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L’aventure Metal - Punk en Corée

mercredi 4 novembre 2020
Prout

Chroniqueur musiques du monde. Parfois Brutal Death / Black / Grind mais rien au dessous de 300BPM sinon c'est trop mou et je m'endors.

Après Dubaï, la Turquie, l’Egypte ou Taïwan, Horns Up continue son voyage à travers le globe pour vous emmener aujourd’hui en Corée. A notre habitude, ce long article est lui aussi issu de voyages de la part de l’auteur dans le pays mis en lumière, de longues discussions avec des locaux, de reportages et d’autres sources qui font autorité sur le sujet actuellement.

Ce dossier porte essentiellement sur la Corée du Sud mais ses rapports compliqués avec la Corée du Nord, le Japon, la Chine ou les USA ne peuvent pas être mis à l’écart, c’est pourquoi on va obligatoirement revenir sur certains passages de l’histoire de la Corée ou parfois faire des incursions dans le passé musical du pays.

Qui va en Corée aujourd’hui et s’intéresse aux scènes underground a intérêt à s’armer de patience s’il veut les expérimenter car celles-ci sont presque totalement absentes des sillons musicaux classiques au profit de l’énorme rouleau compresseur qu’est la K-Pop. Néanmoins avec les bonnes connections et un peu d’investigation, on arrive à en extraire quelques pépites, si ce n’est musicales, au moins humaines et authentiques.  

Oui, des grands groupes comme Iron Maiden ou Metallica ont joué en Corée du Sud et ont rempli des grosses salles mais dès qu’il s’agit de groupes plus modestes même comme Cannibal Corpse ou Cradle of Filth, difficile de s’assurer que l’organisateur pourra dépasser la jauge des 200 tickets. Et ne parlons même pas des groupes de « légende » coréens. Ceux-ci sont encore plus boudés dans leur pays que leurs confrères occidentaux. Jamais l’adage « nul n’est prophète en son pays » n’a été plus vrai qu’en Corée. Ainsi les scènes Punk et Metal restent très discrètes, à la limite de l’anecdote. Mais elles sont là, elles résistent et on va vous en dresser un tableau tout de suite !

Le « Parrain du Rock » en Corée est Shin Jung-hyeon, qui a commencé sa carrière à la moitié des années 1950’ après être revenu du Japon et y avoir vu pas mal de groupes de Rock. Il a découvert la « musique de l’Ouest » alors qu’il taffait comme musicien sur des bases nord-américaines pendant la guerre de Corée, notamment grâce à l’AFKN, l’American Forces Network et ses diffusions télé et radio de productions des USA. D’abord classique et même plutôt Pop à la base, il a très vite commencé à créer du Rock plus corrosif, psychédélique et de manière générale plus violent. C’est un peu le Jimi Hendrix de Corée. C’est la première fois que la Corée a pu expérimenter une musique alternative et expérimentale, qui sortait des carcans de la musique traditionnelle coréenne. Shin Jung-hyeon avoue s’être plus qu’inspiré des mimiques, visuels et sons des groupes de l’époque sans vraiment comprendre ce qu’il faisait. Au point même où lors d’une représentation devant des hippies américains venant protester contre l’implication des USA dans la guerre de Corée, ceux-ci lui ont expliqué en quoi il faisait du rock psyché et lui ont même donné du LSD ! Ça ne s’invente pas.

A savoir que la Corée était sous « protectorat » japonais depuis 1905 (officiellement) jusqu’en 1945, puis que le pays a connu la Guerre de Corée suite à la scission un peu hasardeuse du pays en deux par l’ONU et l’ex-URSS après la Seconde Guerre Mondiale. Le pays a alors connu des enchaînements de coups d’Etat, dictatures et autres passages pas très drôles de la vie sociale coréenne, le tout soumis à une censure très forte. Aucun album de musique ne pouvait sortir sans avoir le consentement de l’état : les paroles, la pochette et même le style de musique étaient soumis à approbation d’un état changeant presque au jour le jour (notre 4ème république quoi, en plus vénère). Il était impossible d’écouter quelque-chose d’alternatif hormis via l’AFKN en gros. La carrière de Shin Jung-hyeon décolle dans les années 60’ où il s’oriente plutôt Folk Rock, mais il ne pouvait alors encore jouer uniquement dans les bases américaines et certains cabarets ciblés par les Occidentaux. C’est dans les années 70’ seulement qu’il commence à incorporer des éléments psychédéliques et que son rock plus énervé arrive à atteindre les petits théâtres et autres salles de concert. Néanmoins le président de l’époque Park Chung-hee, qui a plus commencé comme un dictateur qu’un président élu de manière démocratique, disons-nous le bien, voyait la montée de la libération des mœurs, et donc du rock’n’roll d’un œil assez malveillant. Ainsi les personnes avec les cheveux trop longs dans la rue se faisaient arrêter et couper les cheveux, les femmes avec des jupes trop courtes étaient escortées à la maison pour se changer. Ne riez pas trop, on y revient en France aussi.

Malgré tout, le succès de Shin Jung-hyeon est alors retentissent et ironiquement, le président Park Chung-hee (toujours le même) lui demande en 1972 d’écrire une chanson pour commémorer le gouvernement en place. Shin refuse la demande du dictateur, normal. A cette époque l’appropriation culturelle des consonances de l’Ouest dans la musique coréenne était alors vue comme une forme de rébellion contre le gouvernement en place. A ce moment-là Shin est totalement blacklisté par le parti, par l’industrie de la musique et ses chansons bannies. Il sera arrêté en 1975 pour possession de marijuana, torturé en prison puis interné dans un hôpital psychiatrique. En 1979, Park Chung-hee est assassiné ce qui entraine une encore plus grosse passade de dépression sociale dans le pays jusqu’à ce que la barre soit reprise à la fin des années 80’, ce qui marquera le retour en force de Shin Jung-hyeon, pour une carrière triomphante dans les années 90’, toujours vivant aujourd’hui, et qui a continué à jouer live encore récemment !

Néanmoins, ce retour de Shin Jung-hyeon et de la musique rock alternative en général n’a pas été magique et il s’est payé dans le sang. A la mort du président Park Chung-hee, le chef à la sécurité intérieure Shun Doo-hwan et son général Roh Tae-woo prennent d’une poigne de fer le contrôle de cet Etat du sud diminué et les protestations culturelles et principalement étudiantes se soldent par la mort de centaines de contestataires. En aparté, la légende veut que la première personne qui a importé du Cannibal Corpse en Corée du Sud ait fini en prison, mais qu’il n’a pas lâché l’affaire et qu’il a réussi son coup en changeant le contenu des lyrics et le nom des morceaux sur les pochettes d’album pour contourner la censure. Il ne faisait pas bon faire du rock en Corée du Sud à l’époque (vas-y faire du Grindcore en Corée du Nord même aujourd’hui ceci-dit).

Après des années politiquement compliquées, la Corée du Sud s’est redressée et on constate sa fulgurante ascension aujourd’hui (9ème puissance mondiale, 6ème force militaire, 11ème pays le plus riche du monde en 2020) et ce, malgré la violente crise financière asiatique de 1997, qui marque aussi l’année de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine, ceci-dit en passant. Dès la fin des années 90’, toutes les musiques bannies ont retrouvé leur liberté, les échanges avec l’international ont explosé et des nouvelles formes de rock, metal, punk, reggae et hip-hop (entre autres) sont arrivées sur le pays, en grande partie grâce aux show retransmis de la WWE et les entrées en scène de nos catcheurs US préférés avec leurs groupes de metal préférés en fond. Le carton a d’abord été au profit du punk californien avec Green Day, Offspring, Blink 182 ou NOFX, qu’on entendait dès lors même à la radio. Alors qu’en France on avait déjà des CDs et que c’était le début d’internet, la Corée était en plein dans les trades de tapes entre amis pour découvrir des nouveaux groupes. C’est très récemment avec l’accès massif à internet (et qu’on se le dise, aujourd’hui ils nous défoncent à ce niveau), que la Corée du Sud a pu se jeter à corps perdu dans nos styles de prédilection. Revenons alors plus en profondeur aux groupes qui ont musicalement marqué ces différentes périodes de l’histoire de la Corée du Sud.

Qui dit censure, n’empêche pas les choses à se faire en skred, et la Corée du Sud n’a pas dérogé à la règle. Les premiers groupes de Heavy Metal arrivent ainsi dès les années 80’ malgré la période de grands troubles politiques. Ainsi les premiers groupes à s’exprimer sont Sinawe en 1983, dont le bassiste deviendra un chanteur coréen ultra populaire, du niveau de Michael Jackson dans les années 80’ en Corée ; Museros en 1984 ; Boohwal en 1985 ; Baekdoosan et Black Syndrome en 1986, tous originaires de Séoul. On est alors en plein dans les protestations civiles citées plus haut. Comme en Occident, le Heavy Metal puise son origine dans la contestation des règles établies et c’est sans doute encore aujourd’hui sa plus grande force. Petite anecdote amusante concernant Baekdoosan, Yoo Hyeon-Sang le chanteur guitariste et cofondateur du groupe enregistrera ensuite de nombreux albums de « Trot » (Teuroteu ou aussi appelé Ppongjjak), la plus vieille forme de musique populaire coréenne reconnue comme l’origine de la K-Pop et qui s’est imposée dans les années 1920 lors de la colonisation japonaise. Pourquoi a-t-il fait ça ? Les parents de son amoureuse voulaient qu’il change de style de musique s’il voulait marier leur fille. C’était le seul moyen d’avoir leur approbation… C’est aujourd’hui un très gros producteur et Baekdoosan, toujours actif, est sans doute le plus gros groupe de Metal coréen à ce jour. Comme quoi, parfois faut faire des concessions et suivre son cœur mais ne jamais renier ses racines ! Blackhole (블랙홀) suit le mouvement en 1986 et sera le premier groupe notable à proposer du Heavy Speed voire du NWBHM, le tout en proposant enfin des caractéristiques et des lyrics coréennes dans leur musique. Tous ces groupes seront plus tard des énormes succès d’estime et commerciaux.

On enchaîne avec H₂O, le premier groupe de rock alternatif créé en 1986, Naty le premier groupe de Groove Metal en 1986, Sahara qui fait du prog dès 1986 aussi, Cratia, premier groupe de Glam de 1988, Hyo Jin Moon et Zero G suivent l’exemple des grands frères et proposent du Heavy Metal en 1988 également. Crash arrive en 1989 avec un Thrash Metal / Crossover proche de Kreator et S.O.D. et ils sont les premiers Coréens à travailler avec le producteur anglais Colin Richardson (Carcass, Bolt Thrower, Cannibal Corpse, entre autres), ce qui leur amènera une certaine reconnaissance à l’international et même la possibilité de rentrer dans le top 10 coréen. Cette même année arrive Crux, le premier groupe de Power Sympho du pays, Dionysus le premier groupe de Shred Metal et enfin l’avènement de Project Rock in Korea, un allstar band qui regroupe des musiciens d’un peu tous les groupes précités. Le allstard band n’a fait qu’un album et un live mais c’était bien fat, en mode Nuclear Blast Allstars, Hear ‘n Aid, ou Avantasia pour ne citer qu’eux. Néanmoins, le mouvement Metal restait très mal vu dans les années 80’ dans un pays encore très soumis aux préceptes du confucianisme où ces jeunes qui fument, picolent et ont les cheveux longs passent juste pour des emmerdeurs de service alors que tous les autres jeunes de leur âge ne pensent qu’à travailler à l’école pour réussir leur diplôme et avoir un taf solide. La Corée du Sud est un pays en phase d’une totale normalisation, et ceux qui sont différents sont vus comme des fous et mis à l’écart. Les groupes sont souvent composés de zicos assez jeunes et meurent dans l’œuf quand ceux-ci vont faire leur service militaire obligatoire.

Les années 90’ verront la fin de l’âge d’or du Heavy Metal au profit de la Pop Punk et des gros cartons des USA. Ainsi se formeront des mythiques groupes de punk à roulette comme Crying Nut en 1995 (qui composera quand même la musique officielle pour l’équipe de Corée du Sud pour la coupe du monde de la FIFA 2002) ou No Brain en 1997, deux groupes très proches de NOFX. Rux (1996) deviendra le premier groupe à s’autoproclamer street punk, officiant entre du Punk Americain à la Rancid et de la oi! anglaise type Cock Sparrer. Certains groupes de premier mouvement punk coréen se revendiquent faire du «Joseon » Punk, pour se distinguer des groupes faisant du punk occidental. La période Joseon correspond au moment de l’histoire ou la dynastie coréenne des Joseon régnait alors sur le pays (de 1392 à 1910, quand même). C’est à ce moment-là que seront créés deux labels piliers du la scène punk de Séoul : Drug Records et Skunk Label. Ils aideront à l’enregistrement et à la diffusion de groupes émergents de Punk et de Hardcore mais également à l’ouverture des salles : Double A Studios, Club Drug puis Club Spot ont vu les premiers concerts de Punk puis le 24 janvier 2004 une salle mythique émergea, le Skunk Hell, où les scènes underground ont pu bien se faire plaisir jusqu’au 3 janvier 2009, date d’adieu de la salle avec Galaxy Express (Garage Rock bien connu là-bas), Rux et Crying Nut qui jouèrent gratos, le tout avec une sorte d’authenticité que les fans de punk des années 2000’ regrettent déjà. D’ailleurs de nombreux groupes sont appelés les « Skunk bands », lié à leur affiliation à Skunk. Le WASP, Sapiens 7, le Queen Hall, le 3 Thumbs à Hongdae (quartier populaire de Séoul) sont morts aujourd’hui. GBN est un des derniers bastions des musiques extrêmes en Corée (si ça survit au covid) pour la simple et bonne raison que c’est situé à Mullae Dong, le quartier sidérurgique de Séoul, donc que c’est pas cher et que c’est déjà tellement le bordel la journée (et que le soir il n’y a plus personne), qu’ils peuvent même faire des shows la porte ouverte, tout le monde s’en fout.

The Geeks, formé en 1999, sera le premier Youth Crew coréen, en totale adéquation du subgenre de la scène new-yorkaise avec pas mal d’éléments crossover. C’est assez percutant d’amener le mouvement straight edge en Corée, pays bien connu et reconnu pour sa consommation massive d’alcool. En effet, je m’y suis mis des mines monumentales, croyez-moi, et on ne m’a fait aucun reproche le lendemain !

La scène purement Metal n’est pas en reste dans les années 90’ bien au contraire, puisque c’est la décennie de l’explosion de groupes et de styles. Relou à les énumérer, voici un petit listing que j’ai sélectionné pour vous :

Abyss

Groove (later) / Thrash (early)

1992

N.EX.T

Varié

1992

Noizegarden

Stoner / Grunge

1992

Sadhu

Death Metal

1992

Diablo

Groove / Metalcore

1993

Mahatma

Thrash Metal

1993

Moby Dick

Hard Rock / Heavy Metal

1993

Monkey head

Thrash / Heavy Metal (parodique)

1993

Newk

Heavy Metal

1993

Assassin

Death Thrash

1994

Shaman

Brutal Death

1995

Deadpoint

Death Metal

1996

Jeremy

Progressive Metal/Rock

1996

Moonshine

Melodic Black Metal / Gothic

1996

Oathean

Melodic Black / Death

1996

Seed

Brutal Death

1996

Vassline

Hardcore

1996

Zihard

Heavy Metal

1996

Sad Legend

Melodic Black Metal

1997

Samchung

Metalcore / Hardcore

1997

Silent Eye

Power / Thrash

1997

Tokkaebi

Death Metal

1997

Barkhouse

Hard Rock / Heavy Metal

1998

Won

Heavy Metal

1998

Magwi

Brutal Death

1999

Mir

Heavy Metal

1999

Nahu

Death Grind / Hardcore

1999

Sahon

Thrash

1999

Taekaury (Ex-Apparition)

Pagan Black Metal

1999

 

Il est important de noter ainsi que les premiers groupes de Metal extrême arrivent donc dans les années 90’ avec l’émergence du Black Metal, du Death Metal et du Grindcore sur les terres de Corée, ce qui n’était pas gagné vu les conditions sociales encore frileuses de l’époque. Et certains groupes continuent sur la lancée de Blackhole pour introduire des éléments de la culture coréenne dans leur musique comme le groupe de Death Metal Tokkaebi, dont le nom fait référence aux fantômes directement issus du folklore coréen et dont les thèmes parlent de l’astrologie, d’incantations et de croyances de l’époque Joseon. Oathean et Sad Legend, deux groupes de Black Metal Melodique / Symphonique par moment, poussent le vice du nationalisme encore plus loin parlant entre autres des tortures et viols qu’ont subi les femmes coréennes pendant l’occupation japonaise de la seconde guerre mondiale (NDLR : la Corée du Sud aime pas trop trop le Japon), le tout en appliquant à leur musique des instruments traditionnels coréens et autres harmonies typiques du pays. Mais s’il y a bien un groupe qui a poussé la question du nationalisme jusqu’à ses retranchements c’est bien Samchung (Samcheong), qui aurait apparemment commencé comme un groupe de punk (assez gaucho) avant de devenir un groupe vachement plus metal (metalcore même), mais surtout extrêmement raciste (voire néo-nazi, ils ont eu des t-shirts avec des croix gammées ! Wow !). Les gars sont connus pour être violents et avant 2010, mes contacts ont entendu parler de sortes de ratonnades sur les minorités venant d'Asie du Sud-Est... Cerise sur le gâteau, ils ont fait des tournées au Japon avec d'autres groupes d'extrême droite japonais.

Les années 2000 sont sans doute les plus riches et les plus audacieuses mais c’est surtout celles qui marquent la venue d’internet et du mélange de styles, de régionalités et d’échanges entre les musiciens. La scène, alors extrêmement cantonnée à Séoul, avec quelques excursions sur Busan, prend un virage plus national (bien qu’encore assez discrète aujourd’hui, on ne le répètera jamais assez). La sélection se veut plus drastique car beaucoup de groupes one-shot ou n’ayant jamais rien sorti et ayant splitté juste après leur formation ont bien émergé dans cette décennie, notons donc pour les plus actifs :

Downhell

Heavy Metal

2000

Holymarsh

Melodic Death Metal

2000

Jekyll

Heavy Metal

2000

El Patron

Brutal Death

2001

Necramyth

Black Metal

2001

폐허

Dark Ambient / Black Atmo

2001

Dark Ambition

Melodic Folk / Black Death

2002

Infinite Hatred

Raw Black

2002

Method

Thrash Death Melo

2002

Spiky Brats

K-Punk

2002

Dark Mirror ov Tragedy

Symphonic Black Metal

2003

Gostwind

Progressive Heavy/Folk/Groove Meta

2004

Bamseom Pirates

Grindcore

2005

Black Medicine

Stoner

2005

Hammering

Metalcore

2005

Ishtar

Power / Symphonic

2005

The Couch

Street Punk

2005

Galaxy Express

Garage Rock

2006

Gwamegi

Deathcore / Hardcore Punk

2006

Christfuck

Grindcore

2007

Ironbard

Power Metal

2009

Midian

Death Melo

2009

Remnants of the Fallen

Metalcore

2009

쓰레기스트

Thrash / Heavy Metal (parodique)

2009

피해의식

Heavy Metal

2009

厄鬼

Dark Ambient / Black Doom

2009

 

Dark Mirror ov Tragedy est sans aucun doute le plus influent groupe de Black Metal Sympho de Corée et il a choisi la forme théâtrale avec un côté très Dimmu Borgir de la dépression pour s’exprimer. Ils sont totalement inspirés de ce qu’ils appellent le « Han », la tristesse, les émotions négatives, liées à leur histoire très dure. La Corée a d’ailleurs très longtemps subi le courroux des Chinois Han (tout est lié).

Bamseom Pirates est un groupe de Grindcore / Punk satyrique assez particulier puisqu’ils sont à l’origine d’un film documentaire intitulé Bamseom Pirates Seoul Inferno. On y suit les péripéties du groupe en guerre continuelle contre la censure et l’hypocrisie générale de la société. Le film a gagné quelques prix à l’étranger et a même été diffusé cet été au Festival International de Cinéma de Marseille (s’il a bien eu lieu, rien n’est sûr en 2020).

Christfuck qui a splitté en 2017 a aussi bien marqué les esprits, avec son chanteur assez fou qui finissait très souvent à poil couvert de faux sang et se torchant avec une Bible. Je regrette d’avoir raté ça. A savoir qu’en Corée du Sud depuis la Seconde Guerre mondiale, il y a énormément de matraquage protestantiste qui vient des USA avec pas mal de dégénérés religieux qui viennent foutre la merde dans l’espace religieux et traditionnel coréen déjà fragile.

Les années 2000 c’est aussi la décennie de l’explosion de la K-Pop comme un produit national tellement demandé et populaire, qu’il ne laissera aucune place aux possibilités musicales alternatives. Véritable phénomène de société, changeant jusqu’aux habitudes de consommation du pays, on peut ainsi se demander ce qu’a donné comme place cette dernière décennie aux scènes UG face au Tsunami de 2NE1, BTS et Blackpink ?

Tout porte à croire que le Metal et d’autant plus le Metal extrême a été, est, et restera pour toujours en retrait en Corée du Sud mais voici une sélection à parfaire de ce que nous a proposé de meilleur la Corée du Sud dans les années 2010 et d’autres groupes dont j’ai du mal à trouver les infos mais dont on parle juste après ce tableau :

Madmans Esprit

Gothic Rock / Post-Black

2010

Nocturnal Damnation

Death Black

2010

Cunttlefish

Goregrind

2011

MyManMike

Grindcore

2011

Dissektist

Death Grind

2012

Scumraid

Crust Punk

2011

Sulsa

Grindcore

2012

Fecundation

Brutal Death

2013

Mangnani

Grindcore

2013

The Choppers

Southern Rock

2013

Malakh

Black Metal

2016

Valley of the Headless

Brutal Death

2016

Necromancy Slave

Black Metal

2017

Shadows of Black Candlelight

Black Metal

2017

 

Avant de disséquer cette liste, notons quand même que les années 2010 auront connu quelque-chose d’improbable concernant les musiques alternatives en Corée, notamment en Corée du Nord, puisque c’est en 2015 seulement (ou enfin) que le tout premier groupe étranger a pu jouer à Pyongyang et le plus fou : c’est Laibach qui est à l’origine de cet exploit ! Comment un groupe d’Indus slovène a bien pu finir devant Kim Jong-un, je ne sais pas, mais en tout cas ils ont dû bien rigoler.

Sans suivre un ordre précis, je me permets de faire un gros focus sur Nocturnal Damnation qui est un de mes groupes favoris de Corée des années 2010’. En effet, le groupe n’hésite pas à faire n’importe quoi, c’est une sorte de Black Death ultra vénère avec de la harsh noise par-dessus, y’a même des samples de pets, pour vous dire le manque de respect. Un membre du groupe se fait nommer Bestial Desecrator of Sexual Fornications, pour l’anecdote chic.

J’adore également MyManMike, groupe de Fastcore / Powerviolence international puisque la Corée du Sud, les USA mais aussi la France étaient représentés dans le trio ! D’ailleurs JP, le frenchie du groupe m’a bien aidé sur ce dossier et vous pouvez le retrouver dans son one man band que je soutiens totalement nommé Octopoulpe aujourd’hui situé… au Mexique ! Il a également officié dans Arraym (sorte de Fastcore) avec lequel ils ont tourné en Malaisie et quelques fois au Japon. JP m’a conseillé Banran aussi, sorte de fastcore vraiment vénère mais qui n’existe plus aujourd’hui. On pourrait citer Dead Gakkhas également, groupe de fastcore avec un batteur et 2 chants féminins biens hargneux ou encore Slant (chant féminin), qui tourne un peu au Japon ou encore Something fierce, Tear Gas, Sulsa, Crippled, Agari, Tokki Jot, qui n’ont pas forcément duré ; All I have (groupe genre NY hardcore plutôt bon), Manixive, End these days et Gwamegi, bref, y’a quand même matière !

Dernière anecdote amusante, le groupe de Black Metal Malakh avait arrêté de jouer prétextant que le Black Metal c’était « Evil ». Mais il est revenu sur le devant de la scène tout juste un an après. Le Burzum coréen ?

Aujourd’hui où en est le Metal en Corée du Sud ? Bah pas bien loin. Le principal de la promo se fait sur Internet, de moins en moins de salles sont disponibles pour accueillir des shows, puisque peu de personnes viennent aux concerts, puisque peu d’audience, même à la capitale. Il y a une seule agence de booking de metal extrême qui s’appelle Vermin Majesty et s’est monté en 2016 et un label / booker plus gros Justin Productions qui organise les plus grosses tournées et fest de Corée (quand je dis gros, l’annuel Metalfest c’est pas plus de 500 personnes, hein ?!). Les labels sont rares mais présents et peu de groupes coréens signent d’ailleurs sur des labels étrangers. Pourtant on ne peut nier la qualité montante de certains groupes et l’énergie déployée pour faire bouger les trucs. Absolument aucun musicien dans la scène metal ne vit de ça. Après, que les Coréens ne se plaignent pas trop, il vaut mieux avoir un underground authentique de qualité, qu’une scène devenue mainstream et pitoyable (regardez qui je vise).

La scène punk hardcore (voire grindcore) est encore soutenue par des groupes non cités comme Sagal (raw punk), The Kitsches (melodic hardcore punk), Find the Spot (punk hardcore bien old school), 13 Steps (Hardcore Beatdown), The Veggers (punk rock), groupe apolitique qui a d’ailleurs eu des emmerdes quand ils ont voulu jouer sur un fest en Allemagne car ils faisaient une reprise de Samchung cité plus haut, Seoul Mother (metal moderne, ils ont quand même fait un morceau qui s’appelle « Don`t Forget What Your Mother Said », c’est mignon, mais parait qu’ils sont bien à droite), Scumraid (thrash punk), qui ont tourné quelques fois aux USA, Europe et Asie du Sud Est, Nahu (Grindcore), groupe bien populaire et bien représenté dans la scène punk politisé de l’aile gauche, Mangnani (Grindcore), LPP (« Little Puppy Princess » - Powerviolence, qui tourne un peu, ils ont joué à l'Obscene extreme) et les acharnés de Cunttlefish (Goregrind orienté sur les matières fécales) qui ne lâchent rien et niveau metal des groupes comme Fecundation (Brutal Death) qui ont pas mal joué au Japon, Gonguri (Doom / Sludge mais qui prend sa racine dans la scène plutôt punk), Imperial Domination (Death Metal), Kryphos (Black Metal) sont là. Un groupe assez influent comme Huqueymsaw (Raw Black) semble avoir disparu à la suite du départ du guitariste qui a arrêté la musique quand il est parti faire son service militaire. Très souvent lorsque vous allez à un show underground, vous ne serez pas étonnés de voir des mélanges de genre raw punk, grindcore, thrash, black, death ou tout ce que vous voulez, car il faut bien rentabiliser les soirées. Ce qui est cool c’est que ça favorise les échanges de line-up entre styles où un zicos est rarement inféodé qu’à un seul style (peut-être parfois à contrecœur qui sait ?).

Il n’est pas rare aussi de trouver des groupes avec des musiciens « étrangers », des non-Coréens quoi, comme Mixed Blood, Animal Anthem, Food for Worms, Swan eaters, Machines, Lepper Temple (Doom bien classe) ou encore Yuppie Killer (punk hardcore qui avait fait pas mal de bruit). Ça peut paraître bizarre chez nous, mais en Corée, et en Asie en général, c’est assez normal de faire cette distinction et ceux qu’on appelle les foreigners sont souvent la joute centrale qui fait tenir ces genres de scène sous représentées.

Je voulais quand même mettre une place de fin à des groupes comme Jambinai qui ne font pas vraiment juste du Metal, mais jouent sur des instruments traditionnels, et qui ont quand même fait une prestation au Hellfest en 2016 ou encore Mukimukimanmansu, un duo féminin et total ovni incroyable de créativité. Il resterait plein de trucs de punk hardcore metal voire d’indie rock, shoegaze ou post-rock qui trainent comme Whatever that Means, 21Scott, Sidecar, The Strikers, Burning Hepburn, Monkey Pee Quartet, Kuang Program, Screw Attack, Coin Rocker Boys, Yellow Monsters, Patients, Gogostar, Skasucks, Find the Spot, ECE que je n’ai pas cités ou alors des trucs plus fou comme Wagwak, Yukari, Lobotomy, Googolplex, Virgin Lab, 404, Trampauline, Yamagata Tweakster, et Kirin. Je vous laisse le soin d’aller creuser un peu tous ces groupes, y’a du taf, croyez-moi !

Dernière petite histoire « amusante », en 2013 ou 2014, a été organisé un gros événement, les 7 groupes les plus populaires de la scène punk de Séoul prenaient alors le dernier train pour Busan. C'était organisé là-bas par un groupe local All I have, et finalement 5 personnes sont venues au concert. Ça a marqué la fin de l'entente entre Busan et Séoul pour la scène punk, haha ! Busan est aujourd’hui bien plus orientée Metalcore d’après mes services secrets sur place.

Si on fait le parallèle avec notre histoire de la musique metal occidentale, la Corée n’en est qu’aux balbutiements, elle serait donc juste en train de se réveiller et sa créativité va exploser, comme le Japon auparavant. La société coréenne en est encore à voir les metalleux comme des gens chelou mais une fois l’ignorance dépassée et que le public en aura marre de la K-Pop, il repartira vers des trucs plus authentiques, et là, tout porte à croire que le metal explosera. Je vous encourage chaudement à réussir à vous procurer le documentaire coréen K-POP KILLERS: Korea's Metal Underground, qui traite à fond du sujet (mais alors comment le choper, j’en sais rien, je vous laisse juste le lien : https://www.kpopkillers.com/). Forcément on n’aura pas nommé tous les groupes ici mais je pense que ça vous fait déjà une belle brochette de choses à découvrir.

Ce dossier n’aurait pas pu être écrit sans l’aide de nombreuses personnes et est à l’origine un article qui se voulait beaucoup plus interactif avec de nombreuses interviews et une vidéo du Youtubeur lifestyle franco-coréen Jeff SoMec. Malheureusement à cause du covid, il a été mis sur pieds grâce à de nombreuses communications écrites uniquement mais je ne baisse pas les bras pour un jour voir la super vidéo que Jeff nous fera sur le sujet, avec pas mal des musiciens précités, j’en reste persuadé. Je remercie donc directement Jeff, mais aussi JP d’Octopoulpe / MyManMike pour ses nombreuses précisions et anecdotes sur la scène punk et Manu Gautier de Urgl (cybergrind), Dérisoir (powerviolence), Froideur Quantique (black metal urglesque), Pornoro (pornogrind urglesque) et Kyst (goregrind) qui a un pied en Corée tout autant que dans la scène Grindcore parisienne. Je salue, même s’ils ne le sauront jamais, Bamseom Pirates pour leur film musical mais néanmoins critique d’une société qui ne leur correspond pas ainsi que Ian Henderson pour son film très inspirant K-Pop Killers et enfin le site Invisible Oranges qui m'a bien aidé également. C’était un long dossier, bien compliqué à mettre en place et j’espère que vous avez pris autant de plaisir à le lire que moi à l’écrire !