puristes trouvent The Black Dahlia Murder trop simple et facilement digéré, jusqu’à le taxer de Death mélodique demi-sel. Mais justement, le groupe arrive à amener à lui ceux qui ont besoin de quelque chose de plus direct et qui, paradoxalement, sont aussi à la recherche d’un petit truc en plus pour arriver à accrocher. The Black Dahlia Murder a ce supplément d'âme.

 

Carcass - Surgical Steel (2013)

Sleap : Après s’être reformé à la fin des années 2000 pour plusieurs séries de concerts et de festivals, le légendaire combo de Liverpool (pas les Beatles, l’autre) ressent à nouveau l’envie de composer. Ainsi, aux côtés des Life Sentence, Holy Empire, 13, Colored Sands, Omen of Disease ou encore Unholy Splendor Noir, Surgical Steel vient donc ériger à tout jamais 2013 comme l’année par excellence des « comeback albums ». Perpétuant les thématiques médicales et pathologiques chères aux Anglais, ce nouvel effort marque en revanche un retour à la période Heartwork. Un MeloDeath faussement catchy mais assez rugueux et teinté de relents thrashisants. Le retour de leur ami Colin Richardson à la prod’ (ingé’ son qu’on ne présente plus !) enrobe le tout d’un son limpide. On regrettera évidemment les vocaux GoreGrind de Bill Steer abandonnés au cours des 90’s, mais il faut admettre qu’ils ne colleraient pas tellement à la musique de Surgical Steel. Quoi qu’il en soit, sans forcément ravir les fans Death et Grind de la première heure, Carcass effectue un comeback studio remarquablement intègre. Le groupe prend clairement plaisir à réécrire dans ce style et, pour ma part, je dois dire que je préfère même ce nouvel album au lointain précédent !

 

Omnium Gatherum - New World Shadows (2011)

Michaël : Pendant longtemps, Omnium Gatherum a évolué dans l'ombre de certains de ses compatriotes (je pense notamment à Insomnium). La musique du groupe était régulièrement vue comme celle d'un énième groupe de mélodeath "à tendance doom" dans la veine du groupe précité. Et pourtant, le death metal mélodique produit par les Finlandais a des atouts, et pas des moindres, comme en atteste ce New World Shadows.

Si cet album reprend effectivement les codes du genre, les relents de doom et de power metal qui s'y ajoutent offrent des compositions aérées, puissantes, hyper mélodiques et menées de main de maître par les six-cordes. Des soli epoustoufflants de Nova Flames ou An Infinite Mind en passant par la très rythmée Ego, cet album constitue le point d'orgue d'une carrière hyper riche. Et je pourrais également citer EverfieldsNew World Shadows et Deep Cold comme mettant parfaitement en lumière le sens aigu de la mélodie des Finlandais. Cet opus prend le pari de ne pas trop s'écarter des canons du death metal mélodique, tout en apportant une dose de fraicheur et un talent de composition indéniable. Une sélection des meilleurs albums de mélodeath des années 2010 ne pouvait certainement pas faire l'impasse sur cet album, et encore moins sur un groupe aussi sympathique que talentueux.

 

*     *     *

*

Retrouvez notre série d'articles "Nos essentiels des années 2010" dans la rubrique Articles !