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Album

26 avril 2020 - Gazag

Beneath The Massacre

Fearmonger

LabelCentury Media
styleDeath Technique
formatAlbum
paysCanada
sortiefévrier 2020
La note de
Gazag
9.5/10


Gazag

Avant de décrire l’impact de cet album, et comme Horns Up n’a pas parlé de Beneath The Massacre depuis un moment, on va rattacher les wagons. L’histoire de quelques minutes, mais l’opportunité de rappeler l’importance de cette sortie. Le temps rembobine, et s’arrête à la fin des années 2000, début des années 2010. A cette époque, par le jeu des fluctuations, une partie du Tech Death à tendance brutale s’avance sur la pente glissante de la vitesse : jouer vite, très vite, et si possible plus vite que les autres. S’ouvre l’âge d’or d’Origin, de Brain Drill, avec Spawn of Possession et plein d’autres pas loin. Rings of Saturn venait de naître, une période faste en cavalcades de plus en plus effrénées.

Dans ce contexte, notre sujet du jour, Beneath The Massacre, sort Evidence of Inequity en 2005. Un EP qui liste déjà tous les bons ingrédients ; puis vient Mechanics of Dysfunction, pour correctement les cuisiner. Un album réglé comme une horloge suisse, mais manquant de chaleur. En 2008, la fête est finie avec Dystopia, à l’époque où faire des pochettes avec des engrenages sur des tons orangés était toujours ok. Album beaucoup plus organique et violent, tout en gardant la vitesse du premier, voici les Canadiens dans la cour des grands. Encore un EP et un superbe troisième album, Incongurous, pour leur donner une tape dans le dos, et les inviter dans le club très fermé des meilleurs groupes Tech de tous les temps. Avance rapide - ziiiiiiiiiiiiiiblr - revoilà le présent. Huit ans se sont écoulés depuis Incongruous. Nouveau label (bye Prosthetic, hello Century), nouvel album. Nouveau son ? Non. Retour foireux qui étouffe un glorieux passé ? Non plus.

J’apprécie la dynamite et la poudre à canon et l’essence

Toujours debout, rassurez-vous, en 8 ans de pause, Beneath The Massacre fait toujours la même musique, et n’a pas changé d’un iota la recette de son restaurant. A chaque fois le groupe revisite son plat fétiche et lui donne une saveur particulière. Pour ce Fearmonger, les Canadiens décident de serrer les boulons partout où ils le peuvent. Ils bourrent la valise jusqu’à sauter dessus pour la fermer. Cet album est compressé, se sent à l’étroit. Les instruments produisent des sons, les sons tapent ces mêmes instruments qui, en retour et par friction, en produisent de nouveaux. Le cercle vicieux est en marche, la température augmente. Le mercure presse le verre, qui se fend.

La tornade est la même. Hors de question de changer de production, avec une fois encore Christian Donaldson de Cryptopsy aux manettes. Le traitement du spectateur en revanche, varie. Auparavant, dans les moments de respirations, l’auditeur était invité à se placer à l’extérieur de l’ouragan. A se mettre sur le bas côté de la route dans une Jeep pour assister au carnage, comme dans Twister. Ici le groupe fait l’exact opposé, car c’est dans l’oeil du cyclone que l’auditeur est placé, au coeur du danger. Avoir le privilège de poser une oreille sur la culasse d’un M16 qui vomit des douilles en mode automatique. Assister au plus près à la virtuosité du groupe, au torrent de technicité, qui s’écoule dans divers canaux et ramifications, avant de se figer, capturé dans différents moules. Enfin, à froid et après assimilation, ils s’ouvrent et révèlent de mémorables pièces.

Trauma center

Pour faire en sorte que le CD soit plus compact, et comme Beneath The Massacre est du genre à tasser le coffre de sa bagnole, il se doit de raboter quelque part pour faire de la place. Ce sont les dernières influences Deathcore qui en font les frais, avec certes toujours des break-down typiques de la scène, mais en faible nombre et surtout dénués de lourdeur. Reste l’aspect rythmique, orienté saccade pure, pour des breakdowns, mais sans le down. Le résultat est plus rectiligne, les morceaux gagnent en épaisseur. Paradoxalement, la musique n’a jamais été aussi furieuse. Les séries de shreds et de tapings font grimper aux rideaux ; pour sûr le jeu des frères Bradley n’a pas pris une ride. La voix monocorde d’Elliot Desgagnés compense les extravagances des cordes, la mâchoire inférieure plantée dans le bitume, le corps qui avance, avalant le macadam pour le recracher en même temps que les guitares jouent. L’impression que les guitares proviennent de ses poumons est saisissante. Le tour de table des instruments se termine par la Gatling. L’unique changement de lineup : la batterie. Anthony Barone est le nouveau tirailleur et ajoute un élément clé à la musique, un de ceux qui fait que ce Fearmonger est si chaud : le gravity blast. Technique abordée par le passé, notamment sur la mythique Bitter, mais qui n’a jamais été intrinsèque à la musique. Ici, les gravity sont nombreux et le positionnement est exemplaire. Le jeu de batterie permet d’alterner l’attention sur les différents musiciens. Les yeux roulent devant la masse de matériel à observer.

Salve d’éclats d’obus

Le petit diable intérieur, sadique, attend le moment où toute cette installation va partir en sucette. En débauche totale qui en fout partout sans cohérence. Mais par le talent d’artisanat, un savant calcul millimétré, un refus catégorique de spontanéité, l’édifice tient toujours en place. Un équilibre toujours précaire, une cocotte minute possédée, en pression maximale, tout du long. La composition des morceaux se complexifiait déjà sur Incongruous ; elle se poursuit sur Fearmonger. La densité augmente par rapport aux précédents opus car les parties commencent à se juxtaposer. Couplet refrain merci non merci. Les instruments s’appellent, se repoussent, s’engrènent, dans une danse supersonique où l’auditeur n’est aucunement invité. Beneath The Massacre ne nous tient plus du tout par la main. Il préfère disséminer exactement le bon nombre d’indices, pour une énigme qui demeure haletante durant tout le processus de résolution, et où toutes les pièces s’imbriquent parfaitement à la fin pour former un diamant dur.

Au milieu de l’album, on pourrait croire que l’auteur s’acclimate, s’habitue. Il n’en est rien, car la seconde partie du disque est encore plus intéressante. Dix morceaux, trente minutes, un album qui défini l’effet de souffle. Il est aisé d’y retourner de par sa longueur, mais aussi de par sa profondeur. Huit années de fermentation. Aucun petit fil ne dépasse, pas de trait de construction qui pourrait permettre de démarrer facilement le puzzle. Reste à chacun de définir s’il s’agit du meilleur album du groupe. Cette oeuvre est sans contexte la plus travaillée et la plus aboutie. Après un long silence, Beneath The Massacre reprend tranquillement son trône, et tous les petits rigolos de ces dernières années qui précédemment l’occupait n’ont plus d’autre choix que de s'étendre à leur pieds.

Rise of the Fearmonger
Hiden in Plain Sight
Of God and Machines
Treacherous
Autonomus Mind
Return to Medusa
Bottom Feeders
Absurd Hero
Flickering Light
Tarnished Legacy

 

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