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Album

25 juillet 2016 - ZSK

Monolithe

Zeta Reticuli

LabelDebemur Morti Productions
styleDoom Metal monolithique
formatAlbum
paysFrance
sortiejuillet 2016
La note de
ZSK
7.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Depuis qu’il a été « réactivé » en 2012 après bon nombre d’années de gestation pour Monolithe III, Monolithe est devenu un groupe particulièrement productif. Zeta Reticuli est en effet le 4ème album sorti par la bande de Sylvain Bégot en 5 ans ! Rien ne semble être en mesure de freiner la créativité du groupe français qui par le passé s’est distingué par quatre tours de force, quatre albums constitués d’un unique morceau dépassant 50 minutes. « Par le passé » parce que c’est quelque chose qui distinguait le Monolithe « première période », de Monolithe I (2003) à Monolithe IV (2013). Désormais, la formation s’est aventurée dans d’autres contrées, sans toutefois changer le fond mais en faisant évoluer la forme. L’abandon des chiffres romains s’est conjugué à l’abandon des pistes uniques à très (très) longue durée pour un format plus « conventionnel » de Funeral Doom auquel Monolithe est rattaché même si son art est très personnel. Un Doom cosmique et progressif, dissonant et mélodique, atmosphérique et noir. Les longs développements faits de cassures et de passages remarquables étalés sur 50 minutes ont laissé place à des cheminements plus directs et digestes, désormais calqués sur des morceaux de 15 minutes tout pile (pas une seconde de plus ni de moins). De longues œuvres uniques proposées en IV chapitres, Monolithe est (pour le moment) passé au format diptyque, deux albums aux sorties relativement rapprochées présentant chacun trois morceaux de 15 minutes. Après la première partie Epsilon Aurigae, voici la seconde Zeta Reticuli. Le tout formant presque un double album qui sera d’ailleurs proposé comme tel au format vinyle.

Ceux qui ont suivi Monolithe depuis ses débuts (ou pas sachant que Debemur Morti avait ressorti tout le back-catalogue du groupe après la sortie de Monolithe III) reconnaîtront sans mal les particularités du groupe, qui n’avaient pas disparu pour Epsilon Aurigae, le groupe se contentant surtout de développer son univers sur des pistes plus courtes. Un univers demeurant… monolithique, avec ses riffs dissonants bien pesants, et la voix bien grave et déclamée de Richard Loudin, le tout accompagné de leads astraux, de claviers cosmico-symphoniques et de quelques petites particularités d’ambiance, qui ont souvent été assez différentes d’un album à l’autre (on pensera aux parties d’accordéon (!) de Monolithe II ou les chœurs apocalyptiques de Monolithe IV). Epsilon Aurigae avait d’ailleurs mis en exergue les synthés, notamment pour le magnifique "Everlasting Sentry", un des meilleurs « morceaux » de Monolithe, forcément plus facilement malléable et mémorisable de par sa durée « raisonnable ». "Synoecist" n’était pas en reste et si Monolithe ne surprenait pas, son art continue à être remarquable et personnel, peu importe la durée des morceaux après tout. Plus accessible, le « Stanley Kubrick Doom » des français a trouvé une nouvelle dimension sans forcément se renouveler dans le fond, avec toujours cette ambiance si particulière, qui animerait bien la dérive dans l’espace d’un monolithe au noir foncé si sombre qu’il en est terrifiant. Sur cette base et sur ce nouveau départ qui couronne un changement de forme assez salutaire (le premier concept du groupe avait tendance à s’essouffler sur Monolithe IV) à défaut d’être révolutionnaire, voici Zeta Reticuli qui va avoir charge de compléter le diptyque et l’« histoire », avant que Monolithe ne reparte peut-être vers de nouveaux horizons…

"Ecumenopolis" ouvre Zeta Reticuli sur un fond d’ambiance stellaire avant que ne prennent place les habituelles instrumentations Monolithiennes, entre guitares dissonantes et batterie bien froide, sur fond de montées de synthés apocalyptiques. On est en terrain connu et comme à son habitude, Monolithe pose et développe son atmosphère pesante, aidé en cela par les vocaux toujours prenants de Richard Loudin. On se laisse encore facilement emporter par les dissonances tourbillonnantes et hypnotiques avant que, là aussi par habitude, Monolithe nous pique au vif grâce à une savante cassure. A partir de 8 minutes, ce sont les mélodies qui prennent le dessus et la musique des français prend alors une tournure bien plus épique, à la manière de certains moments de Epsilon Aurigae mais cette-fois plus grâce aux guitares qu’aux synthés. Sans se réinventer, Monolithe a donc toujours de bonnes idées. Et suit tout de même des schémas prédéfinis vu qu’à la manière de "TMA-0" sur l’album précédent, propose à nouveau un instrumental au centre du parcours, "TMA-1". Rien de bien exceptionnel pour ce morceau où le groupe étale sa science des riffs lourds appuyés par des synthés et complété par quelques passages mélodiques Darkspaciens (avec Jari Lindholm d’Enshine et ex-Slumber en guest), mais ce "TMA-1" est pour moi supérieur au "TMA-0" que j’avais trouvé assez ennuyeux. Zeta Reticuli en sera donc plus équilibré, le final parsemé d’ambiant de ce morceau central fait d’ailleurs mouche mais prépare surtout à ce qui sera LA véritable surprise de cet album.

Je veux bien sûr parler du troisième et dernier morceau de cet album, "The Barren Depths". Je ne vais rien apprendre à ceux qui ont déjà visionné le clip vidéo proposé pour sa version éditée, pour les autres après l’intro stellaire et les premiers riffs de rigueur ils découvriront avec stupeur que Monolithe… se met au chant clair ! C’est Guyom Pavesi qui s’en charge et le moins qu’on puisse dire c’est que ça donne une autre dimension au Doom de Monolithe. Encore une fois le résultat est épique, déjà grâce aux mélodies tout comme pour "Ecumenopolis" (on notera aussi le sublime break à 7 minutes, eh oui encore une belle cassure), et surtout grâce à ce chant clair classieux et maîtrisé qui nous livre d’ailleurs un refrain (!) inoubliable et des lignes douces et enivrantes à partir de 9 minutes. Un morceau assez jubilatoire au bout, prouvant qu’avec une durée plus courte et quelques bonnes idées Monolithe arrive maintenant à pondre des morceaux de référence pour sa discographie. S’il n’y a toujours rien de surprenant au niveau des riffs et des leads, le groupe a osé quelque chose de différent et le résultat est très réussi. Sylvain Bégot et ses comparses ont toujours fonctionné au tour de force, et "The Barren Depths" prouve qu’ils ont encore de la ressource pour épicer leur Doom cosmique pesant.

Alors dans l’ensemble, il y a toujours quelques petites longueurs voire des redondances au niveau des schémas guitares/synthés/growls employés, et bien que plus homogène que son prédécesseur/première partie Zeta Reticuli ne le surpasse pas. Monolithe III et surtout Interlude Second (leur œuvre la plus sombre) garderont toujours ma préférence. Monolithe continue son office avec classe et talent (pour avoir pondu des morceaux de 50 minutes cohérents par le passé, le groupe en a, c’est une certitude) et surtout avec son ambiance unique, mais doit surprendre encore plus et "The Barren Depths" est la preuve que cela peut fonctionner du tonnerre. A voir comment se profilera la suite, pourquoi pas avec un format chant death / chant clair sur tous les morceaux, ce qui est sûr c’est que maintenant, Monolithe a dévoilé un potentiel nouveau et on en veut plus. Une productivité qui a amené de la linéarité mais aussi des excellentes idées, c’est tout le paradoxe de la carrière de Monolithe depuis 2013. Toujours est-il que son diptyque Epsilon Aurigae / Zeta Reticuli est de qualité, surprenant là où on ne l’attendait pas surtout pour cette deuxième partie et son morceau de clôture, sur fond d’un classicisme digeste qui est parfois frustrant mais fonctionne tout de même, grâce à la singularité de ce Doom « monolithique » forgé au fil des années et au sein de son propre espace-temps.

 

Tracklist de Zeta Reticuli :

1. Ecumenopolis (15:00)
2. TMA-1 (15:00)
3. The Barren Depths (15:00)

 

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