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Album

07 août 2015 - Dolorès

Chelsea Wolfe

Abyss

LabelSargent House
styleDoom / Folk
formatAlbum
paysEtats-Unis
sortieaoût 2015
La note de
Dolorès
9/10


Dolorès

Non.

Chelsea Wolfe n'a jamais proclamé jouer du Metal, ni même faire partie de cette sphère. Cependant, il est tout à fait justifié d'effectuer un rapprochement entre les deux. Avec les années, la jeune artiste a réussi à s'approprier une fanbase constituée d'un grand nombre d'amateurs de musiques extrêmes, mais pourquoi? Nombreux sont les propos concernant Chelsea Wolfe qui insistent sur le caractère "plus Doom que la plupart des groupes de Doom" ou même "plus lourd et éprouvant que la majorité des groupes de Metal, tous genres confondus". A sa manière, la demoiselle s'est créé un univers personnel, intime, prenant ses démons pour les transformer en motifs artistiques, un monde noir, blanc, gris, chargé d'angoisses et de fantômes.

"Abyss" était attendu avec beaucoup d'impatience. Après l'excellent "Pain Is Beauty" daté de 2013 qui montrait, encore, une nouvelle facette du projet, les premiers levers de voile sur "Abyss" se sont rapidement enchaînés début 2015. Si le thème général du sommeil, de la plongée dans le subconscient, donne une touche particulière à cet album et une aura homogène sur l'ensemble des 55 minutes, il reste tout à fait représentatif de Dame Wolfe. Il offre presque un concentré des différents chemins pris dans la discographie de Chelsea Wolfe, tout en accentuant pleinement sa teinte sombre, comme une ombre permanente planant sur "Abyss".
En ce sens, on retrouve dans cet album, à la fois la lourdeur Doom d' "Apokalypsis", les soutiens électroniques de "Pain Is Beauty", la folk d' "Unknown Rooms" et la silhouette fantômatique de "The Grime And The Glow".

Malgré la diversité des titres, du chaotique à la ballade, il faut avouer que l'un des temps forts les plus marqués reste "Iron Moon", qui montre la maîtrise de l'artiste sur tous les plans, passant d'un chant doux et presque enfantin à des riffs massifs comme si c'était d'un banal pour elle.
Je ne saurais dire si les couleurs de la pochette ont pu jouer mais dès les premiers titres, on ne peut s'empêcher de rapprocher "Abyss" de l'album "Circumambulation" de True Widow, qui pioche complètement dans le même genre d'influences. Il n'est donc pas tout à fait impossible de rapprocher Chelsea Wolfe d'autres groupes, puisqu'on peut par exemple difficilement nier qu'elle ait influencé des projets comme Darkher ou King Woman. Sans arriver à son niveau de maîtrise et de personnalité, évidemment, car c'est ce dont cet album fait preuve avant tout. Chaque mot, chaque intonation, chaque harmonie, choisis avec tant de soin et de délicatesse, font qu'on imagine sans mal qu'elle puisse avoir des difficultés à se confronter au monde réel, s'exprimer avec des phrases et des expressions, tant sa musique semble être la seule bulle où elle arrive réellement à être elle-même.

Toujours enchanteresse, la voix de Chelsea Wolfe se fait celle d'une sirène, éthérée, vaporeuse, flottant sur les titres sans jamais sembler hors de propos. L'enchaînement de la ballade "Maw", d'un "Grey Days" qui semblerait presque sorti du précédent album, et le poétique "After The Fall" montre à merveille à quel point elle mise énormément sur le grain de sa voix au tout premier-plan pour envoûter l'auditeur.
Mais il ne faut pas s'y méprendre, cet album (ainsi que les autres) ne seraient pas à ce point prenants si les compositions n'étaient pas millimétrées pour valoriser ce chant et lui créer un cocon aussi bien adapté. "Carrion Flowers" a tout de même l'avantage d'avoir l'atmosphère la plus poussée et d'exploser dès l'ouverture de l'album. Apocalyptique et urbain, le titre et sa progression utilisent très peu de moyens différents pour créer cette ambiance et, étonnamment, la voix a tendance à passer au second plan sur toute la première partie, avant de reprendre sa place habituelle de pièce maîtresse.

"Abyss" reste inégal tant les émotions sont manipulées avec violence pendant une cinquantaine de minutes. Néanmoins, il reste excellent de bout en bout, simplement à différents degrés. Sans jamais de redite ni de déjà-vu, Chelsea Wolfe réussit à nous retourner tout en piochant une poignée dans chacun de ses opus précédents. Elle mêle ce qui a déjà fonctionné par le passé de manière indépendante, ici rassemblés, sans non plus aucun effet d'incohérence ou de collage bâclé. Impossible de ne pas rester sur sa faim tout de même, lorsque le titre éponyme, dissonant et sans réelle fin marquée et nette, laisse place au silence et donne l'impression que cette histoire n'est pas tout à fait terminée. On imagine sans problème une sorte de trilogie avec une explosion finale à venir, qui donnerait suite aux très liés "Pain Is Beauty" et "Abyss".

1. Carrion Flowers
2. Iron Moon
3. Dragged Out
4. Maw
5. Grey Days
6. After The Fall
7. Crazy Love
8. Simple Death
9. Survive
10. Color Of Blood
11. The Abyss

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