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vendredi 18 août 2023

SaariHelvetti 2023 : Vendredi 4 Août

Viikinsaari - Tampere, Finlande

Michael

Avocat le jour, rédacteur sur Horns Up la nuit et photographe à mes heures perdues.

Dans l’épisode 3 de la saison 1 de Vivement Doomanche, on vous avait conseillé de cumuler vos vacances avec un festival à l’étranger, l’histoire de pouvoir découvrir des lieux plus exotiques que le Hellfest ou le Motocultor, sans pour autant vous ruiner. Et tel est précisément ce que j’ai décidé de faire en me rendant cet été au SaariHelvetti, petit festival finlandais situé à Tampere.

Pour ceux qui ne connaitraient pas la géographie de la Finlande, Tampere est localisée à environ deux heures de route au nord-ouest d’Helsinki. Cette ville sans intérêt particulier mais à la culture musicale vivace, accueille depuis moins de dix ans un festival assez original, situé sur une petite île appellée Viikinsaari, au beau milieu de la baie de Tampere. Avec des allures de Fall of Summer, le billet pour le festival comprend en effet une navette en bateau pour vous rendre sur celle-ci, usuellement utilisée comme base de loisirs.

Le Saarihelvetti est un « petit » festival, avec une jauge d’environ 2500 festivaliers sur deux jours. Comme chaque année, la programmation oscille entre groupes locaux (à la réputation locale ou internationale), et quelques têtes d’affiche venant de l’étranger. Cette année, les têtes d’affiche étaient Moonspell, Rotting Christ, Decapitated et Harakiri for the Sky, pour ne citer qu'elles. Le festival ne semble pas avoir d’orientation musicale particulière, même si, Finlande oblige, vous aurez droit à votre lot de doom, mélodeath et black.

Côté organisation, le site est particulièrement bien pensé avec une scène principale à l’extrémité de l’île, une scène légèrement plus petite qui lui fait face, et un grand espace de restauration / bar où se situe également une toute petite scène (la Rock'n’Tits) qui accueille des groupes alternatifs, humoristiques ou des shows spéciaux (cette année, ce fut un « show » de la championne de Finlande de twerk…). Tout est clair, propre et aéré pour accueillir les festivaliers.

Côté tarif, car cela peut vous intéresser, le fait que vous soyez dans un pays nordique se fait ressentir. Sans atteindre les prix absurdes de la Norvège, le festival demeure assez cher avec un pass deux jours à 99,50 € ou 188 € en VIP. Le VIP offre le droit de prendre un bateau en avance, de bénéficier d’un espace de restauration et d'un bar réservé, mais également de bénéficier d’un buffet à volonté – vraiment copieux – du matin jusque 17h. Le prix de la nourriture et des consommations est équivalent au Hellfest.

En substance, le festival est très bien organisé. Peu d’attente, beaucoup d’espaces et une volonté de permettre à tout le monde de suivre les concerts sans être agglutiné. Par exemple, de part et d’autres de la main stage, vous retrouvez des bars avec des mange-debout, des tables, des chaises. De quoi regarder les concerts, même de manière passive.

Passif est un terme qui correspond bien à ce que j’ai pu voir pendant la journée de vendredi à laquelle j’ai assisté. Rares ont été les mouvements de foule. Le public finlandais est manifestement un public très connaisseur, qui ne rate pas une occasion d’assister à un concert, mais qui n’a jamais vraiment l’air intéressé par l’idée de mosher. Je n’ai vu quasiment aucun téléphone levé pour filmer de toute cette journée (une excellente chose !) mais je n’ai vu pour autant qu’un maigre circle pit en dix heures de concerts. Un festival d’introvertis !

Les présentations étant faites, venons-en aux concerts.

La première surprise est que chaque concert est annoncée par l’organisateur du festival. Celui-ci monte sur scène, harangue la foule et annonce le prochain groupe qui va monter sur scène. Pas forcément original, mais rudement efficace pour faire monter la pression et renforcer le côté un peu théâtral du tout.

La tâche d’ouvrir le festival fut confiée aux locaux de Suotana, lesquels officient dans un death/black metal très mélodique et épique. On peut difficilement faire plus finlandais : des claviers omniprésents (nappes, davantage que leads), des costumes un peu guerriers et un growl assez guttural. Du bon (« The Ancient », issu de leur dernier album en date, notamment), du moins bon, mais une prestation fort agréable pour lancer cette journée. On regrettera simplement que la violence de certains titres sur album ne se retranscrive pas en live, où les composantes un peu power de leur musique prédominent.

L’oreille a été un peu plus distante pour les deux groupes suivants, à savoir Kaunis Kuolematon (doom mélodique) et Mustan Kuun Lapset (black mélodique). Loin de mes terres de jeu, j’ai tout de même suivi ces prestations car c’est assez amusant de ressentir les liens très forts qui existent au sein de la scène finlandaise. Ce souci permanent de la mélodie pour soutenir une mélancolie largement mise en avant. Quel que soit le genre en cause, on retrouve toujours le soin apporté aux leads de guitares ou aux nappes de clavier pour jouer sur les mêmes registres émotionnels. Et ces deux groupes, bien que très différents musicalement, n’échappent pas à ce constat.

Mais voilà l’heure de la raison de ma venue. Je ne vais pas encore vous bassiner avec mon amour pour Kalmah, que je considère comme étant le meilleur groupe de mélodeath finlandais ; je l’ai déjà bien assez dit dans ma chronique vidéo de leur dernier album sorti en mai dernier.

Le groupe est très rare en Europe continentale et encore plus en France, le groupe n’étant à ma connaissance venu qu’une fois sur nos terres, lors de la promotion de l’album Palo. Donc, forcément, pouvoir voir le groupe est une rareté, et le voir sur leur terre natale est autant plus émouvant.

Avec une setlist assez équilibrée bien que faisant la part belle au dernier album (« Haunted by Guilt », « Tons of Chaos », « Taken Before Given ») – et malheureusement pas mes titres préférés de celui-ci, le groupe a délivré une prestation à son image : simple, honnête, humble, puissante et mélodique. Quelques sourires, quelques mots échangés avec le public et c’est tout. On est dans le non-verbal chez les Finlandais ! Mais c’est pourtant sur la merveilleuse « The Black Waltz » que va se déclencher le seul et unique circle pit de la journée, parce qu’il faut quand même bien se mettre un peu sur la gueule quand il y a des rythmes aussi chaloupés.

Et alors que le temps défile beaucoup trop vite, Kalmah nous offre sur un plateau un final incroyable avec « Heroes to Us » et « Hades ». Cela fait toujours quelque chose de voir se jouer devant nos yeux des musiques que l’on écoute quasi quotidiennement. Cette musique qui semble déshumanisée prend forme et on est un peu submergé par un immense plaisir, une émotion très forte.

Pekka Kokko fait reposer aujourd'hui son chant quasi exclusivement sur des growls très bas au détriment des cris plus gutturaux du début de sa carrière ; cela ne remet toutefois nullement en cause le rendu live des titres plus anciens. Surtout que son frère, à la lead guitare, rend également une copie absolument parfaite. « Heroes to Us » est une gifle incroyable. Bien aidé par un son plutôt bon, le groupe m’aura marché dessus pendant près de 50 minutes. Cela valait amplement le déplacement, même si je n’aurais pas craché sur le double de temps de prestation.

Je n’ai plus qu’à espérer que le groupe fasse une tournée digne de ce nom dans les mois qui viennent et, en toute hypothèse, que le groupe ne mette pas fin à sa carrière !

Après avoir fait l’impasse sur Vorna pour discuter avec la presse locale, je me rends à Rotting Christ. J’ai toujours beaucoup aimé le groupe en live. Je sais pertinemment que j'exagère fortement quand je dis ça, mais pour moi c’est un peu du black metal pour les gens qui n’aiment pas le black metal. Le côté un peu mystique, les mélodies et, surtout, les rythmiques de batterie où le blast et la rapidité ne sont pas l’alpha et l’omega ont nécessairement pour conséquence d’attirer un public potentiellement plus élargi, hors aficionados pur jus du black ; et j’en fais partie.

Là encore, la setlist pioche un peu partout dans la discographie du groupe tout en mettant en avant le dernier opus, The Heretics, sorti en 2019. Le trio d’entrée, « 666 », « Fire, God and Fear » et « Demonon Vrosis » fait rapidement tourner les têtes. Sur scène et comme à l’accoutumée depuis l’arrivée en 2019 de Kostis Foukarakis à la guitare et de Kostas Heliotis à la basse, ça bouge beaucoup, ça headbangue fort et ça pose aussi un peu, on ne va pas se mentir.

La star du line up demeure Sakis Tolis, toujours aussi charismatique. Pas besoin de beaucoup parler au public pour le mener là où il veut ; à savoir au combat, comme sur « Non Serviam » ou « In Yumen-Xibalba » et leurs rythmes martiaux. Porté par un son bien réglé et un jeu de lumière minimaliste, les Grecs nous ont offert probablement la prestation de la journée, même si mon cœur penche toujours pour celle de Kalmah.

Difficile de se lasser de Rotting Christ en live, à la vérité. Sans rien révolutionner, c’est incroyablement propre et efficace. C’est toujours un excellent moment et j’ai hâte de les revoir à l’anniversaire des 25 ans de Garmonbozia à Rennes en novembre.

La transition est un peu rude pour passer aux vétérans de Rotten Sound, pionniers de la scène grindcore finlandaise. Il faut un peu se mouiller la nuque pour la transition entre le black metal de Rotting Christ et les rythmes à 200 bpm de Rotten Sound mais c’est aussi ça la magie du Saarihelvetti. Par contre, faut pas déconner, il est 21h passée, donc plus de moshpit. On regarde calmement la musique la moins calme du monde. Un peu lunaire, mais pourquoi pas ! Quoi qu'il en soit, les années passent mais Keijo Niinimaa ne perd pas de sa superbe. Avec son allure de vieux punk désabusé, il fait les 100 pas sur la scène en s’égosillant. Une prestation remarquée.

Et c’est au terme d’une prestation des Portugais de Moonspell, qui ne m’aura guère emportée mais dont on peut signaler le choix de setlist (titres moins fréquents, volonté de jouer des titres de nombreux albums et setlist différente des dates précédentes et suivantes, d’ailleurs) et un soin particulier apporté aux lights du show, que je me dirige doucement vers la navette maritime du retour.

Naturellement, sauf à ce que vous ayez une passion particulière pour des groupes finlandais, l’opportunité de se rendre dans un tel festival pour un Français est maigre ; mais je le recommande toutefois chaudement. Tant pour son organisation que son cadre très original. C’est un petit festival, certes, mais qui est bien organisé et qui permet de se plonger pleinement dans la culture metal finlandaise. Et ce d’autant plus que le festival est situé à deux pas d’Helsinki, très jolie ville à visiter.

Peut-être votre prochaine destination de vacances musicales ?

Un grand merci au festival et à Markku Makkonen pour le pass presse et sa gentillesse.

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