Live reports Retour
dimanche 4 février 2024

Suffocation + Entreprise Earth + Sanguisugabogg + Organectomy @ Toulouse

Le Rex - Toulouse

Sleap

Live reporter et chroniqueur occasionnel dans divers genres (principalement extrême).

Cela faisait une éternité que je n’étais pas revenu à Toulouse. Et c’est d’ailleurs la première fois que je mets les pieds au Rex, un lieu pourtant renommé de la vie metal toulousaine. Et dire que cet endroit me plait déjà serait un doux euphémisme. Comme on va le voir, c’est un sans-faute tant au niveau du son que de la configuration de la salle ou encore de la jauge de public. Le show de ce soir affiche d’ailleurs sold out !

 

Organectomy

En 2024, les noms de groupes en –ectomy font office de reliques poussiéreuses. Symboles d’une scène brutal death et slam death aujourd’hui totalement disparue. Pour ma part, cet âge d’or du style correspond à ma période collège / lycée. Une époque où je pouvais me farcir des centaines de ces groupes totalement interchangeables sans aucune forme de lassitude. Mais depuis ces temps immémoriaux (fin des années 2000), de l’eau a coulé sous les ponts…

© Leonor Ananke (Hard Force)

C’est donc avec une certaine nostalgie que je découvre la musique d’Organectomy en live. En effet, même si les Australiens sont arrivés après la guerre, ils pratiquent néanmoins un slam death des plus typiques. Un enchainement de slam parts toutes plus grasses les unes que les autres, avec son lot de surenchère en ralentissements. Même si ça tourne vite en rond, je me surprends à plutôt apprécier le concert. Il faut dire que le son est excellent pour une salle indépendante de ce calibre. Mis à part les subs dont abuse un peu trop le groupe, le rendu sonore est impeccable. Les musiciens se donnent à fond et en particulier le vocaliste et fondateur du groupe Tyler Jordan. Le frontman ne cesse de se mouvoir sur toute la largeur de la scène à grands renforts de gestes des bras et de regards révulsés. Et l’audience le rend bien puisque les premiers rangs se transforment rapidement en véritable fosse aux lions. Mention spéciale au titre « Concrete » qui déclenche un sacré bordel dans le public. Même si le slam ne me parle plus autant qu’avant en studio, ce concert d’Organectomy passe finalement très bien. Un sympathique retour dans le temps !

 

Sanguisugabogg

Aux cotés de 200 Stab Wounds, Snuffed on Sight, Frozen Soul, Undeath ou même Gatecreeper, Sanguisugabogg fait partie de cette récente vague de groupes américains qui pratiquent un « death metal pour hardcore kids ». Et pour cause, la plupart de ces groupes sont en partie constitués de hardcore kids ! Qu’ils soient orientés Bolt Thrower, Entombed, scène death new-yorkaise ou californienne, ils ont tous pour point commun d’aller à l’essentiel : se réclamer d’un héritage spécifique et pousser les potards à fond pour un maximum d’efficacité. Pour ma part, j’ai longtemps déploré cette « invasion » de la scène par ces jeunes formations (souvent signées chez Maggot Stomp) qui, à mon sens, ne se contentaient que d’effleurer la surface des différentes scènes death metal. Mais avec le temps, je dois admettre qu’il s’agit en réalité de groupes simplement taillés pour le live. Et leur popularité dans le milieu hardcore participe finalement à redonner une vraie vitalité à la scène death metal actuelle. Du sang neuf en somme ! Mais revenons à Sanguisugabogg. Le quatuor de Columbus s’était fait remarquer en 2019 avec une première demo qui transpirait le Mortician par tous les pores. Et celle-ci avait fait si grand bruit que ce n’est rien de moins que Century Media qui leur proposa un contrat de plusieurs albums ! Ainsi, après un second disque paru en 2023, Sanguisugabogg entame donc sa première tournée européenne en ouverture des patrons du genre. Le rêve américain, dites-vous ?

© Leonor Ananke (Hard Force)

En tout cas c’est la première rencontre live avec le groupe pour beaucoup d’entre nous. Et, comme je m’y attendais, c’est un véritable strike ! Dès l’ouverture, la fosse entre en effervescence. Les karate kids se mêlent aux grosses marmules pour une mêlée dantesque de près de quarante minutes. Sur scène, c’est évidemment le frontman Devin Swank qui accapare toute l’attention. Que ce soit sa façon d’arpenter la scène de long en large, ses yeux bovins ou ses bras de la taille de mes cuisses, le gaillard a vraiment l’air d’un taureau en cage. On note en revanche une vraie satisfaction sur le visage des quatre ‘ricains à la vue du public. Ils n’hésitent d’ailleurs pas entre deux morceaux à nous dire combien ils apprécient la France, et le t-shirt Kickback du gratteux de droite ne fait que le confirmer. Celui-ci est d’ailleurs branché sur deux amplis différents car il n’y a pas de bassiste. Mais le son conserve heureusement toute son épaisseur. Le chaos s’achève sur le désormais tube « Dead as Shit » issu du premier album. Même si je ne comprends toujours pas l’engouement pour ce titre assez pauvre et ultra pataud, la réaction du public est au contraire très enthousiaste. J’en ai donc la confirmation : malgré tout ce que l’on peut penser de Sanguisugabogg, leurs prestations live restent un sacré moment de singerie !

 

Enterprise Earth

Place maintenant à la curiosité de la soirée, pour ne pas dire l’anomalie. En effet, malgré leur position assez haute sur l’affiche, Enterprise Earth ne semblent pas connu des trois quarts du public, moi compris. Et en découvrant leur musique sur scène, on comprend pourquoi. Il s’agit là d’un groupe de deathcore apparemment renommé aux US mais totalement inadéquat pour un plateau comme celui de ce soir. Certes, il y a quelques passages skank beats qui font bouger le public, mais ils restent sporadiques au milieu de cette myriade de breakdowns sous-accordés. Le tout agrémenté de vocaux tantôt screams tantôt cleans pour un rendu moderne assez indigeste, du moins en ce qui me concerne. Je concède en revanche que le frontman sait tenir une scène comme il se doit. Son attitude et ses nombreuses interactions avec le public ont l’air de faire mouche. Il parvient sans trop d’efforts à générer des réactions et même à déclencher un wall of death. Bref, même si musicalement ce n’est absolument pas ma came, le quatuor américain parvient à capter une partie de l’auditoire du jour, ce qui n’était pas une mince affaire !

© Leonor Ananke (Hard Force)
 

Suffocation

Que dire qui n’ait pas déjà été dit à propos du titan Suffocation ? Les papas du brutal death sont revenus en force il y a quelques mois avec un nouvel album qui a mis tout le monde d’accord. Après un …Of the Dark Light qui en avait déçu plus d’un, ce Hymns from the Apocrypha est un vrai retour aux sources. Et là où je suis d’ordinaire plus enclin aux setlists old school, je suis aujourd’hui ravi d’entendre de nombreux extraits de ce dernier effort, pour la plupart issus de la face A. Il faut dire qu’après quasiment une dizaine de shows de Suffocation, on finit par apprécier la diversité. Et justement, nous avons même droit à un titre de Blood Oath, un disque assez mineur mais qu’il est sympathique de ressortir de temps à autres. Au-delà de ça, une bonne partie des « tubes » sont évidemment présents, à commencer par les titres éponymes des trois premiers albums du groupe. Mais le grand moment du set est assurément le classique « Liege of Inveracity » durant lequel Devin de Sanguisugabogg vient compléter les vocaux de Myers sur la cultissime slam part. Tous les jeunes musiciens du groupe sont d’ailleurs sur le coté de la scène pour admirer leurs ainés, et Devin s’offre même un passage dans le pit lors du rappel sur « Bind Torture Kill ».

© Leonor Ananke (Hard Force)

Malgré des crash barriers, la salle est assez basse de plafond et la scène de petite taille, ce qui permet à pas mal de monde de slammer et stage diver à plusieurs reprises. Le concert étant sold out, la fosse est archi blindée pour la venue de la tête d’affiche. On a donc droit à un pit bien compact avec de vrais mouvements de foule et pas simplement un trou béant avec trois karate kids. Et sur scène, les cinq New-Yorkais se démènent presque autant. Le colosse Rick Myers est parfaitement rentré dans les chaussures de son illustre prédécesseur Frank Mullen, tant vocalement que scéniquement. Mais ma mention spéciale ira au batteur Eric Morotti qui, en plus de son jeu et de son sourire jusqu’aux oreilles, arbore un magnifique débardeur Lana Del Rey. Malgré une raisonnable durée d’une heure quinze, le show me parait une nouvelle fois bien trop court. Mais cela est plutôt à mettre sur mon attitude de fanboy que sur le compte du groupe. Une bonne partie des auditeurs semblent d’ailleurs épuisés après cette bouillante soirée. Les gars de Suffocation nous ont encore une fois offert un set impérial, et leur proximité avec les fans à la sortie du concert les rend encore plus estimables.

© Leonor Ananke (Hard Force)

***

Le show de ce soir était la recette parfaite pour transformer un morne dimanche d’hiver en une brûlante et passionnante soirée. Quatre groupes qui se sont donnés à fond sur scène et un public chaud-bouillant du début à la fin (on aimerait voir plus souvent des fosses pareilles à celle de ce soir). Le tout à guichet fermé dans l’une des meilleures salles toulousaines. Oui c’était ma première fois au Rex, mais la qualité du son et la configuration du lieu m’ont totalement convaincu. Un grand bravo à Noiser et Garmonbozia pour cette date aux petits oignons !

Merci à Leonor Ananke et Hard Force pour les photos