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dimanche 14 juin 2015

Desertfest London - Jour 3

Camden - Londres

Romain

Drogué alcoolique aimant les amplis qui vomissent des basses bien grasses.

« Le temps passe vite quand on s’amuse » comme dit l’adage populaire. Sans que nous ayons eu le temps de finir notre pinte, voici déjà venu le troisième et dernier jour de Desertfest. L’occasion de dédier l’Underworld au heavy et au speed metal, pour nous rappeler encore une fois à quel point le festival est ouvert musicalement parlant. Mais aujourd’hui, pas question pour moi de vagabonder sans arrêt d’une salle à l’autre. Non, aujourd’hui est le jour des headliners, les vrais ! Découvrir des groupes insolites ou inconnus, j’ai donné les deux jours précédents. Le programme de cette ultime journée : rester au Koko, l’une des plus grandes salles mise à disposition ce week-end, et tenter de squatter au maximum les premiers rangs.

Je découvre donc la salle et ses nombreux étages, ses nombreux bars, sa terrasse sur le toit permettant de siroter des bières avoisinant la dizaine de pounds entre les concerts. Mais puisqu’il est un temps pour boire et un temps pour parler musique, bien que ces deux actions soient loin d’être incompatibles, parlons désormais musique.

 

MY SLEEPING KARMA

Cette dernière journée commence donc tout en douceur au Koko. La salle est inaugurée pour la première fois du week-end par le quatuor germanique My Sleeping Karma apportant avec lui son rock psychédélique tout instrumental. Mais dans ses bagages, le groupe a également amené de nouvelles compositions de son nouveau Moksha sortant dans les semaines suivantes. Du coup, pourquoi ne pas profiter de l’immense écran ornant le fond de la scène en diffusant les images du premier clip Prithvi ? De l’animation en noir et blanc nous montrant les aventures… D’un globe oculaire. C’est joli, mais ça devient un peu lassant lorsque ce sont les mêmes images qui sont diffusées encore et encore durant une grande partie du set.  Mais musicalement, il n’y a rien à redire. Tout d’abord, la qualité du son fut l’une des meilleures de ce festival, malgré un clavier pas toujours audible correctement. D’ailleurs, tous les concerts à venir lors de ce dimanche bénéficièrent d’un traitement audio de la plus grande des qualités. On profite alors à fond des compositions psychédéliques du quatuor. C’est planant, les Allemands ont l’air d’être d’aussi bonne humeur que le public s’étant déplacé en masse pour assister à leur show. Une belle mise en bouche. On aurait aimé en reprendre une part. Voire plusieurs.

 

KARMA TO BURN

Je me demande souvent pourquoi s’enquiquiner avec un chanteur et pourquoi écrire des paroles inintéressantes lorsque des riffs se suffisent à eux-mêmes. Les plus perspicaces d’entre vous l’auront compris, Karma To Burn est de ces groupes qui n’a pas ce genre de problèmes. Avec un son encore plus heavy et brutal que sur ses prestations studio, le trio tout droit venu des States enchaîne ses riffs stoner gargantuesques. C’est dingue de pouvoir créer autant de puissance avec uniquement trois instruments. Sur l’écran toujours présent, on a droit à des images de films torturées de toutes les manières possibles par des logiciels de montage vidéo, principalement tirées de Pour Une Poignée de Dollars de Sergio Leone. On ne trouve pas le temps de s’ennuyer tant les morceaux se succèdent vite. On profite alors d’un grand nombre de titres issus d’Almost Heathen, et ça tombe bien vu que la plupart des meilleures compositions du groupe sont issues de ce skeud. C’est juste dommage que les ricains ne se fassent pas chier pour trouver de vrais noms à leurs morceaux, parce qu’à ne donner que des numéros à leurs compos, au-delà de l’aspect « on fait de la musique à la chaîne », je suis incapable de vous parler de la setlist. C’est comme ça, j’ai pas la mémoire des chiffres. Pourtant c’est pas si compliqué les gars, regardez le groupe qui vous a précédé ! 

 

ACID KING

Ce qui m’a frappé la première fois que j’ai vu Acid King en live, c’est avant tout le son. Dévastateur. Il faut dire que pour des compositions aussi lourdes, il faut un son à la hauteur. Et quoi de mieux qu’une grande salle pour mettre cela en valeur ? C’est pourtant rare que je dise ça, préférant largement voir du stoner dans des petites salles. C’est donc la voix de Lori S qui nous permettra d’entendre du chant pour la première fois de la journée. On commence avec de l’hypnotisme féminin hautement réverbéré. Dès le début du set, le son frôle de très près la perfection. Je me suis même surpris à avoir les poils pendant l'un des morceaux, ce qui ne m’arrive pas souvent. Etait-ce dû à l’onirisme des morceaux très doom tout en restant fortement empreints de psychédélisme ? Ou aux basses tellement puissantes que les ondes sonores semblaient titiller ma peau ? Un peu des deux peut-être. Et malgré le fait que le groupe joua principalement des morceaux de son dernier skeud sorti quelques jours seulement auparavant, les premiers rangs furent littéralement déchaînés, semblant être entrés dans un état de transe. Ça a même attiré l’attention de Lori au point de la faire rire discrètement, elle qui reste d’habitude totalement impassible, yeux ancrés vers l’horizon. L’ambiance ne se calme pas lorsqu’atteignant la fin de la setlist, le trio se met à balancer des classiques, commençant avec un 2 Wheel Nation ou un un Sunshine And Sorrow. Puis le groupe termine le set m’ayant paru bien trop court avec des morceaux du dernier album. Je crois que vous l’avez compris, j’ai vécu pendant une heure l’un des moments les plus forts de ce festival, les Américains m’ayant conforté dans l’idée que leur dernier album est définitivement leur meilleur. Groupe détendu sur scène, setlist impeccable… Que demander de plus ?

 

UFOMAMMUT

Le set d’Ufomammut avait l’air de bien commencer devant une salle entièrement remplie que je peux observer depuis le fond. Le trio est fort attendu par le public voulant entendre une partie de son nouvel Ecate. C’est avec Somnium, ouverture de ce dernier album que le concert peut débuter. Avant de s’interrompre quelques instants plus tard. Devant une assemblée compréhensive, le groupe fait face à des problèmes techniques stoppant le set pendant de longues minutes. Mais il en faut plus pour décourager les Italiens qui ne se laissent pas abattre et reprennent leur show sans sourciller. Show qui fut homogène, composé d’une bonne setlist reprenant principalement des morceaux du dernier skeud. De la grosse distorsion qui compresse les tympans et écrasant du chant crié, le tout sur fond d’images psychédéliques. Bon, même si j’aime beaucoup le groupe, je n’ai pas grand chose à dire de plus : j’étais loin, je ne voyais absolument rien à ce qui se passait sur scène, et je commençais déjà à me préparer mentalement pour voir Sleep pour la première fois.

 

SLEEP

Un grand écran blanc cachant la scène, des balances, un public qui ne tient plus en place, des voix spatiales, puis une succession d’accords, bien connus du public. L’écran est relevé. « Drop out life with bong in hand » tels sont les premiers mots chantés avec une justesse implacable par un Al Cisneros tout hirsute, plantant son regard énervé vers un point fixe au loin, quelques minutes après les premières notes de Matt Pike, torse-nu comme à son habitude. Ainsi commence le set des cultissimes Sleep, entamé par le non moins culte Dopesmoker. Jason Roeder entame son jeu hyper efficace derrière les toms et ça y est, c’est parti pour une heure et demi de riffs sous-accordés assommant littéralement le public, hypnotisé sans avoir forcément eu besoin de recourir à quelconque psychotrope. Ici, nul besoin d’effets visuels sophistiqués, juste une lumière monochrome et puissante changeant de ton selon les morceaux, et cela suffit amplement. Certains manifestent leur contentement en écrasant les premiers rangs contre la barrière de sécurité ; curieuse pratique vu la lenteur des riffs et l’état spirituel atteint par une grande partie des festivaliers, ne voulant donc que voyager mentalement sans être dérangés physiquement. Les basses fréquences se chargeant déjà bien assez efficacement de secouer les organes internes.

Malheureusement, malgré la déflagration sonore et l’avalanche de titres épiques issus de l’album Holy Mountain ayant succédés au dernier single The Clarify, je me retrouve comme en dehors du concert, comme si mon esprit fut ramené des cieux pour être relogé brutalement dans mon corps. Est-ce dû à un set tellement bourrin que le groupe réussit à me perdre ? Ou simplement à cause d’une fatigue croissante au cours du festival à cause du manque de sommeil et des différentes substances ingurgitées ? Je ne pourrais apporter de réponse, toujours est-il que je garde un souvenir mitigé de mon premier concert de Sleep, déçu de ne pas avoir su profiter pleinement de cet intense moment venant clôturer trois jours de stoner et doom portés par de fortes doses de décibels.

Ça y est c’est fini. Quoique, pas vraiment fini dans le fond. Partir sans profiter une dernière fois du charme de Camden et de ses boissons hors de prix ? Non, il est temps de prendre sur moi et de lutter encore quelques heures contre la fatigue. Cela me permet de faire un dernier  tour au Black Heart avant de découvrir le Purple Turtle. On reconnaît des visages croisés tout au long du week-end, on discute, on finit les pounds qui nous restent en se ruinant en bières… Car bien que se déroulant en plein cœur d’une métropole, le Desertfest a la particularité d’avoir la même ambiance qu’un festival open air tout ce qu’il y a de plus classique, avec son ambiance, sa bonne humeur, ses pintes et ses bédos roulés et fumés sans le moindre souci à n’importe quel endroit. C’est complètement ivre que je prends pour la dernière fois le chemin vers mon hôtel avant le retour en France et à la réalité le lendemain. On dit que la première fois est la plus marquante, pas de doute, cette première expérience au sein de ce qui fut transformé trois jours durant en la capitale européenne du stoner fut plus que mémorable.

Merci à Claire et à toute l’équipe pour ces trois jours d'extase, ainsi qu’à Jessica Lotti pour ses photos ayant illustré ces trois jours de report !

Lire le report du premier jour.
Lire le report du deuxième jour.