Chronique Retour

Album

02 juillet 2019 - ZSK

Fleshgod Apocalypse

Veleno

LabelNuclear Blast Records
styleDeath Metal baroque
formatAlbum
paysItalie
sortiemai 2019
La note de
ZSK
7.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Au départ, c’était « juste » un groupe parallèle à Hour Of Penance qui faisait du Hour Of Penance en technique néo-classique. Puis, c’est devenu quelque chose qu’on avait pas vraiment vu venir. Une signature chez Nuclear Blast, qu’on imaginait vouloir avoir un bon petit groupe de Brutal Death technique qui avait déjà démontré ses capacités avec Oracles (2009) et l’EP Mafia (2010). Mais non, Fleshgod Apocalypse a bien vite poussé plus loin son délire d’obédience baroque. Agony (2011) a donc vu débarquer un groupe italien réarrangé autour du multi-instrumentiste Francesco Paoli (ex-Hour Of Penance donc) et de son compère bassiste Paolo Rossi, dans un registre… symphonique. Et jamais le « sympho » n’avait été aussi brutal, Fleshgod Apocalypse ayant choisi une certaine forme de raffinement sans jamais oublier la vitesse et la violence, les blasts et les growls (de Tommaso Riccardi, qui a pris le lead des vocaux). Tellement extrême dans son registre finalement que le groupe italien a pu diviser les auditoires, entre ceux estomaqués devant cette mixture jouissive et les autres qui ont trouvé que c’était un bordel foutraque et étouffant. Malgré tout, les bases étaient prometteuses et après des débuts « classiques », Fleshgod Apocalypse devait tout simplement progresser et bien négocier son virage. Ce qui n’a hélas pas vraiment été le cas, et a fini par donner raison aux détracteurs de la « seconde » heure. En cause, un Labyrinth (2013) franchement chaotique ou Fleshgod Apocalypse ne semblait déjà plus maîtriser son mix, en en foutant partout sans aucun souci de l’équilibre sonore, exagérant à peu près tous les éléments de sa musique pour donner naissance à un troisième album hyper confus et beaucoup trop dense. C’était plus dommage qu’autre chose, et la formation italienne devait simplement corriger le tir. Mission presque accomplie avec King (2016), album un peu plus digeste, malgré tout encore inférieur à Agony et manquant de tubes à la "The Violation". Fleshgod Apocalypse a décidemment du mal à trouver son équilibre, et une formule qui fonctionnerait en tous points. Il va vraiment falloir que le groupe romain confirme enfin ses dispositions, car il en arrive à son cinquième album, Veleno

On notera déjà que le line-up a quelque peu bougé depuis King, avec notamment deux départs et pas des moindres, vu qu’outre le guitariste/orchestrateur Cristiano Trionfera, c’est Tommaso Riccardi qui a également pris la poudre d’escampette. Conséquence inhabituelle, Fleshgod Apocalypse s’est recentré autour d’un trio presque fondateur, avec Paoli et Rossi et le claviériste Francesco Ferrini présent depuis 2010. Quid du chant alors ? Si à peu près tout le monde faisait des backings et que Paolo Rossi assure toujours les vocaux clairs, c’est tout simplement Francesco Paoli qui a repris les growls. Et c’est déjà pour moi la meilleure nouvelle de Veleno, le vocaliste étant pour moi un des meilleurs growleurs de son domaine, notamment depuis son énormissime performance sur The Vile Conception (2008) de Hour Of Penance. Avec à l’époque son débit ultrarapide qui avait émaillé des morceaux comme "Misconception" ou "Drowned in the Abyss of Ignorance", et on ne l’avait plus entendu depuis pratiquement 10 ans, en l’occurrence pour… Oracles, le premier album de Fleshgod Apocalypse, et Paradogma (2010), le dernier album de Hour Of Penance où il faisait partie du line-up (et il ne chante pas dans Coffin Birth, le groupe qu’il a rejoint en 2018). Conséquence encore de tout ça, Fleshgod Apocalypse va (re)devenir un peu plus frontal et expéditif, moins prise de tête et étouffe-chrétien qu’à l’époque de Labyrinth. Un véritable orchestre a beau être de la partie, l’aspect sympho sera moins présent, plutôt moins « voyant » dira-t-on à certains moments, pour laisser place à un Death-Metal plus direct, même un peu moins technique qu’auparavant, en tout cas on recomprend enfin ce que font les riffs sur tout le long de l’album… Dans la lignée de King, Fleshgod Apocalypse parvient enfin à trouver un certain équilibre. Certes, le groupe n’est pas encore un modèle de clarté dans ce qu’il fait, et continue un peu à donner dans le brut de décoffrage bien gonflé et surproduit, avec quelques passages où c’est un peu le brin. Mais après tout, cela avait un minimum fonctionné sur Agony, et maintenant qu’on connaît bien les particularités du groupe, plus rien ne choque dans le Brutal baroque des Italiens.

Va-t-on donc trouver en Veleno l’album le plus efficace de Fleshgod Apocalypse ? Alors, oui, assez franchement même. Le groupe retrouve ici les accroches qu’on pouvait attendre de lui et semble déterminé à pondre à la pelle des potentiels tubes à la "The Violation", ce qu’il n’avait pas su faire sur Labyrinth et King. Veleno s’ouvre, sans intro, sur "Fury" qui est juste une belle tuerie d’entrée. Les riffs sont plus tranchants que jamais, presque thrashy, on retrouve avec délectation les growls rauques de Paoli même s’il n’use pas non plus du débit du Hour Of Penance d’antan, les orchestrations et chœurs sympho sont bien intégrés et n’en font pas des tonnes, laissant bien le Metal s’exprimer. Un sacré hit d’entrée, sans chant clair, mais avec une efficacité folle et à la clé des riffs purement mortels, et même un formidable solo. Un hit sans compromis, totalement maîtrisé et inspiré, qui est déjà suivi de deux autres hits potentiels, l’excellent "Carnivorous Lamb" qui oscille brillamment entre epicness orchestrale (l’intro et le refrain sont magnifiques) et Brutal Death blastant et incisif ; et le single "Sugar", du pur Fleshgod Apocalypse qui cartonne bien avec des gimmicks mordants (« Push ! Push ! Push ! Push ! ») et aligne toujours des riffs irrésistibles. Un si gros trio d’entrée, Fleshgod Apocalypse est de « retour » en ayant enfin trouvé une voie salutaire, celle de l’efficacité au détriment du trop-plein de tout. Et ce n’est pas fini car si on pouvait croire que Veleno retomberait comme un soufflé après un trio de tubes comme d’autres nombreux albums dans tous les genres, les Italiens en ont encore dans le sac. On se nourrira encore donc de morceaux bien expéditifs et jouissifs comme le très gras et frontal "Worship and Forget", qui s’offre néanmoins de beaux moments mélodiques tout comme le plus sympho "Pissing On the Score" qui démarre très fort avant de partir dans un splendide final épique. Ou encore "Absinthe" qui débute et finit dans le pur Metal sympho mais qui s’offre une partie centrale à fond la caisse absolument imparable. C’est dit, Fleshgod Apocalypse a retrouvé pas mal d’inspiration et a changé quelques équilibrages pour nous offrir avec Veleno une belle poignée de morceaux enfin digestes, percutants et terriblement accrocheurs, faisant oublier le capharnaüm de Labyrinth et le léger vide de King.

Malgré tout, Fleshgod Apocalypse continue à triturer les aspects orchestraux de sa tambouille, et si les deux tiers de Veleno remettent en avant le Brutal Death costaud, le reste va tourner 100% baroque. Cela nous donne un "Monnalisa", accompagné de son intro "The Praying Mantis’ Strategy", très mélodique et aéré, avec beaucoup de chants féminins ; ainsi qu’un "The Day We’ll Be Gone" qui est presque une ballade (!) avec du chant soprano omniprésent et bien peu de Metal. Ces deux morceaux contrastent assez avec le reste de Veleno, c’est le moins qu’on puisse dire, et même s’il n’y a rien d’incohérent là-dedans pour du Fleshgod Apocalypse, ils font un peu cassure avec la furie du reste et vont rendre Veleno un poil hétérogène. Et ce n’est pas tant une question de qualité, quoique, si "The Day We’ll Be Gone" est plutôt plaisant, "Monnalisa" ne convainc guère et semble sortir tout droit du dernier (et très moyen) Dimmu Borgir… On attendait certes pas vraiment un album qui aurait tapé du début à la fin, mais à côté des tueries de l’album, ces morceaux plus raffinés ne sont pas indispensables. Reste alors le grand final qu’est "Embrace the Oblivion", qui résume bien tout le contenu de l’album avec encore quelques belles parties épiques (et un chant clair au top), mais dont les compos ne sont pas à la hauteur du reste de l’album. Fleshgod Apocalypse nous quitte sur un habituel instrumental-titre de clôture, agrémenté sur les versions limitées de deux bonus dispensables (une reprise assez ratée de "Reise, Reise" de Rammstein et une version « nocturnale » de "The Forsaking" qui figurait sur Agony), et sur un très bon bilan en regard de ses efforts en demi-teinte passés. Certes, Veleno n’est pas encore l’album parfait de A à Z, mais il gomme certains défauts d’antan en prenant le parti de faire un album plus frontal en dosant différemment le sympho. Et cela fonctionne du tonnerre, sur les deux tiers de l’album qui font oublier les exagérations de Labyrinth et la légère faiblesse de King en proposant de vrais tubes, de vraies tueries de Fleshgod Apocalypse à la "The Violation" avec des compos mortelles, enfin. Le groupe italien s’est donc bien recentré et la satisfaction est au rendez-vous, avec à la clé de quoi se nettoyer les conduits pendant un petit moment. De là à dire que Veleno dépasse Agony, c’est difficile parce qu’il y a une question de contexte derrière, mais ce cinquième méfait des Italiens est assurément leur opus le plus malléable et le plus accrocheur. Si !

 

Tracklist de Veleno :

1. Fury (4:38)
2. Carnivorous Lamb (4:39)
3. Sugar (4:17)
4. The Praying Mantis’ Strategy (1:04)
5. Monnalisa (5:24)
6. Worship and Forget (4:32)
7. Absinthe (6:09)
8. Pissing on the Score (4:30)
9. The Day We'll Be Gone (5:58)
10. Embrace the Oblivion (7:49)
11. Veleno (2:42)

 

Les autres chroniques