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Album

04 novembre 2019 - Dolorès

Alcest

Spiritual Instinct

LabelNuclear Blast Records
style
formatAlbum
paysFrance
sortieoctobre 2019
La note de
Dolorès
8/10


Dolorès

Non.

Je suis toujours embêtée lorsqu'il s'agit de juger un album aussi vite. L'exercice de la chronique de l'album-nouveauté n'est pas chose simple, et il s'agit plus d'un exercice de synthèse entre une première réaction à chaud et une anticipation imaginée de ce qu'on finira par penser de l'album, quelques mois ou quelques années plus tard.

Alcest est encore davantage lié à cette problématique car ce type de lyrisme nécessite un véritable temps de digestion. Presque tous les albums du groupe ont été, pour moi, dans cet espace de flottement pendant un petit moment avant que je sache bien quoi en penser. Et je me suis en réalité trompée dans mon propre jugement à chaque sortie...

La pochette de Spiritual Instinct, réalisée par Fortifem et bien plus symbolique que ne l'étaient les précédentes, mettait la puce à l'oreille : cet album serait différent. Si Alcest a navigué parmi des eaux bien variées, concernant les divers styles musicaux touchés par l'écume de leurs vagues, ce n'est pas en ces termes que le groupe apporte une nouvelle pierre à l'édifice en 2019. Il s'agit bien du propos qui prend une nouvelle forme, avec une approche de la spiritualité à la fois très personnelle, très propre à Neige, mais également assez universelle dans ses différentes problématiques.

Le titre colle donc autant au fond à qu'à la forme, puisque les titres puisent dans une autre veine, plus instinctive. On reconnaîtrait bien sûr le son d'Alcest entre mille, mais il semble ici légèrement renouvelé. Plus simple, parfois, mais pas moins intéressant. Neige le dit lui-même, « Sapphire » pourrait bien être un titre d'Amesoeurs tant il sonne post-punk et new wave. Il y a ce feeling rock émotionnel qui ne s'embête pas à faire des détours et des escalades grandiloquentes mais qui va et réussit à toucher droit au but. Certaines mélodies sonnent presque évidentes, dans le sens où on a l'impression qu'elles coulent de source dès la première écoute. Non pas des mélodies peu innovantes, ou du Alcest recyclé, mais bien une impression de simplicité extrêmement agréable. Je pense à « Le Miroir », qui devait à l'origine être un interlude et qui a finalement évolué en un véritable titre dont la mélodie devient si entêtante que c'en est énervant de voir qu'on peut créer des lignes si simples et qui ont tant de sens.

« Protection », le premier titre sorti, avait porté la thématique avec un clip à l'esthétique superbe et qui me parlait beaucoup grâce à l'implantation du corps et de la danse dans sa dynamique. Il se trouve qu'après avoir écouté plusieurs fois l'album, ce n'est pas forcément le plus percutant sur le long terme. Il a ce côté coup de poing d'un titre qui amorce une idée, qui est extrêmement sincère dans sa construction et les émotions qu'il véhicule, mais il se fait rapidement happer par des morceaux comme « L'Île des Morts », « Les Jardins de Minuit », ou encore « Spiritual Instinct ».

Ce dernier titre est, comme on l'imaginait par son caractère éponyme, tant une conclusion qu'une ouverture sur ce que signifie réellement le titre de ce nouvel album. Une porte qui ne se ferme pas entièrement, apaisée et lumineuse sur le chemin de ce voyage. On a bien l'habitude des voyages, avec Alcest, mais celui-ci est un peu différent des autres. L'album est plus adulte, dans la continuité de Kodama, mais il laisse un peu plus encore de côté l'enfance et l'adolescence qu'évoquaient encore les albums précédents. Celui-ci fait un état des lieux, pose des questions et dégage des tunnels. Il s'ouvre sur le doute, la part sombre et imparfaite de chacun et notamment de Neige avec « Les Jardins de Minuit ». On y trouve la confrontation avec soi-même, dans les paroles de « Le Miroir », la carapace qu'on se construit et qu'on s'impose avec « Protection » et bien évidemment, regarder la mort en face pour la surmonter, l'accepter, mais aussi la questionner dans ce processus de quête spirituelle et d'éventuelle recherche d'un après ou d'un ailleurs. Un pavé de symbolisme dans la mare, qui prend forme également dans le Sphinx de l'artwork comme évoqué plus tôt, dans le choix d'inclure un texte du poète symboliste belge Charles Van Leberghe pour « Le Miroir », ou encore la référence à l’œuvre de Arnold Böcklin et sa capacité à inspirer la sphère musicale grâce à son Île des Morts.

Spiritual Instinct, le titre de l'album comme le dernier morceau de l'album, sont des invitations à creuser mais aussi à accepter. Il ne s'agit pas d'un album qui s'apitoie ou qui sombre, mais bien un concentré d'incitations à continuer et à étreindre les taches noires sur la toile, incluses une esthétique et des sonorités précises, maîtrisées.


1. Les Jardins de Minuit
2. Protection
3. Sapphire
4. L'Île des Morts
5. Le Miroir
6. Spiritual Instinct

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