Chronique Retour

Album

27 novembre 2018 - Dolorès

Esben And The Witch

Nowhere

LabelSeason Of Mist
styleDark Rock
formatAlbum
paysRoyaume-Uni / Allemagne
sortienovembre 2018
La note de
Dolorès
9/10


Dolorès

Non.

Originaire de Brighton, actuellement à Berlin, le trio s’est fait un nom. Il aura mis du temps à véritablement arriver par chez nous, le Roadburn ou le Motocultor en remplacement de dernière minute ayant permis au groupe de bénéficier d’une certaine réputation. Porté par Rachel Davies à la basse et au chant, l’entité continue de se forger son identité, entre conte innocent et tempête vengeresse.

Le groupe s’est principalement affirmé depuis A New Nature. Les deux albums suivants sont ensuite sortis tous les deux ans, et ce nouveau Nowhere est tout à fait dans cette continuité… Il est difficile de ne pas voir l’ensemble comme un triptyque cohérent. On connaît la manie du groupe d’aimer raconter des histoires, de savoir développer ses concepts et de réussir à nous mener en bateau dans leur univers en fermant bien la porte derrière nous.

Si Older Terrors me semblait être légèrement moins explosif, Nowhere est un véritable tour de force, un retour qui mérite les applaudissements. Là où le précédent connaissait quelques manques d’originalité ou d’inspiration, ce nouvel opus a réussi à trouver un équilibre réellement parfait entre toutes ses influences et ses structures musicales. Commençons par évoquer que l’ensemble se divise en six titres, chacun s’étendant entre cinq et huit minutes, ce que je trouve être une preuve de maturité pour Esben And The Witch. Les 13 minutes d’un « Sylvan » sont certes, agréables, mais on sait bien que le groupe n’a pas vocation à faire des titres de boucles lancinantes infinies en crescendo, et que tôt ou tard, la rythmique Post-punk et la rage seront de retour.

Je reste persuadée que les instruments sont un écrin à la voix de Rachel Davies, et que si ses lignes sont souvent irréprochables, les meilleurs titres sont ceux où guitare, basse et batterie réussissent à être à la hauteur. Pas juste soutenir les lignes de chant, mais bien être dignes d’elles et ne pas couler dans la facilité. Et c’est bien ce qu’on observe sur ce nouvel album, peut-être moins sombre et désespéré, mais où l’action devient plus centrale que la réflexion. Les refrains sont là pour nous le rappeler, bien sûr, ces incantations qu’on prend presque pour nous-même, simple auditeur. Mais c’est également une composition plus dynamique qui porte le message, où la colère, l’orage et le sang prennent le pas sur l’introspection.

En réalité, ce qui fait la réussite de Nowhere est qu’il soit contrasté et équilibré. Il rappelle A New Nature dans son alternance d’ambiances et ses émotions très brutes et spontanées retranscrites. De « A Desire For Light » et son hymne à l’espoir qui se transforme en tempo soutenu de chevauchée martiale où guitare et batterie vrombissent, au cri du cœur tout en berceuse ternaire de « Seclusion ». Le transperçant « Darkness (I Too Am Here) », clôturant l’album, est bien là pour nous rappeler que The Witch est indéniablement Rachel Davies, et que ce Nowhere n’est peut-être bien qu’un sort lancé, qu'un conte oublié, un songe ou un faux souvenir.

Esben And The Witch n’est pas juste un groupe parmi d’autres dans ces formations à tendance Dark Rock féminin aux limites du Metal et du Post-punk. On pourrait penser qu’entre Chelsea Wolfe et Dool, pour ne citer que ces projets, il n’y a plus tant d’originalité ou de recherche, mais ce serait loin d’être vrai. De cet énorme volcan en fusion qu’est cette scène portée par des figures de femmes, jaillissent des formes d’affirmation : d’influences assumées et de personnes impliquées.

Yes we’re savage and uncouth
We’ve a taste for blood and we will take you tooth by tooth
So run wild my dears
We’re unleashed and we’re no longer afeared


1. A Desire For Light
2. Dull Gret
3. Golden Purifier
4. Seclusion
5. The Unspoiled
6. Darkness (I Too Am Here)