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lundi 18 mai 2015

Acid King

Joey Osbourne

Romain

Drogué alcoolique aimant les amplis qui vomissent des basses bien grasses.

 

A l’occasion de leur nouvel album « Middle of Nowhere, Center of Everywhere » et de leur venue à Paris grâce aux Stoned Gatherings, j’ai eu la possibilité d’interviewer Joey Osbourne, batteur et fondateur de l’un des groupes phares de la scène doom et stoner : Acid King.

 

Ça vous fait quoi après deux Deserfest en tant que tête d’affiche de revenir dans ce genre de salles pour jouer devant moins de 500 personnes ?

Berlin et Londres, les deux étaient géniaux, ils y avaient certains de nos vieux amis. Acid King a démarré en 1993, l’un de nos plus vieux concerts était pour l’ouverture de Sleep, qui jouaient également à Londres, et Hawkwind. Ça nous a ramené en arrière. En fait avant de rejoindre Acid King j’étais dans un groupe de pop et je commençais à me fatiguer de cette musique, et l’une des choses que mon groupe m’a dit juste avant notre première tournée, après laquelle nous nous sommes séparé parce que ça ne fonctionnait pas, était « Avec qui tu voudrais jouer ? » et je leur ai répondu « Ne dites ni Sleep ou Neurosis » et finalement, on a joué pour les deux, on a ouvert pour les deux ! Donc la première fois que j’ai vu Sleep c’était en 1992, ils avaient 18 ans à l'époque, et je n’avais jamais vu un groupe comme ça ! Donc les deux festivals étaient très bons, avec des vieux amis à nous. Tu peux être à l’autre bout du monde mais continuer à sortir avec tes potes. Donc c’était génial. C’était la première fois que nous jouions dans cette salle à Berlin, c’était une bonne soirée. On était aussi vraiment fatigués, avec le décalage horaire et tout ça… Pour le show à Londres à Koko, on n’a pas vraiment fait de soundcheck mais le son était incroyable. Probablement un des meilleurs concerts qu’on ait fait depuis un certain temps. Quand tu participes à de gros événements, la qualité est importante, et le matériel est excellent, ça t’aide à te relaxer un peu, quand tu sais que tout est pris en charge, et que la seule chose sur laquelle tu dois te concentrer est ton jeu. Et le matériel n’allait pas avoir de problèmes ou quoi que ce soit. Donc tout s’est bien passé, les deux concerts ont été des expériences très positives. On devait jouer bien et rien d’autre, et on l’a bien fait.

Bon la prochaine question n’est pas très originale mais je me dois de la poser : pourquoi dix ans d’attente ?

[rires] C’est une bonne question ! Je pense que la réponse générale est la vie. [il cherche ses mots] Tu sais, j’ai rejoint le groupe il y a longtemps parce que Lori et moi avons des valeurs assez similaires : on adore la musique, mais on ne voulait pas forcément qu’elle contrôle nos vies, donc on fait un peu ce qu'on veut quand on veut. On n’a plus l’illusion de devenir des rockstars ou quelque chose comme ça. On le fait parce qu’on aime ça, on adore ça. Tout cela pour dire qu’il y a eu diverses raisons : Lori et moi avons tous deux divorcé, il y a eu des morts dans les familles… J’ai quitté le groupe pendant quelques années pendant mon divorce. Donc il y a eu toutes ces choses qui ont fait qu’on n’a pas pu se focaliser sur la musique. Et ces dernières années on a essayé d’être sérieux, on s’est dit « Sérieusement, on DOIT faire quelque chose après dix ans ». On doit continuer à faire de la musique, mais tu sais ça peut être difficile. Ce fut douloureux mais nous sommes ravis du résultat.

Après dix ans sans nouveautés studios, vous n’êtes pas trop stressés par le fait que les fans vous attentent au tournant ?

Non. En réalité, toutes nos musiques sont assez similaires stylistiquement parlant. On en plaisantait en disant qu’on écrit toujours le même riff depuis 22 ans. Mais je pense qu’on a un peu gagné en maturité. Par rapport à mon jeu de batterie, je me suis vraiment concentré sur le fait d’être un peu plus simple que dans le passé, je pense que c’est ce que j’avais besoin de faire pour que ce soit plus mature, Lori avait d’autres objectifs… Personnellement je pense qu’on est vraiment contents donc on est moins stressés qu’avec l’album précédent. On n’a pas besoin d’impressionner les gens, on fait juste ce qu’on adore faire, et tout ce qu’on peut faire. Ce qui nous inquiète plutôt, c'est qu'on se demande si après dix ans notre musique intéresse toujours quelqu’un. On a été très agréablement surpris par le fait que les gens sont putains de défoncés… Ça réduit le stress plutôt rapidement quand les gens sont si contents de te voir ! Donc non, pas trop stressés. Pour moi, les tournées sont de simples vacances, ça rend le tout encore moins stressant. Ce n’est pas si compliqué d’assurer le set, t’as juste à te détendre et à le faire. Un de mes amis, qui nous a vu de nombreuses fois dans des salles plus petites comme l’Underworld, nous a vus jouer à Koko à Londres et il m’a dit que je n’avais jamais eu l’air aussi détendu. Oui, nous sommes moins stressés.

Vos nouveaux morceaux occupent une grande partie de votre setlist, comment le public a l’air de les accueillir ?

Je pense que quasiment tous ceux qui assistent à un concert, lorsque les chansons leur sont familières, c’est juste une expérience différente, tu les connais, donc tu peux nous rejoindre. Donc c’est définitivement une nouvelle expérience, tout le monde le dit. Je pense que dans l’ensemble le public est vraiment content, donc c’est bien.

J’ai vu dans le booklet que Mark Lamb à la basse, qui enregistre pour la première fois un album studio avec vous, a participé à l’élaboration de certains morceaux. Est-ce que ça a eu un impact sur le son de ce nouvel album ?

Je pense que oui. Mark est un élément incroyable pour le groupe. Il nous a maintenus ensemble. Il a été le rocher dont nous avions besoin avec tout ce qu'on a pu traverser, il a fait ses devoirs pour nous garder debout, il était celui qui nous disait « Allez maintenant on va faire ça, on va jouer CETTE note ». Tu sais c'est lui en fait qui a ramené un enregistreur aux répétitions, c'est lui qui nous a permis de faire partir cet engourdissement qu'on avait dans les jambes.  Il a contribué à beaucoup de riffs sur cet album. Je pense que Lori était très ouverte à ses idées et elle a fait attention à tout ce qui a pu se passer musicalement ces dix dernières années, afin, sans pour autant de se calquer là-dessus, mais s'y adapter, et Mark nous a permis d'avoir de nouvelles idées et on s'est dit « ouais on peut faire ça c'est vrai », donc oui je pense que ça a contribué un peu.

Tu as dit juste avant que selon toi votre son sur ce dernier album est le même que sur ces prédécesseurs, mais beaucoup de personnes, dont moi-même, trouvent le sont plus psychédélique. Du coup ce n’était pas voulu ? Vous avez écrit vos chansons comme avant mais ça sonne différemment ?

Je pense qu’en faisant ça pendant longtemps tu deviens mature, tu deviens meilleur, comme un vin avec le temps. Premièrement cet album était vraiment plus difficile ; il y avait des choses qu’on avait envie de faire sur cet album, plus de grosses choses, et c'est là que Lori a ajouté une nouveauté, ça n'a pas été, c'était douloureux d'avoir à naviguer avec ça, mais le tempo devait devenir plus consistant, tu sais au fil des années, Lori et moi on avait cette espèce de connexion mentale et on a développé une sorte de mauvaise habitude avec le tempo, tu vois on jouait lentement et d'un coup on ralentissait encore un coup et ça marchait bien, et ça n'a pas été simple de nous sortir de cette habitude. Donc cet album a beaucoup plus de pêche, on s'est vraiment concentré sur la maturation de notre son, comme par exemple moi essayant de ne pas être trop jazzy, mais je resterais toujours trop jazzy et je me dis « moins moins moins » et elle m'a dit comment jouer ce nouveau style à la batterie. On s’est aussi plus concentré sur la production. On a commencé à enregistrer avec Toshi Kasai[producteur entre autres des Melvins], on s'est dit qu'il fallait essayer, même si on n’était pas vraiment chaud pour ça, le premier studio où on a été ne correspondait pas vraiment à ce qu'on attendait. On avait prévu d'enregistrer cet album en deux sessions. On adore Toshi, on n’a aucun problème avec lui, mais je pense que Lori avait besoin de travailler de nouveau avec Billy Anderson [Karma To Burn, Colour Haze, Brant Bjork…], donc on l’a fait, et par conséquent on a voulu se servir de Billy pour ce à quoi il est doué et donc se concentrer un peu plus sur la production. Lori est une productrice, et une graphiste, je pense qu’elle a laissé ses idées évoluer et les a plutôt bien appliquées à la musique pour se rapprocher de sa vision de l’album et également de l'artwork.

Quelle était votre principale influence lors de la composition de l’album ? Je sais que c’est cliché de dire que les drogues aident beaucoup dans ce genre musical.

Nan, on n’est pas des drogués ! On était de gros fêtards lorsqu'on était plus jeune mais Lori prend moins d’acide qu’avant. On n’est pas des drogués du tout ! Tu sais ça fait plus partie de l'esthétique, de l'image. Je ne pense pas que ce soient les drogues, je ne sais pas ce qui nous a influencé le plus, rien ne me vient à l’esprit… Evidemment Ricky Kasso[dont le groupe tire son nom], les motos, rider, l’espace, et aussi des choses liées à la mort. Donc il n’y a pas eu vraiment de nouvelles influences, on a juste continué comme on a fait jusqu’à maintenant. Il y a peut-être eu un élément un plus : Lori est une énorme fan de David Bowie, depuis un bon moment, donc je pense qu’elle voulait que cet album sonne un peu plus lunatique, incorporer d’autres techniques d’enregistrement pour que la qualité du son soit meilleure…

Donc les drogues ne vous ont pas influencées, même au début du groupe ?

Oh mon Dieu ! Si tu regardes le back du tout premier EP, c’est une photo très floue. C’est un « Sugar Cube » [jargon qui désigne un morceau de sucre imbibé de LSD], c’est comme une goutte d’acide. Evidemment tu vois « Sex & Drugs & Rock N’ Roll », oui ça nous a influencé, mais on ne consomme pas de drogue pour avoir des idées. Mais on a grandi avec cette culture. Je ne connais pas de groupes à succès qui se la coulent douce. Ils se cassent vraiment le cul, ce sont des heures et des heures et des heures d’entraînement. Avec Acid King on se donne beaucoup de mal, on est très réguliers dans nos répèts et on travaille vraiment longuement nos morceaux. On n’a jamais été un groupe qui enregistre rapidement. C’est pas du punk rock. On n’est pas vraiment pressés. Ça ne sert à rien d’être pressé. Si tu te précipites pour essayer de produire quelque chose, ça ruine la musique.

J’ai lu dans une vieille interview que vous aviez tous des jobs à côté du groupe pour pouvoir vivre, est-ce toujours d’actualité ?

Absolument, on n’a pas l’illusion de devenir des rock stars. Et je ne sais pas si on en a envie, je ne sais pas si on voudrait vivre de notre musique, ça pourrait en retirer tout le charme. A notre époque il est vraiment difficile de vivre de la musique.

C’est surprenant parce que, je ne sais pas si vous en avez conscience, mais vous quand même une des figures emblématiques du stoner et du doom.

Ce qui est ironique c’est que quand on a commencé il n’y avait pas ce style appelé « stoner », c’était juste de la « heavy music ». Il y a quelques groupes qui en font. On continue à le faire.  Pour moi le terme « stoner rock » vient plus du public que des groupes. Pour moi c’est juste un nom différent pour « rock n’ roll » et « hard rock ».

Tu mentionnais déjà David Bowie pour Lori, mais pour le reste du groupe ce sont quoi vos plus grosses influences ?

Des groupes un peu similaires : Sleep, Hawkwind... Sans oublier les Melvins. [il se tourne vers Mark Lamb qui vient d’entrer dans la pièce] Mark, tu penses qu’il y a eu quels autres groupes qui ont influencé notre son ?
Mark : Personne n’est meilleur que moi. [rires]
Joey : Voilà. Et puis les groupes que tout le monde aime. On a grandi dans les années ’70, donc tous ces groupes comme AC/DC, Deep PurpleLori est un peu plus âgée que moi, elle a été voir tous ces groupes classiques que je viens de lister sur scène. Je suis allé voir Kiss en live une fois, il y avait ce groupe qui s’appelait AC/DC qui ouvrait pour eux, c’était avec Bon Scott, quelques années avant que Highway To Hell sorte. Ils ont eu une énorme influence sur moi, je n’avais jamais vu quelque chose comme ça. Musicalement, pas scéniquement. Tout était si bien exécuté. Après les avoir vus je me suis dit « C’est ça, c’est le chemin que je veux prendre ». Lori est également une grande fan de Mark Lanegan. Oh, et je sais que les Cherubs ont sorti un nouvel album, ils avaient rien sorti depuis quatorze ans si je dis pas de bêtises. J’étais un énooorme fan des Cherubs, je les adore ! Je dirais que les Cherubs, comme d’autres groupes des années ’90 après les Melvins ou Jesus Lizard, qui nous a aussi influencé, ont eu une influence assez forte influence sur ce qu’Acid King fait, par rapport à mon jeu de batterie. Tous ces groupes ont apporté différentes choses au groupe. Evidemment la vision de Lori est centrale, ce sont ses idées, on essaye juste de l’aider à rendre ce son meilleur.

Je te laisse le mot de la fin ?

Je suis très heureux que des gens continuent à nous écouter et à nous apprécier, nous en sommes très reconnaissants. Ça a été un long boulot, je ne sais pas si ça méritait de prendre dix ans, mais bon dix ans d’attente mais ça y est on est de retour ! On continue de se battre ! Ride on !

 

Propos recueillis à Paris le 28 avril 2015.