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Heavy New Year : l'année 2023 en 10 albums de heavy

dimanche 17 décembre 2023
Malice

L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.

Voilà un petit temps qu'un constat traversait occasionnellement la rédaction de Horns Up : on ne parle pas assez de heavy metal. Pourtant, les fans d'old school ne manquent pas dans l'équipe. Nos partenariats avec le Courts of Chaos et le Pyrenean Warriors nous permettent à intervalles réguliers de clamer notre amour, mais en dehors de ça, il faut avouer que HU couvre peu le père des styles. Et alors que la Bagarre, la Série Noire et la Rubrique Nécrologique ont fait leur nid, aucune n'était consacrée au heavy metal.

Fort de ce constat, j'ai pris la liberté de me lancer. Sans prétendre à l'exhaustivité ni être le plus grand fanatique de heavy de la rédaction, j'ai, en 2023, cumulé un nombre d'albums écoutés d'autant plus frustrant qu'aucun n'a fait l'objet d'une chronique ou presque (et en tout cas aucune de ma part). Cet article va donc couvrir cette année 2023 en 10 albums phares... à mes oreilles. Excellents, marquants, importants, peut-être décevants mais méritant d'être mentionnés : aucune "règle" n'est fixée. Cela vaut aussi pour le style précis : de la NWOBHM au heavy épique, en passant par le thrash le plus mélodique et le power, j'engloberai dans "heavy metal" tous ses satellites. Par souci de facilité, aussi, dans le futur, car cette boîte à Malice a vocation à devenir régulière (et à impliquer mes camarades qui le souhaiteraient)... Mais assez parlé : place aux 10 albums heavy de 2023 !

 

Cirith Ungol - Dark Parade
Heavy Metal - USA (Metal Blade)

À tout seigneur tout honneur. Plutôt que de commencer par "mon" album de l'année, commençons par parler de ce qui restera peut-être comme l'album le plus significatif de 2023 pour le genre. Et pour cause : c'est officiel, Dark Parade sera le dernier album des gigantesques Cirith Ungol. On pourrait vivre avec cette idée, si le groupe n'avait pas également annoncé sa retraite pure et simple : 2024 sera la dernière opportunité pour vous et moi de voir Cirith Ungol en live, et croyez bien que je ne compte pas la laisser passer tant leur concert (retransmis en live) au Keep It True cette année m'a mis SUR. LE. CUL.

Et sans surprise, Dark Parade est un point final tout ce qu'il y a de plus honorable. Bien sûr, il n'y a plus l'effet de surprise de la reformation qui accompagnait Forever Black, qui reste de toute façon un cran au-dessus. Mais qu'après 50 (!) ans de carrière, Cirith Ungol puisse encore offrir une tuerie comme "Velocity (S.E.P.)", qui ouvre l'album avec une hargne quasi-inédite, c'est juste sidérant. La voix de Tim Baker est intacte, et bien des titres de Dark Parade s'intégreront dans la setlist de classiques à venir sans ciller ("Sailor on the Seas of Madness" et son côté "Chaos Rising", le tube "Relentless"). Une usine à riffs, comme durant toute une carrière qui fera partie des rares ne souffrant d'aucun défaut.

 

Sacred Outcry - Towers Of Gold
Power épique - Grèce (No Remorse Records)

Mon album de l'année, le voici, et il n'y a aucune contestation possible. En 2020, George Apalodimas sortait enfin le premier album de Sacred Outcry, plus de 20 ans après la naissance officielle du groupe. Damned For All Time faisait partie de ces désormais quasi-innombrables pépites heavy/power venues de Grèce : depuis l'Anabase de Xénophon, on aime l'épique chez les Hellènes.

Mais le palier passé sur ce deuxième opus Towers Of Gold est très, très impressionnant. Bien aidé par un changement de vocaliste, car ce n'est nul autre que Daniel Heiman (Lost Horizon) qui tient le micro ici, pour un résultat bien plus épique et "over the top" que sous Yannis Papadopoulos (Beast in Black). Mais Apalodimas a lui-même chargé la mule côté orchestrations épiques, passant du heavy parfois plus thrashisant de l'album précédent à une fresque symphonique qui rappelle Blind Guardian... ou Lost Horizon. Heiman est LE héros du voyage raconté sur Towers Of Gold : si les envolées d'A Flame to a Ground Beneath vous ont manqué, préparez-vous à frissonner sur le refrain de "The Voyage" ou sur le mid-tempo fantastique "Sweet Wine of Betrayal". La composition n'est pas en reste, et frappe surtout par une fluidité dans les enchaînements qui vous happe de l'intro à l'outro (c'est assez rare). La performance de Heiman est peut-être la meilleure de sa carrière, mais Apalodimas offre l'un ou l'autre riff ou solo de bravoure aussi, et s'accompagne d'un certain Jeff Black (Gatekeeper, on en reparlera...) à la 12-cordes sur deux titres. Rien n'est laissé au hasard, c'est un sans faute total : 10/10, tout simplement...

Nightwölf - Cult Of The Wolf
Heavy/Speed Metal - Brésil (Killagain Records)

On redescend d'une poignée de neurones pour cet album suivant, direction le Brésil (non, ça n'est certainement pas un hasard). Le premier album de Nightwölf n'invente clairement rien et aurait pu se retrouver sur la pile des nombreux "oubliables" qui paraissent semaine après semaine sur YouTube et même sur des labels très recommandables comme Cruz Del Sur ou No Remorse. Mais de temps en temps, l'un d'eux a ce petit truc en plus et c'est le cas de Nightwölf

Un chanteur juste assez talentueux pour être convaincant et juste trop peu pour en faire trop ; un vrai talent pour le refrain efficace ("Kill the Light" mais surtout le très Primal Fear-esque "Reign in Metal"). L'éponyme mid-tempo est franchement impressionnant, surtout sur le plan vocal, et Nightwölf parvient à ne pas perdre notre attention au fil d'un album aux allures plutôt heavy-speed. "Under the Sky" sonne même presque comme un hommage à Tim "Ripper" Owens et son éphémère Beyond Creation (le riff est à peu près celui de "Scream Machine"...). Un album "steak-frites", efficace et satisfaisant.

 

Blood Star - First Sighting
Heavy Metal - USA (Shadow Kingdom Records)

Vous allez finir par comprendre que Horns Up a apprécié le premier album de Blood Star. Entre la chronique dithyrambique de Dolorès et le fait que First Sighting ait lancé notre calendrier de l'Avent des albums de 2023, les signaux étaient clairs, et j'en rajoute une couche.

Pas la peine de répéter ce qui a déjà été dit par mes collègues, et mieux. First Sighting est une pépite, un enchaînement de tubes tout en classe et en sobriété. Pas de heavy lourd à la Smoulder mais bien une vibe très "sing along et poing levé" (ce "Fearless Priestess" imparable), avec l'intelligence de varier le propos par moments comme quand les voix de la classieuse Madeline Smith et de son guitariste se mélangent sur "The Outsiders", mon titre préféré. Pour les amateurs de Tanith, High Spirits ou encore Sanhedrin : restez bien attentifs, car ce First Sighting ne sera pas le dernier.

 

Gatekeeper - From Western Shores
Heavy/Prog épique - USA (Cruz Del Sur)

Le premier album de Gatekeeper, paru en 2018 déjà, m'était un peu passé à côté. Et je dois dire que From Western Shores a mis un peu de temps à "grandir en moi", comme le disent les poètes (et les connards qui font des anglicismes, je sais). Mais le groupe de Jeff Black (à l'œuvre sur le Sacred Outcry susmentionné, donc) a véritablement offert un joyau avec cet album. Embrassant totalement le côté épique et très premier degré d'un Eternal Champion (ces petits hurlements qui lancent "From Western Shores"), Gatekeeper prend un parti bien plus progressif. Des parties de guitare cinq étoiles, un vocaliste qui grandit au fil de l'album et gère plutôt bien ses limites : tout est finement ciselé (la pièce centrale "Exiled King", le plus dynamique et très Visigoth-esque "Twisted Towers").

Tout n'est pas parfait : la voix de Tyler Anderson reste quand même le petit point faible de l'album, c'est perceptible sur un "Nomads" au refrain un peu pénible. Mais contrairement à tant d'albums de cette "NWOTHM" (New Wave of Traditional Heavy Metal), ça ne gâche pas l'écoute, qui est un régal quasi de bout en bout. Et selon les membres de la rédac' présents au Hellfest, Gatekeeper a donné l'un des concerts du festival cette année, ce qui est un sacré plus.

 

Valentino Francavilla - Midnight Dreams
Guitar Hero mais pas que - Italie (Indépendant)

Valentino qui ?! Alors, soyons clairs, le combo nom + pochette pourrait en rebuter plus d'un. Il s'agit bien de l'album solo d'un guitar hero inconnu au bataillon, dont la pochette renvoie à ce que les 80ies ont fait de plus kitsch (et plutôt du côté raté du kitsch). Surprise : Midnight Dreams est pourtant l'un des bonbons de mon année 2023. Valentino Francavilla fait tout sur cet album, et dès "Fireland", c'est... sa voix qui me scotche. Un côté Timo Kotipelto (Stratovarius) des grandes années, en bien meilleur dans les notes hautes (l'intro de "Midnight Wolf"). Même quand il s'aventure dans une ballade un peu mielleuse à la Dokken ("Healing My Wounds"), Francavilla sonne totalement vrai - et juste.

Mais Midnight Dreams est aussi et surtout l'album d'un guitariste. Et Valentino Francavilla shredde comme un zinzin (le solo de "Midnight Wolf" est à s'en décrocher la mâchoire), tout en laissant respirer les morceaux, aux sonorités parfois très modernes d'un Striker ("Witches Tree"). C'est simple : chaque morceau est un tube, efficace, enthousiaste, entêtant ("Welcome to Hell" !). Francavilla a un "vrai" groupe, White Skull, mais on a presque envie de lui conseiller de trouver un nom plus accrocheur à son projet solo et de lui donner une mouture live. Car si Midnight Dreams était sorti sur un label en vue avec la promotion qu'il mérite, ce serait l'un des albums heavy/power de l'année pour beaucoup. Incroyable !

 

The Night Eternal - Fatale
Heavy Metal occulte - Allemagne (Vàn Records)

Gros changement d'ambiance encore avec The Night Eternal. Pour ceux qui sont passés à côté, on est ici en plein heavy occulte tel que le pratiquent avec bonheur les Unto Others (ex-Idle Hands), Spell ou encore les regrettés In Solitude. Après un Moonlit Cross qui avait déjà séduit son monde, Fatale vient enfoncer le clou. Et de quelle manière. Sans rien inventer, The Night Eternal s'impose peut-être comme le meilleur groupe dans son genre avec Spell, ajoutant une certaine hargne à la Danzig au niveau du chant de Ricardo Baum mais aussi un feeling plutôt NWOBHM ("Ionean Sea").

Impossible de ne pas être sous le charme de ce Fatale qui peut passer des titres plus mélodiques ("Run With the Wolves" et ses lignes de guitare lumineuses) à un morceau que n'aurait pas renié Tribulation, le très sombre "Prometheus Unbound". The Night Eternal sera sur scène en compagnie de Lucifer et Attic (qui a enfin annoncé un nouvel album!) au Petit Bain l'année prochaine. Une date cohérente à souhait et immanquable. On notera aussi qu'avec cet album, celui de Sulphur Aeon et les sorties à venir de Chapel Of Disease et Attic, Vàn Records fait un sacré retour au premier plan, et ça nous fait plaisir tant ce label est dans notre coeur.

 

Sortilège - Apocalypso
Heavy à la française - France (Season Of Mist)

Comme annoncé, cet article se permet aussi de ne pas parler que des "meilleurs" albums de l'année. Mais difficile de passer sous silence la sortie du premier "vrai" album de Sortilège depuis 1986 et Larmes de Héros. L'usage des guillemets est de mise, parce que soyons honnêtes : beaucoup ne considéreront pas Apocalypso comme un vrai successeur. Du line-up d'origine, seul reste Christian "Zouille" Augustin. Passons sur les raisons de ce divorce, suffisamment médiatisé ; l'interview que nous a accordée le Sortilège "new look" en coulisses du Motocultor peut vous aider à vous faire un avis sur l'honnêteté de la démarche. Je me contenterai de dire que, à tort ou à raison, j'ai presque systématiquement considéré que l'âme d'un groupe de heavy metal était derrière le micro. Queensrÿche, Iron Maiden, Judas Priest, Black Sabbath, Iced Earth... les exemples sont nombreux.

Ce n'est pas différent pour Sortilège. La voix de Zouille n'est pas intacte mais elle a toujours ce cachet, cette puissance, avec quelques octaves de moins. Le problème, c'est qu'Apocalypso prend le parti de sonner plus moderne et que le résultat est... Très inégal. "Poséidon" aurait été un morceau plutôt honnête de Larmes de Héros, rien que ça ; mais les titres en duo avec Stéphane Buriez ("Attila", "La parade des centaures") sont franchement gênants. Sortilège se cherche, parfois avec succès ("Derrière les portes de Babylone" est très réussi, "Vampire" convainc en live), parfois avec lourdeur. Mais Apocalypso n'est pas un naufrage du tout, et c'est déjà mieux que ce qu'on pouvait craindre.

 

Wytch Hazel - IV - Sacrament

Heavy chrétien - Angleterre (Bad Omen)

Parmi les nouveaux patrons du heavy, Wytch Hazel représente la mouvance la plus lumineuse, entre hard rock et rock des 70s teinté de folk et de prog'. Un digne héritier d'Ashbury... mais aussi de Stryper, car Wytch Hazel est profondément chrétien premier degré. Un gimmick qui pourrait vite lasser, mais la qualité de composition est telle que ce IV - Sacrament était très attendu. III-Pentcost était en effet clairement l'un de nos albums de 2020 et un monument du heavy "new look".

La recette ne varie pas : la Sorcyère Noisette alterne superbement entre des titres majestueux et mid-tempo, un peu clichés mais toujours terriblement classieux ("Angel of Light" dont on a l'impression d'avoir entendu le texte 6 fois en 4 albums), et des tubes plus up-tempo ("Time & Doubt"). Problème : si le tout est (très) bien fait, ça ne décolle plus vraiment, et la routine s'installe. Bien sûr, Wytch Hazel dépasse la concurrence de la tête et des épaules, et des titres comme "Endless Battle", "Time & Doubt" ou "A Thousand Years" sont imparables. Mais il va falloir renouveler le propos un jour ou l'autre, sans quoi, la messe sera dite un peu vite. 

Kerrigan - Bloodmoon 

Heavy Metal - Allemagne (High Roller Records)

Pour conclure cette sélection, un debut album de plus, ce qui en porte le total à trois avec Nightwölf et Blood Star. De quoi laisser augurer de belles choses pour l'avenir et secouer un peu le pessimisme concernant l'état de la scène heavy. Kerrigan fera certainement partie des porte-étendards du genre si ce Bloodmoon très enthousiasmant n'est pas un feu de paille.

Entre énergie quasi-juvénile, heavy riffu à l'Américaine et vrai talent à la fois pour les refrains efficaces ("Hold the Banner", "Bloodmoon") et les titres plus épiques (le superbe "Against the Westwind") qui varient parfaitement le tempo des 41 minutes de l'album, Kerrigan fait un véritable sans faute. Le tout en sonnant très moderne, avec un mix d'une clarté folle qui fait la part belle aux lignes de basse de Bruno Schotten. Ceux qui attendent encore une suite au fantastique premier album de Walpyrgus (2017, déjà !) peuvent se jeter sur Bloodmoon : les Allemands ont un style plus "scolaire" et NWOBHM, mais une vibe commune traverse les deux groupes. On a hâte de voir ça sur scène, notamment au Keep It True Rising en octobre prochain. Nul doute que les festivals hexagonaux ont un oeil sur Kerrigan...

 

Mentions honorables : 

Résumer une année en 10 albums était un défi, et un paquet de sorties auraient mérité d'être mises en avant, peut-être même plus que les au final peu mémorables (à mes oreilles) Sortilège ou Wytch Hazel. C'est le jeu, mais après tout, rien ne m'empêche de tricher : voici donc une poignée de mentions honorables tout aussi dignes de votre intérêt. 

K.K.'s Priest - The Sinner Rides Again : À ma grande surprise, le second album du projet de K.K. Downing avec "Ripper" Owens au chant est tout à fait recommandable. Les titres sont toujours lourdingues ("One More Shot at Glory", pitié...) et l'ennui pointe le bout de son nez passé la moitié de l'album, mais K.K. est toujours un gigantesque guitariste, et Owens est en voix. Très correct ! 

Helms Deep - Treacherous Way : Le plus proche du top 10 parmi les mentions honorables. Le nouveau groupe de John Gallagher (Raven) et de son batteur Mike Heller (Raven, mais aussi Fear Factory !) balance un premier album dans le plus pur style NWOBHM, une succession de tubes avec un chant parfois à la limite, mais sans la franchir. 

Bergfried - Romantik II : La suite de l'OVNI de l'année 2022 va encore plus loin dans le côté pop-AOR, porté par la splendide voix d'Anna de Savoy. Le titre "The Ordeal" vaut l'écoute à lui seul tant c'est l'un des tubes de l'année. Sarah Kitteringham, chanteuse de Smoulder, pose elle aussi sa voix sur l'EP, avec une réussite plus discutable cependant.

Savage Oath - Savage OathDifficile de dire grand chose sur un EP 2 titres, mais impossible de passer sous silence Savage Oath. À la guitare, un membre de Visigoth ; au chant, Brendan Radigan, pilier... de la scène hardcore de Boston mais surtout vocaliste sur le sensationnel Dreamkiller de Sumerlands. La composition, dans une veine à la Eternal Champion, est rageuse et épique, même si un peu en roue libre quand même (Radigan a déjà été plus inspiré). Le potentiel est là, cependant. 

Redemption - I Am The Storm : Une petite mention pour ceux qui comme moi ont complètement zappé que Redemption, groupe pourtant cher à mon coeur, avait sorti un album début 2023. Le second avec Tom Englund (Evergrey) au chant, toujours aussi brillant. Malheureusement, le génial Nick Van Dyk ne retrouve pas forcément le souffle de The Art Of Loss et Snowfall On Judgment's Day, mais un album de prog' tout à fait valable. 

Smoulder - Violent Creed of Vengeance : Allez, on va passer outre les performances live catastrophiques de Sarah Kitteringham (au Keep It True comme au Courts of Chaos) et mentionner le tout de même très agréable second album des Canadiens de Smoulder. Un solide cran en-dessous de l'énorme Times of Obscene Evil & Wild Daring (2019), cela dit...