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Album

09 février 2016 - DarkMorue

Fleshgod Apocalypse

King

LabelNuclear Blast
styleBlasting Orchestra
formatAlbum
paysItalie
sortiefévrier 2016
La note de
DarkMorue
7.5/10


DarkMorue

Un mec qui écrit des trucs.

Fleshgod Apocalypse, c'est quand même compliqué. Entre eux et moi c'est l'amour et la haine, c'est le vieux couple qui n'arrive pas à se quitter définitivement juste pour la nostalgie, le souvenir des ébats torrides des débuts, la flamme qui s'est estompée quand on a vu l'autre changer mais qu'on tente de ranimer. Le scénario qui continue en se basant sur le maigre espoir qu'un jour les choses redeviennent comme avant tout en sachant que jamais on ne pourra vraiment faire machine arrière. Ceux qui ont conquis mon cœur avec "Oracles" en me faisant plonger corps et âme dans leur musique, en un amour fusionnel que "Mafia" n'a fait que prolonger. Et ce fut la débandade. Ils ont voulu tenter de nouvelles choses en 2011, peut-être déjà lassés. Mais bien que les intentions soient bonnes, l'authenticité est venue à manquer. La flamme des premiers jours s'estompait déjà et le futur s'annonçait bien sombre, chose que "Labyrinth" n'a fait que confirmer et même provoqué la rupture. C'en était trop. Un telle trahison ne pouvait être tolérée, mais malgré tout j'avais encore du mal à tourner la page...

Bref, tout ça pour dire. J'étais fan du groupe quand il faisait du Brutal Death haut de volée façon Hour of Penance en plus classieux, le tournant orchestral d'"Agony" m'a laissé sur ma faim malgré de bons morceaux (comprenez par là : c'est un bon album que je n'ai absolument plus jamais envie d'écouter). Et "Labyrinth" est à mes yeux une sombre merde comme on en fait rarement, le summum du bordel sonore, exactement tout ce que le groupe ne devait surtout pas faire, sacrifiant toutes ses qualités pour servir une purée absolument insupportable. Aussi, avec le premier morceau dévoilé à l'avance, ce "King", je le haïssais viscéralement d'office et étais parti pour lui coller un beau 3/10 aux deux premières écoutes. Mais en fait ben... Comment dire... Faut arrêter la mauvaise foi à un moment, et reconnaître qu'objectivement, si on ne se met pas à prendre cet album pour autre chose, il est quand même sacrément abouti en son genre et a de quoi conquérir à peu près tous ceux qui détestent pas par principe. Faut avouer que la reconversion est réussie. Même si ça fait mal, ils sont heureux comme ça.

Non, Fleshgod Apocalypse ne joue plus du Brutal Death. On espère tous qu'à un moment ça reviendra, mais après six ans et trois albums il serait temps d'arrêter la fixation. Ton amour d'enfance a changé, il a sombré dans la débauche et sa fougue adolescente a été troquée contre une vie adulte nettement plus réfléchie. Tu ne le reverras plus jamais tel qu'il a été. Fais avec. Maintenant, nos Italiens jouent tout simplement dans la même cour que Septicflesh, en troquant cette fois l’antiquité contre une ambiance de cour royale déglinguée vautrée dans les orgies et la classe rance. Et en ce sens, "King" est infiniment supérieur à "Titan", livrant une belle brochette de compositions exemplaires. Déjà, fini le miasme sonore à en donner des cauchemars à tous ceux qui touchent un peu au son, on engage Jens Bogren derrière les manettes et ça sonne clean. Et c'est donc parti pour un gang-bang coloré d'orchestrations grandiloquentes et ambitieuses, le tout à une vitesse toujours aussi impressionnante, chant clair cette fois pas exploité n'importe comment et growl abyssal au flow toujours aussi jouissif. Et une fois plongé dans ce décor de velours rouge et sculptures en or surplombant le foutre et la mort, ça sonne.

Même "The Fool" que j'avais jusque là du mal à supporter s'insère parfaitement, en titre immédiat et brutal, bien qu'il n'ait absolument pas ma préférence. La doublette formée par "Cold As Perfection", perle de grandiloquence sombre, et l’extrêmement brutale et surprenante "Mitra" sonne à mes oreilles comme le meilleur moment de l'album, là où l'interlude me fait détester le chant d'opéra dans son intégralité tellement elle est insoutenable et "Syphilis" est chiante à en mourir malgré son nom qui fait sourire (et putain son chant clair féminin m'évoque un autre morceau mais alors impossible de retrouver). Mais le groupe réussit le tour de force de proposer une ambiance très travaillée, et nous faire évoluer dans des décors évocateurs, celui d'une haute société dont le luxe cache la perversion, classieuse dépravation ne lésinant pas sur les moyens. Atteignant sur paroxysme sur l'étrange "Gravity", morceau lourd et linéaire écrasant l'auditeur sous des tonnes d'or sale, en parfaite contradiction avec les énormes hits mixant orchestrations complètement abusées et tempo endiablé que peuvent être "And the Vulture Beholds" ou un titre d'ouverture au refrain qui nous restera dans le crâne un bon moment.

Fleshgod Apocalypse ont, semble-t-il, lu les critiques reçues pour le grand frère, et agi en fonction. Changeant de décors et d'acteurs, un pas en arrière mais pas tout à fait dans le même sens, ils arrivent à marquer un grand coup et sortent avec ce "King" ce qui est leur meilleur album depuis qu'ils se prennent pour des chefs d'orchestre. Brutal, décadent, foutrement bien composé et avec son lot de tubes marquants bien que sonnant comme un énorme bloc. Les fans de la première heure continueront de pleurer, mais ça, ça va durer toute une vie. Le groupe a certes complètement gâché son potentiel dans un domaine mais arrive à en exploiter un autre, alors désormais il est temps de tourner la page et de reconnaître que même si en bons vieux cons on a envie de détester, ça gère quand même sacrément bien son coup et il y en a pas deux dans le paysage musical. Alors on a plus qu'à les prendre pour ce qu'ils sont et les approuver. Même si j'avoue que j'ai tiré une larme en me refoutant "Mafia" à fond juste après la rédaction de cette chronique...

Et à noter la présence d'un second CD n'ayant absolument rien d'autre que les orchestrations et montrant l'étendue du travail de composition et arrangement, s'écoutant tout seul et gardant un souffle épique cinématographique montrant aux dubitatifs que tout ça n'est pas qu'un vernis. Et prouvant également aux détracteurs que le côté Metal est définitivement secondaire désormais bon oki.

Tracklist :

1 - Marche Royale
2 – In Aeternum
3 – Healing Through War
4 – The Fool
5 – Cold As Perfection
6 – Mitra
7 – Paramour (Die Leidenschaft Bring Leiden)
8 – And the Vulture Beholds
9 – Gravity
10 – A Million Deaths
11 – Syphilis
12 - King

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