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mercredi 19 juillet 2023

Outbreak 2023 @ Manchester (Depot Mayfield)

Depot Mayfield - Manchester

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Nouvelle grand-messe du hardcore en Europe, l'Outbreak 2023 a été pour une partie de la team Horns Up l'occasion de visiter une fois de plus Manchester. Quelques milliers de festivaliers en plus par rapport à 2022, dans un nouveau lieu : le Depot Mayfield, plus central que le Bowlers Exhibition Center, un peu plus dans son jus industriel aussi. Sur le papier, un festival de hardcore entre des murs de briques rouges, avec un gros versant rap dans la programmation, c'était un menu de rêve pour nous autres. Dans les faits, c'est effectivement une réussite, mais pas aussi flamboyante que ce qu'elle aurait pu être.

 

Vendredi - Jour 1

Sunami | Koyo | Militarie Gun | Pain of Truth | One Step Closer | Converge |  Bane

 

Sunami
Main stage

Raton : Alors qu'on était devant l'entrée suffisamment tôt pour voir le premier concert, à savoir le chouette thrash crossover de Pest Control, nous sommes retenus trois quarts d'heure dans la file pour les accréditations. La faute à un clair manque de staff (deux personnes) pour gérer les demandes photo, les accreds presse, les besoins PMR et les invitations. Quand on arrive enfin à pénétrer dans le hangar, on est saisi par la foule déjà nombreuse, avec une fosse quasi remplie avant l'arrivée des turbulents Sunami.

Les loustics californiens débarquent avec un gigantesque backdrop Bruce Willis (parce que pourquoi pas) et se lancent dans un des shows les plus débiles du week-end (et on vient tout juste de commencer). Faut dire que c'est leur fond de commerce à Sunami, le metalcore beatdown sur-primitif et conscient de sa propre bêtise. Mais même s'il s'agit d'une blague bien faite, ça n'en reste pas moins une blague et on se demande si elle n'a pas trop duré.

D'autant plus que le son ne leur rend aucune justice avec beaucoup de résonance et une lisibilité très moyenne. Même si ce n'est pas le genre de groupe à souffrir le plus d'un son médiocre, ça avait de quoi faire grincer des dents. Ça n'a pas empêché nos collègues d'outre-Manche de foutre un bazar absolu dans le pit et de faire des roulades avant de bondir depuis la scène. Une entrée en matière copieuse, décevante sur le plan acoustique, mais qui a permis de nous rappeler directement où on était et de quel bois le public britannique se chauffait.


Pas la plus belle photo du week-end mais l'histoire ne doit pas oublier ce formidable backdrop.

Koyo
Main stage

Hugo Koyo est l’un de ces groupes à l’intersection de plusieurs autres, chacun de ses musiciens officiant au sein de formations plus ou moins connues (en vrac TypecasteBlood Runs ColdSeeYouSpaceCowboy…). On le sait, c’est chose courante dans la scène, bien que l’on soit ici davantage du côté de styles périphériques au hardcore. Depuis 2020, Koyo a en effet multiplié les sorties courtes (EPs/singles), et a notamment gagné en popularité avec Drives Out East (sorti en 2021 chez Triple B). Musicalement, on est sur un genre de pop punk inspiré des musiques émotives et teinté de melodic hardcore, tubesque et énergique au possible. Cela se ressent à plusieurs égards et notamment dans le public qui reprend de vive voix les différents refrains (on a là l’un des premiers karaokés du festival, au moins sur les premiers rangs).  

Le show est globalement bien construit et joue de ces différents codes, l’attitude du chanteur étant résolument hardcore, ce qui ne l’empêche pas de demander au public de lever des briquets allumés sur l’un des derniers titres. Les morceaux tirés du futur premier album du groupe (sortie prévue en septembre) passent également bien l’étape du live. Après un dernier shout out aux différents groupes américains qui jouent ce vendredi, Koyo invite le public à monter sur scène dans la bonne humeur, rappelant les shows de Drug Church ou encore Fiddlehead l’année passée.


Crédit photo : Nat Wood @wondergirlphoto

Militarie Gun
Main stage

Pingouin : Au mitan d’une journée marquée par un son assez lamentable sur la main stage, et alors que la catastrophe Fleshwater vibre encore dans mes oreilles, j’ai un peu d’appréhension : est-ce que Militarie Gun bénéficiera d’un son aussi éclaté que les groupes l’ayant précédé cet après-midi ? La réponse est non, et les Califoriens signent le premier super concert de cette première journée : le jour même de la sortie de Life Under the Gun, ç’aurait été vraiment moche qu’il en aille autrement.

Le mix est cette fois-ci très bon et sied parfaitement au hardcore énergique et sans fioritures de Militarie Gun. Ian Shelton conquiert d’emblée son public, avec ses singles les plus récents, que tout le monde connaît déjà plus ou moins par coeur, à commencer par « Very High ». Signe d’une connexion spontanée, la fosse reprend sans cesse son « ough ough ! », gimmick débile mais terriblement efficace. La jolie surprise de la setlist, c’est la présence de « Pressure Cooker, » chanson sortie en 2022 avec Dazy, pour faire plaisir aux amateurs de rock des années 90. Même la frustration de n’avoir pas eu droit à « Dislocate Me » ne me fera pas redescendre de mon petit nuage : j’adore Militarie Gun et j’ai déjà hâte de les revoir en concert.


Crédit photo : Ashlea Bea @ashleabeaphoto

Pain of Truth
Second stage

Raton : Pain of Truth officie dans le même créneau que Sunami, mais depuis l'autre côte des Etats-Unis. Avec un des noms les plus sûrs de la scène Long Island Hardcore (LIHC/LINYHC), les New-Yorkais occupent une belle place dans le line-up alors même qu'ils n'ont sorti qu'un EP et un split (l'album arrive en septembre et on a hâte). Occasion parfaite pour aller du côté de la deuxième scène et se mettre sur la tronche.

Infiniment plus authentique et pertinent que la majorité du beatdown métallique voyou américain actuel, Pain of Truth donne une leçon de violence et d'efficacité. On fait instantanément un autre constat : le son de la deuxième scène est bien plus stable que celui de la grande. Même s'il y a eu des ratés durant le week-end, les déceptions y sont moindres. Là, on est soufflé par des basses bien mises en avant sans qu'elles ne dégoulinent sur le reste. Un mix parfait pour les breaks dans les breaks et les appels à la boucherie de Michael Smith et son chant syncopé, quasi rappé.

Comme si sa tambouille n'était pas assez violente, il invite deux beaux profils avec lui sur scène : Anthony DiDio, chanteur de Vein.fm et Fleshwater, qui se donne un malin plaisir à haranguer la foule, et LE Colin Young (Twitching Tongues, God's Hate...) qui était dans les parages pour une émission spéciale de son podcast Hardlore et visiblement aussi pour mettre un spin kick dans la caboche d'un stage-diver. Deux feats bien nets, bien gras, pour un set excellent qui se conclut par un « go fuck yourselves » de Michael Smith. Ciao les intellos.


Crédit photo : Ashlea Bea @ashleabea

One Step Closer
Main stage

Hugo One Step Closer était notre déception majeure de l’édition 2022 de l’Outbreak. Déception majeure, d’abord, car le groupe s’est imposé comme l’un des projets melodic/emotive hardcore les plus brillants de ces dernières années, avec les excellents From Me to You (2021) puis This Place You Know (2021). À l’époque, le groupe jouait sur la seconde scène, qui pour l’occasion débordait de monde alors que le son n’était clairement pas à la hauteur (une bouillie). Un autre élément était par ailleurs surprenant : le changement de style de chant du frontman, vers quelque chose de beaucoup plus crié, dénaturant à mon sens la plupart des morceaux. 

Rétrospectivement, on comprend que ce changement de style vocal accompagne en réalité un changement plus large dans la musique du groupe, avec la sortie de son dernier EP Songs for the Willow cette année. L’opus est très bon, mais donne presque l’impression qu’on a affaire à un autre groupe que celui qu’on connaissait, avec un line-up toujours aussi talentueux mais qui semble presque changé. Les morceaux sont moins upbeat, assument plus directement des influences post-hardcore.  

Je donne donc une seconde chance au groupe ces différents éléments en tête, et force est de constater que le concert est plus appréciable ainsi. Le son n’est toujours pas génial (terrible de ne pas entendre toutes ces belles mélodies), mais mieux que l’an dernier. Le chant n’a pas changé, continue à mon sens d’altérer les morceaux tirés des premières sorties du groupe, mais fonctionne correctement avec les nouveaux titres. Le dernier EP est d’ailleurs joué dans son intégralité, sans être parfaitement retranscrit pour autant (les backs en chant clair ne sont pas assez présents). En bref, je ne suis toujours pas entièrement convaincu de la prestation live du groupe, bien que certains éléments entâchant la performance ne relèvent pas de sa responsabilité. Il faut néanmoins reconnaître à OSC une très belle énergie, une performance très en place et sans pause, et lorsque « The Reach » vient clore le concert, difficile de ne pas chanter un peu. 


Crédit photo : Anna Swiechowska @callxmexkiller

Converge
Main stage

Raton : Le son ayant été tellement catastrophique sur les 4-5 premiers groupes de la grande scène, on peut vous assurer qu'on tremblait des fesses pour l'arrivée de Converge. Surtout parce que c'est le genre d'un groupe qui nécessite un mix bien net et pour qui un mauvais son retire absolument tout intérêt à la performance. Heureusement, dès les premières notes de « Eagles Become Vultures », le son est lisible tout en restant frontal et massif et les dissonances de la guitare de Kurt Ballou sont perceptibles sans peine. 

Mais la qualité du mix n'est pas la seule chose à pouvoir faire basculer un show de Converge, il y a aussi l'état de Jacob Bannon. Mais ce vendredi, on est en veine et il est d'une forme olympienne. Il a même essayé de prononcer quelques paroles, rendez-vous compte. La fosse saisit l'opportunité et reste bouillante du début à la fin.

Et comble du plaisir, la setlist est exceptionnelle. Contrairement à leur dernière tournée, pas de titre de All We Love We Leave Behind. En revanche, c'est toujours Axe to Fall qui en constitue la part belle. « Dark Horse » est joué dès le début, mais cette fois ce n'est pas l'homérique « Worms Will Feed/Rats Will Feast » qui conclut le concert. Après ce dernier, Jacob annonce qu'ils vont jouer un morceau rare, qu'ils n'ont interprété qu'une petite poignée de fois en 10 ans et qu'ils ne sont même plus sûrs de savoir jouer. Dès les premières notes, le public perd les pédales : c'est « The Saddest Day », de Petitioning the Empty Sky. Morceau absolument culte que le groupe interprète à merveille pendant sept minutes de pur délire. Un formidable concert qui remet l'église au milieu du village : Converge ne sont pas les patrons pour rien.


Crédit photo : Ashlea Bea @ashleabea

Bane
Main stage

Pingouin : C’était le concert que j’attendais le plus ce week-end, et c’est avec une petite émotion que j’ai vu le sobre logo de Bane s’afficher derrière la batterie. Les vétérans du hardcore mélodique sont restés droits dans leurs bottes du début à la fin de quarante minutes de set incroyable.

Naturellement inaugurée par « Some Came Running, » clôturée par « Speechless, » la setlist est composée à 100 % de classiques, que tous les premiers rangs connaissent sur le bout des doigts (« Can We Start Again », « Calling Hours », « Ali vs. Frazier », « My Therapy » et j’en passe). L’émotion atteint son paroxysme sur « Swan Song, » et qu’importe si Aaron Bedard lâche la moitié de ses lignes, son public les connaît presque mieux que lui. Seule « As the World Turns » manquait à l’appel, mais je ne m’en formalise pas parce que si on en croit le chanteur, qu’a priori j’ai bien entendu à travers les larmes et les larsens, le groupe devrait continuer à faire des concerts plus régulièrement, inutile donc de feindre un retour en fanfare tous les quatre matins.

Notons que les rangs étaient bien clairsemés ce vendredi soir pour l’une des têtes d’affiche du festival, et au sortir de cette première journée de festival, on n’a pas eu à trop jouer des coudes. La cred de Bane n’est visiblement plus la même en 2023 qu’elle ne l’était en 2006, mais qu’importe : si vous avez pris le temps de two-step sur « Count me Out », vous connaissez la vérité : « Because I will be here tomorrow and I will be here next year / Just like this X on the back of my hand, I'm not going nowhere. » Merci Bane et à la prochaine fois j’espère.


Crédit photo : Anna Swiechowska @callxmexkiller

Samedi - Jour 2

Narrow Head | Speedway | Fury | Armand Hammer | Mike | Soul Glo | Jesus Piece | Code Orange | Death Grips 

Narrow Head
Main stage

Pingouin : Déjà présents en 2022, j’avais choisi de rester dans le confort cotonneux de mon ignorance et de zapper le passage de Narrow Head. Il s’avère qu’on apprend de ses erreurs, et que je n’ai pas commis le même impair en 2023. Les Texans bénéficient, en ce samedi après-midi, d’un son main stage meilleur que la veille, et nous ont offert un show plein d’énergie et d’émotion, à la fois lourd et planant.

L’argument majeur du groupe en live reste son chanteur, et le t-shirt de Jacob Duarte se retrouve très vite imbibé de sueur. Les jambes plantées dans le sol lorsqu’il chante et joue à la fois, feu follet traversant la scène lorsqu’il pose la guitare pour ne garder que le micro, Duarte a une présence scénique incroyable et j’ai gardé les yeux rivés sur lui pendant tout le concert.

Leur troisième et dernier album a eu du succès, et Narrow Head le sait : quatre des six morceaux en sont issus (« The Real », « Moments of Clarity », « Sunday », « Gearhead »). Peut-être un petit regret pour les fans des débuts du groupe, mais l’un dans l’autre tout le monde est gagnant : Narrow Head continue la promo de Moments of Clarity, et son public profite toujours d’une énergie folle en concert.

Crédit photo : Anna Swiechowska @callxmexkiller

Speedway
Second stage

Raton : Dans notre article pré-Outbreak, je vous conseillais ardemment de vous rendre devant Speedway. Dans une édition où les découvertes étaient assez limitées, être devant la deuxième scène le samedi à 14h était impératif. Malheureusement à notre arrivée, rebelote avec le son médiocre. Bilan des courses : même devant la scène, difficile de distinguer les deux guitares. Un comble pour du hardcore blindé de riffs mélodiques.

Même si le son s'améliore en cours de route, ça reste brouillon. On entend tout de même mieux les dynamiques et les progressions pour lesquelles Speedway est particulièrement habile et qui le font s'inscrire à merveille dans la nouvelle scène de hardcore mélodisant (Wreckage, Mil-Spec, Time and Pressure). Les Suédois livrent un show fédérateur avec des refrains forts et des beaux moments de hardcore sing along. Malheureusement, le groupe souffre de son placement entre Narrow Head et Scowl sur la grande scène et ne joue pas devant le plus compact des publics.

Raison de plus pour allez les soutenir lors de leur prochain passage en France, le 24 juillet à Paris et le 25 juillet à Lyon.

 

Fury
Main stage

Pingouin : C’était la petite déception du samedi pour les fans de hardcore californien, en ce début d’après-midi. Pas que Fury manque d’énergie, ni de talent, ni même d’aura parmi la scène (leur premier album, Paramount, en date de 2016, leur a bâti d’emblée une jolie réputation). Seulement on avait un peu l’impression de voir un soufflé retomber lentement ce samedi après-midi, surtout juste après la super presta de Narrow Head.

Le groupe commence son set avec « Danse, » indéniablement leur meilleure chanson, avec un refrain au riff inoubliable, continué sur « Thin Line ». A peine quatre minutes d’entrée en matière pleine d’entrain… que le groupe n’arrivera jamais à atteindre de nouveau pendant ce set. Malgré une sélection équilibrée entre Paramount et Failed Entertainment, la mayonnaise ne prend pas : les lignes de chant de Jeremy Smith sont assez monocordes, et le hardcore franco de port de Fury ne s’avère pas aussi convaincant que ce à quoi on s’attendait. À charge de revanche.


Crédit photo : Ashlea Bea @ashleabea

Armand Hammer
Main stage

Hugo : Je le mentionnais dans la preview : il ne fallait pas manquer la performance d’Armand Hammer au festival. Ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord car il s’agit d’un des groupes (abstract) hip hop les plus importants de ces dernières années. On y retrouve Billy Woods, probablement l’un des plus brillants paroliers et interprètes du style, à la discographie déjà immense, composant la première moitié du duo. De l’autre côté, le MC/Beatmaker Elucid, figure moins célébrée mais tout aussi importante, évoluant dans l’underground et faisant le lien entre différents acteurs de la scène. Les deux s’installent d’ailleurs rapidement sur le coin merch après le concert pour vendre une trentaine de cassettes, avant de disparaître sans laisser aucune trace.

Deuxième raison : car il s’agit du premier concert de rap américain sur le festival, en dehors de la performance d’Injury Reserve l’année précédente. En plein après-midi, le groupe se retrouve donc dans une situation d’entre-deux pas franchement évidente : exit le hardcore qui jusqu’ici dominait l’affiche, on passe progressivement vers un programme plus éclectique. À mon sens, la transition entre les styles est loin d’être choquante pour peu qu’on appréhende les concerts différemment. Selon moi, et j’en parlais dans notre émission débrief, il suffit de s’armer d’un peu de curiosité et de prendre le concert pour ce qu’il est, c’est-à-dire un show résolument rap. Et puis qu’on se le dise, une petite pause au milieu de toutes cette saturation fait alors le plus grand bien. 

En outre, la performance en elle-même était très bonne, retranscrivant avec brio toute la distance et les côtés sombres de l’univers du groupe. Après une introduction ambiante, la lumière s’éteint progressivement, et une ambiance assez hypnotique s’installe. Pour peu qu’on se concentre, on entend en effet toutes les paroles rappées par les deux MCs, renforçant le côté captivant de la performance, où la technicité n’est pas ostentatoire mais mise au service de l’audience qui écoute attentivement ces deux poètes maudits. Une autre posture est également possible, en tant que spectateur : fermer les yeux sans chercher à distinguer tous les mots, et se laisser porter par ces ambiances si particulières. On voyage entre les mondes, entre des images crues et quelques symboles bien trouvés, durant trente minutes où la frontière entre rêve et réalité est brouillée. À revoir rapidement, pendant un peu plus d’une demie-heure cette fois. 

Pas de photos, fallait y être (accessoirement, la salle était plongée dans le noir).

Mike
Main stage

Hugo : Quoi de mieux après Armand Hammer qu’enchaîner avec un concert de MIKE ? Actif grosso modo depuis le milieu de la décennie passée, le MC a enchaîné les différents projets plus ou moins confidentiels, bien que plusieurs d’entre-eux (les 2-3 derniers en tête) lui aient permis une belle exposition. Franchement, difficile si l’on n’a pas déjà vu MIKE en concert de savoir à quoi s’attendre au préalable. Son rap abstrait est fragmenté, jouant du symbolisme et d’un côté “puzzle” comme le fait Earl Sweatshirt. Il se cache derrière quelques bouts de phrases mystérieux, un lyricisme quasi-impénétrable, pour évoquer lui-aussi des sujets très personnels. MIKE sort ses disques à des dates précises, l’un ou l’autre solstice, sans que l’on sache si oui ou non cela a un lien avec sa vie personnelle. Une chose est sûre : il est notamment marqué par le décès de sa mère, dont il tente d’évacuer le traumatisme en rappant. 

Grosse surprise : MIKE arrive sur scène le sourire aux lèvres, débordant d’énergie, effaçant la distance qu’il impose pourtant dans ses disques. Les inserts de samples très soulful sont légion dans sa musique, en bon digger qu’il est, ce dont il profite allègrement en live pour nous montrer ses plus beaux pas de danse. De nombreux titres de sa dernière mixtape Beware of the Monkey sont interprétés, eux aussi jouant sur des terrains peut-être un peu plus accessibles. Cette tournure, surprenante, est bienvenue, et contraste finalement directement avec le concert d’Armand Hammer juste avant. Et si j’ai finalement préféré la performance de ces derniers (celle de MIKE perd en intensité lorsqu’il invite le jeune rappeur floridien Niontay sur scène, très prometteur mais pas encore au point en live), cette générosité relativement innatendue fait franchement plaisir à voir. 


Crédit photo : Anna Swiechowska @callxmexkiller

Soul Glo
Main stage

Raton : En voilà un que j'attendais de pied très ferme. Après les avoir manqués lors de leur seul passage en France (septembre 2022 à la Boule Noire), j'ai réussi à voir Soul Glo au Hellfest pour un show semi-enthousiasmant où le chanteur Pierce Jordan était en grande forme mais où le public a complètement manqué toutes ses vannes cyniques.

Les voir dans un pays anglophone faisait donc clairement monter les attentes. Manque de pot, Soul Glo a probablement bénéficié d'un des pires sons du festival. C'était tout simplement une bouillie innommable de laquelle rien ne ressortait clairement à part une purée de basses. Dépité de la situation, j'ai décidé d'aller au moins me foutre sur la tronche en milieu de pit pour oublier l'atrocité sonore.

Au-delà du mix, Pierce n'était pas à son meilleur et interagissait beaucoup moins avec le public. Côté setlist, même chose qu'au Hellfest avec cinq titres tirés du dernier album et « B.O.M.B.S. » de DisN***a Vol. 2. Malgré les réserves, impossible de faire la fine bouche avec le final sur « Gold Chain Punk (whogonbeatmyass?) », gros moment de chaos collectif avec une quarantaine de personnes sur scène à hurler les paroles ou faire les pitres. 


Crédit photo : Nat Wood @wondergirlphoto

Jesus Piece
Main stage

Hugo : Quoi qu’on dise de cette édition, de la qualité du son sur certains shows ou des enchaînements réussis ou non entre les différents styles, une chose est sûre : y’a un paquet de concerts à voir. Aussi, le time management est relou au boulot, et encore davantage en festival. C’est donc avec une dizaine de minutes de retard que je vais assister à la performance de Jesus Piece, quand bien même je l’attendais franchement. 

Une fois encore, le son est pas génial, mais c’est moins dérangeant que pour d’autres concerts. Le dernier album du groupe est à l’honneur, en témoigne le superbe backdrop composé par le français LAZYGAWD dont je vous recommande le travail. L’opus compte pour moi parmi les meilleures sorties metalcore récentes, sorte de bulldozer implacable. C’était déjà le cas sur des concerts comme celui de Sunami : l’énergie et le son massif du groupe prend le pas sur le reste, et notamment les résonnances dans la salle carrément reloues sur pas mal de sets. On regrette néanmoins que le son ultra métallique et chirurgical de ...So Unknown (2023) passe en partie à la trappe, ce qui aurait largement renforcé le côté immersif du show. Aucun doute qu’on pourra revoir Jesus Piece dans de bonnes conditions bientôt, le groupe s’imposant progressivement comme l’une des têtes d’affiche du style. Et c’est probablement mérité.


Crédit photo : Anna Swiechowska @callxmexkiller

Machine Girl
Main stage

Raton : On vous en parlait aussi dans l'article sur nos attentes, Machine Girl était la curiosité du festival. Et ce n'est pas controversé de dire que le projet américain de digital hardcore a soufflé le public mancunien. Rien que sur scène, la présence des deux musiciens est saisissante : Matthew Stephenson, le cerveau du projet, est en combi Ferrari et scande de façon non intelligible dans un micro, sortant parfois une guitare bardée d'effets. Derrière, Sean Kelly matraque sa batterie avec une dextérité bluffante et déroule les percussions breakbeat / hardcore sans sourciller.

Ce choix d'expérience live diminue la place des manipulations électroniques, ce qui donne une approche beaucoup plus agressive et punk que sur disque. On sent que le duo a travaillé autant sa setlist (que des morceaux frontaux, dont une majorité issus de U-Void Synthesizer) que sa performance pour s'adapter à un public probablement plus va-t-en-guerre. Côté acoustique, le problème était surtout du côté du volume, beaucoup trop fort pour le hangar, mais aussi sur la place de la voix dans le mix, très en retrait et bouffée par les basses qui roulent sur le metal du lieu. Quoiqu'il en soit, avec cette mixture ultra chaotique, ce qui devait être la bizarrerie du fest s'est transformée en suite logique entre la violence de Jesus Piece et celle de Code Orange.


Crédit photo : Nat Wood @wondergirlphoto

Code Orange
Main stage

Mess : Voilà plus de 8 ans que j'attendais, à nouveau, de pouvoir poser mes yeux et mes oreilles sur la machine métallique et hardcore qu'est Code Orange. 8 ans d'évolution pour le groupe, de tentatives (plus ou moins concluantes) en studio mais toujours cette même envie de nous rouler dessus dès les premières minutes du show et défendre cette direction artistique bien affirmée depuis 2020 qui grinde nu metal et mauvais goût façon MTV (en plus de continuer à nous mettres des calottes salées et breakées façon Code Orange Kids). 8 ans que je me suis convaincu que Code Orange sera grand, très grand dans l'avenir, il était temps d'avoir ma confirmation en live...

Juste avant le début de ce concert, le public, bien amassé devant la scène, profite d'un « I'm Gonna Getcha You Good » de Shania Twain bien cheesy comme il faut, accompagné par un montage d'images issues de Taxi Driver. Ça n'a pas vraiment de sens mais étant donné l'apocalypse sonore que nous nous prendrons pendant 40 minutes ensuite, je l'accueille avec beaucoup de respect et d'hilarité. 

Puis la rigolade se fait sortir manu militari avec l'arrivée du groupe sur le très accrocheur et plus simpliste « Grooming My Replacement » que le public a déjà visiblement bien imprimé. La baston est au rendez-vous, le son un peu cracra mais après la première journée désastreuse, on finit, malgré soi, par s'y habituer et se dire : bon, c'est ok, ça le fera, t'façon je suis pas ingé' son. A la place, on se fait meuler la tronche avec joie grâce aux coups infligés lors des classiques « Dream In Inertia » ou encore « Forever » où le public laisse place à une horde de bonobos sauvages bien décidés à détruire tout ce qui bouge le moindre petit doigt à 2 mètres du pit. Le tout sous les appels inconscients à la castagne de la part de Jami en pleine forme ce soir-là (ce que nous ne dirons pas pour la voix de Reba, un peu en deçà de son standard habituel).

Je pensais entendre tous les gens présents basher Code Orange et pourtant... C'est l'unanimité à la sortie de cette prestation qui règne. Code Orange est venu et a vaincu. L'avenir est à eux.


Crédit photo : Ashlea Bea @ashleabea

Death Grips
Main stage

Mess : Un simple mur d'une lumière rouge constante pendant tout le show histoire d'être sûr qu'on galère bien à dicerner les trois membres si discrets de Death Grips, c'est très clair : ces derniers ne voulaient pas être vus, ils voulaient être entendus. 

Et on peut dire sans trop se tromper que la mission a été réussie avec succès. Quand certains se demandaient si l'intégration de rap allait avoir un impact négatif sur la réaction de la foule de l'Outbreak, Death Grips s'est amusé à rendre dinguo les festivaliers. Peu importe qu'ils portaient un t-shirt Public Enemy ou un t-shirt Have Heart, tous se sont rassemblés au sein d'une même unité de danse et de destruction ce soir-là. Sans même avoir fait le moindre effort de faire évoluer une setlist très similaire à ce qu'ils nous proposent depuis quelques années déjà, on reste quand même là heureux, impressionné et fier de voir un groupe si rare et si radical empocher la standing ovation d'une salle entière.

MC Ride ne nous offrira pas le moindre speech. Ses aboiements de clochard suffisent largement à remplir l'espace. Et puis quand tu balances des grenades comme « I've Seen Footage », « Takyon », « Blackjack » ou « The Fever », les mots sont obsolètes. Il nous restait juste à compter les morts dans le pit après la performance royale des trois weirdos. 

 

Dimanche - Jour 3

Buggin | Speed | Lil Ugly Mane | Trapped Under Ice | Earl Sweatshirt | Turnover | Denzel Curry

 

Buggin
Scène 2

Pingouin : C’est l’un des rares groupes que je suis allé voir jouer sur la scène 2, dans un cadre plus étroit mais pas plus étriqué, encadré par deux hauts murs en pierres apparentes. En revanche c’est dans le running-order du fest que le jeune groupe de Chicago a du se faire une place au chausse-pied. Il est à peine 12h30, Zulu vient d’entamer la journée avec un set de bagarreur super nerveux, et tout le monde se rue juste après vers la deuxième scène pour voir Buggin tout en sachant très bien que dès le dernier accord du groupe tout le monde se ruera de nouveau vers la main stage pour voir Speed. On ne va pas se perdre en spéculation sur le pourquoi du comment : même avec une place si peu confortable, Buggin a conquis les plus attentifs du festival avec son hardcore nerveux. Bryanna, la chanteuse, ne manque pas de charisme et le pit s’ouvre rapidement. Assez peu de singalong sur l’ensemble de leurs chansons, mais le groupe est jeune et on espère les revoir rapidement en Europe pour faire honneur à Concrete Cowboys, leur (super) premier full-length sorti au printemps.


Crédit photo : Nat Wood @wondergirlphoto

Speed
Main stage

Raton : Speed est une des plus grosses valeurs montantes du hardcore mondial et il s'agit de leur première venue en Europe. Je ne vous fais pas un dessin sur l'attente que suscitait ce show à un des plus gros festivals de hardcore du vieux continent. Pour dire les mots simples, on s'attendait tous les quatre au set le plus barjot du fest.

Avant de partir pour Manchester, j'ai eu la chance de voir les Australiens à Paris et la réussite avait été absolument totale. Speed est extrêmement fort pour réactualiser le beatdown à bandana, le rendre aussi fédérateur que possible tout en ne faisant aucun compromis sur la qualité musicale (contrairement au premier groupe du festival, mais je m'égare). En arrivant sur scène, le chanteur donne ses recommandations à un public chauffé à blanc : « respect each other but get that pit moving ». Ce ne sera pas sa seule prise de parole et je n'ai pas été le seul agréablement surpris par la pertinence de ses interventions, autant dans ses invitations au mosh que dans ses discours sur l'importance de la communauté dans la scène. Un discours vieux comme le punk, mais habilement amené et qui emporte le coeur de la foule.

Sur le plan musical, rien ne dépasse. C'est d'un professionnalisme absolument ahurissant, tout en gardant la sauvagerie nécessaire au style. Sur le milieu d'une setlist surtout composée du dernier EP, Gang Called Speed, le chanteur prend la guitare, puis la basse pour laisser ses camarades hurler dans le micro. Tout est réglé comme du papier à musique et ça fonctionne à merveille. Après un set comme celui-ci, impossible de ne pas voir en Speed une tête d'affiche en devenir.


Crédit photo : Nat Wood @wondergirlphoto

Lil Ugly Mane
Main stage

Hugo Lil Ugly Mane est l’une des grosses surprises du festival, programmé ici pour son tout premier concert en Europe. Pour ceux qui l’ignoreraient, Travis Miller de son vrai nom est globalement assez discret en public, et les concerts de LUM sont de manière générale plutôt rares. On comprend donc que de nombreuses personnes se soient déplacées, parfois de très loin, spécialement pour voir ce show. Mista Thug Isolation (2012) est l’un des albums majeurs à avoir réutilisé l’esthétique de Memphis du début des années 90, devyl shit, reprenant avec brio certains codes musicaux tout en y apposant une substance différente. Pour la faire simple, cette scène (si populaire aujourd’hui) est surtout née de facteurs circonstanciels, ce qui ne permet pas réellement de dire qu’elle a continué à exister après cette période relativement réduite, et la mainstreamisation du son Crunk/Southern Hip Hop fin 90/début 2000. 

Aux côtés de Denzel Curry qu’il participe à faire connaître (il l’invite en feat sur son premier album alors que Denzel n’a que 16 ans - le tube « Twistin » est d’ailleurs interprété par les deux artistes lors du set de Denzel, lors d’un moment de camaraderie comme on a rarement l’habitude d’en voir), Lil Ugly Mane fait partie de ceux qui influenceront grandement la scène qu’on appelera « soundcloud rap » par la suite. Les deux rappeurs ont d’ailleurs évolué vers des terrains assez différents sur le tard, bien que Travis Miller ait toujours baigné dans différents univers musicaux, multipliant les projets (noise, metal, rap) sous différents alias.

Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, nous n’avons pas eu le droit à des morceaux des derniers albums psyché/slacker rock du projet, mais bien à un set quasi-entièrement dédié à Mista Thug Isolation. Quelques autres morceaux importants (un bout de l’immense « Uneven Compromise », morceau-EP de 10 minutes, ou encore une cover de l’excellent projet Bedwetter) viennent ponctuer le set. LUM interprète les morceaux avec brio, montrant avec beaucoup de charisme à quel point il est un artiste polyvalent, respectant les genres musicaux dont il s’empart avec technique et passion. On se rappelle alors encore une fois à quel point on a de la chance d’être là, d’autant que quelques jours avant le concert LUM postait un message inquiétant sur les réseaux sociaux - surtout lorsque résonne « Throw Dem Gunz » en guise de conclusion, hors du temps.


Crédit photo : Nat Wood @wondergirlphoto

Trapped Under Ice
Main stage

Mess : Tu commences par « Born To Die » et tu termines par « Believe ». Et entre les deux, tu t'assures de mettre un maximum de bangers pour se foutre joyeusement la gueule en vrac avec son voisin : c'est le pari peu risqué qu'a choisi Trapped Under Ice pour son retour en Europe et essayer de nous rappeler qu'ils étaient les patrons du NYHC qualité premium ++ sauce crazy moshpit. 

Bilan ? Trapped Under Ice sont toujours les patrons et la sauce pique toujours autant la gueule. 

Bon, une fois n'est pas coutume dans ce fest, le son était franchement dégueulasse, celui des guitares était parti s'acheter un sandwich ou pisser, je sais pas. Mais qu'importe, Trapped Under Ice avait des jambes de feu ce soir-là et a offert un concentré de tubes plus teubés les uns que les autres, Justice Tripp avait même presque retrouvé sa voix d'antan pour l'occasion !

La bonne bagarre 1.0 comme on l'aime et un concert à la hauteur de la légende TUI.

Légende éternelle.

Speed veille au grain désormais.


Crédit photo : Nat Wood @wondergirlphoto

Earl Sweatshirt
Main stage

Hugo : Dire que j’attendais la performance d’Earl Sweatshirt relèverait franchement de l’euphémisme. C’est même une des raisons principales de ma présence à Manchester, outre les pintes tièdes et les copains. Et quel plaisir, je le redis, que de pouvoir assister le même jour à son concert et ceux, en vrac, de Trapped Under IceLil Ugly ManeSpeed, ou Denzel Curry ! Tous les festivals ne peuvent pas se vanter de proposer pareille expérience, différents concerts d’artistes parfois très rares en live. Et le concert d’Earl finira de prouver, selon-moi, que ces différentes musiques aussi différentes soient-elles sur la forme, se complètent merveilleusement en live. 

Le constat est similaire à celui du concert de MIKE : Earl va proposer, un peu plus d’une quarantaine de minutes durant, un show plus généreux que ce à quoi on pouvait s’attendre. Techniquement, c’est impeccable, chaque parole, chaque sample est parfaitement audible, retranscrivant parfaitement les morceaux, l’énergie live en plus. Earl est content d’être là, s’amuse des réactions enjouées du public et des quelques moshpits lancés, notamment sur les valses spontanées lors de « EAST ». Côté setlist, on a principalement des extraits du désormais classique Some Rap Songs (2018) et du petit dernier SICK! (2022), les morceaux tubesques en tête (« Shattered Dreams », « The Mint », « 2010 »… et tant d’autres).  

Un morceau de I Don’t Like Shit, I Don’t Go Outside (2015) est également interprété, « AM // Radio », en featuring avec Wiki, aussi à l’affiche ce soir-là. Le rappeur new-yorkais reste d’ailleurs pour un second morceau, renforçant là-aussi l’impression d’assister à un concert assez unique. Finalement, on a là un vrai moment de partage, où l’attitude très laidback de Earl n’est pas un signe de distance, mais de connexion posée avec le public. Un artiste complet, à l’oeuvre dense, personnelle, et pas toujours facile, qui a su montrer qu’il n’avait rien à envier à d’autres aussi sur le plan live. Une belle conclusion au segment abstract du festival, un plaisir non-caché pour moi, quelques instants avant de transpirer davantage devant Denzel Curry


Crédit photo : Ashlea Bea @ashleabea

Turnover
Main stage

Mess : C'est le pas hésitant que je me rapproche de la scène principale quelques minutes avant le concert de Turnover. Comme prévu, l'évolution musicale des natifs de Virginia Beach, incapable de restituer la beauté du vénéré Peripheral Vision sur un autre disque, a laissé beaucoup de fans sur le carreau années après années et c'est tout logiquement que la foule est assez clairsemée lorsque le concert démarre.

Sur chacun des morceaux, la réaction est honnête et sans appel du public. Lorsque Turnover se perd dans un son à la Tame Impala peu abouti issu de leurs dernières productions, le public est dubitatif, timide et peu concerné. Quelques applaussidements convaincus sur « Super Natural ». Honnêtement, la douceur du groupe aurait pu être un instant léger et agréable à saisir au milieu de ce festival résolument énervé mais la sauce peinait à prendre (et ce malgré un son plutôt clément et peu évasif). 

Mais celle-ci retrouve instantanément sa saveur lorsque le groupe nous délivre 3 offrandes tant espérées de Peripheral Vision. Nous retrouvons le Turnover que nous avions laissé dans nos rêveries désenchantées. Si la foule semble peu embarquée pendant une grandie partie du set, elle s'unit néanmoins d'une seule voix pour chantonner en coeur les classiques comme  « Cutting My Fingers Off » ou « Humming ». Mais c'est en finissant le concert sur le cultissime et dépressif  « Take My Head » que le public répond définitivement présent, y compris votre narrateur... Car même s'il ronchonne, ce dernier s'est quand même jeté depuis la scène pour célébrer un morceau et un album où Turnover a touché du bout du doigt la perfection du son emo. 


Crédit photo : Anna Swiechowska @callxmexkiller

Denzel Curry
Main stage

Raton : Denzel Curry. Probablement le plus gros rappeur avec des liens aussi étroits avec les musiques saturées. Des références constantes à l'iconographie metal et à l'énergie punk hardcore en font une tête d'affiche logique pour clore cette édition 2023 de l'Outbreak.

La foule est compacte et attend l'arrivée du rappeur américain comme le messie. Une voix enregistrée l'annonce et Denzel arrive sur « Walkin », énorme morceau chauffeur de foule issu de son dernier disque. Avant d'enchaîner, il incite la fosse à y aller à fond et tout ne sera plus que chaos à partir de ce moment. Notamment grâce à l'excellent travail de son DJ, présent sur scène avec lui et qui transforme des morceaux plutôt posés en appels à la guerre (particulièrement frappant sur « Dog Food » ou « DIET_ »).

La setlist est extrêmement variée et propose un aperçu de toutes les périodes du rappeur. Du Taboo, du Melt My Eyez, du ZUU et de l'Imperial mais aussi des plus petites sorties (Unlocked, 13 ou Nostalgic 64) et des morceaux pas encore sortis, à l'image de l'incroyable « Blood on My Nikes » qui vient mettre le point final. Malgré des très grands moments de délire sur « Sumo », « Ultimate » ou « Black Balloons », le set prend une hauteur particulière lorsque Lil Ugly Mane rejoint Denzel pour interpréter « Twistin' ». Le morceau qui les avait réunis en 2012, alors que Denzel était encore inconnu du grand public, donne l'opportunité à Lil Ugly Mane de lui témoigner toute sa fierté et son amitié, dans un moment franchement touchant.

L'intensité du concert n'a pas faibli une seule seconde et le devant-scène est un autre monde. Difficile d'imaginer une meilleure conclusion qu'avec ce nouveau morceau, dont le public scandait déjà le refrain et qui a fini par envahir la scène pour un grand moment de furie collective. Merci Denzel, merci l'Outbreak, qu'on ne vienne plus questionner la place et la légitimité du rap dans un tel cadre.


Crédit photo : Nat Wood @wondergirlphoto

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À noter, en complément de ce report écrit : notre émission sur les festivals de juin 2023 est toujours disponible en replay sur Youtube et les plateformes de streaming. Les discussions sur l'Outbreak Fest commencent à partir de 1:21:11.

Merci aux groupes pour leur présence, au staff de l'Outbreak pour son travail immense, aux photographes pour leurs clichés et merci à Good as Gold pour l'accueil !