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jeudi 11 décembre 2014

The Devin Townsend Project

La Maroquinerie - Paris

U-Zine

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Avant d’aller plus loin, entendons nous bien. 1998, Devin Townsend fait la couv d’un mag spécialisé, pour la promo d’Infinity. Dans le sampler joint au papier, Bad Devil est sélectionné pour promouvoir la nouvelle sortie de ce canadien un peu bizarre, dont je n’avais strictement jamais entendu parler, agrémenté d’une interview troublante. Révélation pour votre serviteur qui n’a cessé depuis de se procurer tout ce à quoi touchait Devin, parfois déçu, souvent emballé. 12 ans plus tard, concert au Hellfest 2010. Première fois, première claque live, bien trop courte et peu adaptée au cadre d’un festival.

Jour de découverte + 13 ans. L’Elysée Montmartre est réduite en cendres, annulant par la même occasion la venue du Devin Townsend Project dans le cadre du Paris Extreme Fest. Amère déception que de ne pas voir le bonhomme jouer en tête d’affiche. Mais, ce mois de Juin 2011 sonne comme un hurlement d’extase : l’excentrique maestro se produit à la Maroquinerie de Paris, seul et donc, hors cadre de festoche, la garantie d’un set long et unique se profile, la précédente venue de Townsend, hors Strapping Young Lad, remontant à 2001 si ma mémoire ne me fait pas faux bond.

C’est ainsi que, non sans difficultés, nous nous sommes rendus à La Maroquinerie, à peu près aussi simple à localiser qu’un cheveu sur le crâne de Townsend (ou qu’un pou sur ses vieilles dreads, au choix) quand on ne connaît pas la grande couronne parigotte. L’ouverture étant programmée à 18h30 ce n’est qu’à 19h que nous avons pu pénétrer dans cette ravissante fournaise d’une capacité d’environ 500 places. Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas l’endroit, sachez simplement que l’agencement de la salle est un peu bancal, des colonnes entravent la visibilité de quiconque se trouvera dans les coins de la salle, même si les estrades entourant la scène permettent de s’assurer une bonne vue et une excellente proximité de la scène, pour peu que l’on n’arrive pas le dernier. Bref, la salle se remplit et la température monte à mesure que l’on s’entasse dans ce lieu exigu.

Devin Townsend, forcément très attendu par un public intergénérationnel fait une entrée acclamée mais tout ce qu’il y a de plus modeste. Seul, humble et de bonne humeur, Townsend s’excuse du retard, salue Ziltoïd trônant sagement à ses côtés et empoigne sa gratte acoustique. Le constat s’impose avant même que le spectacle ne commence : le showman livrera un concert généreux et terriblement drôle. Ne ratant jamais une occasion de faire marrer, le Canadien fait mouche dès qu’il converse tranquillement avec le public. En témoigne cette vanne sur le fait qu’il n’y ait pas de première partie, et que c’est pas plus mal car ça fait généralement chier tout le monde. Difficile à retranscrire, sachez simplement que l’on sent la spontanéité du dialogue et des interventions, qui font presque passer la soirée pour concert couplé à un one-man show.

Ce concert sera par ailleurs organisé d’une manière fort originale, le maître de cérémonie expliquant qu’il commencera en douceur pour que la soirée aille crescendo. Ainsi, Devin Townsend a assuré sa propre première partie, lui et sa gratte acoustique, interprétant avec brio et quelques pains vite pardonnés des titres forts. Coast et Terminal, issues de Ki, passent avec succès le baptême du feu, et sont les premiers morceaux à résonner aux vibrations d’un Townsend toujours aussi juste dans son interprétation, au fil d’une six-cordes qui caresse délicatement les tympans. Belle ambiance, très posée, particulièrement éclatante à l’entente de Sister, tiré du très apprécié Ocean Machine. La version de Solar Wind en acoustique réinvente le morceau, Ih-Ah passe comme une lettre à la poste et la première partie du show s’achève, laissant le public français aussi touché par la beauté des compositions qu'amusé des frasques du chef d'orchestre.

Devin nous explique alors qu’il sera de retour dans une petite vingtaine de minutes.
Le bougre quitte la scène sous les ovations d’un public déjà convaincu, et la Ziltoïd Radio (93.5) est diffusée dans la salle, histoire de patienter un peu. La Ziltoïd Radio, c’est un truc barré, forcément animée par Ziloïd himself qui nous fait partager ses coups de cœurs musicaux.
Et là c’est la surprise. Pas metal pour un sous, la caféinomane semble avoir un goût prononcé pour la dance bien 90’s et le R’n’B. Nous aurons donc la politesse d’écouter du Aqua et son célèbre Barbie Girl, le Mambo N°5 de Lou Bega, une chanson de Beyoncé… De quoi faire marrer l’assistance en hâte de découvrir quel morceau succèdera à l’autre même si l’attente commencera à devenir longue sur la fin. Et ce sont sur les dernières notes d’une chanson de Katy Perry, et 5 litres de sueur plus tard, que le Devin Townsend Project au complet cette fois ci fait son entrée.

Townsend ne manque pas de noter la chaleur et d’appuyer sur, je cite ‘la bonne odeur de couilles d’hommes’ qui a depuis un moment envahit la pièce. Haranguant à tout va le public, l’atmosphère s’électrise et Supercrush, toujours aussi efficace sur scène, constitue une belle entrée en matière quoique desservie par des balances un peu hasardeuses. La musique très dense de Townsend doit être limpide pour être écoutée et assimilée, et malheureusement, la voix, élément essentiel de sa musique, était beaucoup trop en retrait, noyée dans la masse. La grosse caisse manque de précision, la basse claque trop peu, et ces écueils, préjudiciables à la bonne tenue du spectacle ne seront que maigrement corrigés au fil de la soirée. Aussi regrettable que les lights un peu cheap / cabaret, sans doute dûs à la salle elle-même bien sûr, qui manquaient légèrement de précison. Mais fort heureusement, des musiciens très dynamiques (ne vous leurrez pas, le bassiste a fait son bassiste : cheveux dans la tronche, tête baissée, headbang) et un Devin complètement épileptique assurent largement le show, avec son lot de vannes, et de funny faces comme seul ce mec peut les sortir. La proximité du multi-instrumentiste force le respect, jouant à quelques centimètres des premiers rangs, serrant des mains à la volée, multipliant les interactions avec un parterre de metalleux complètement conquis par le son et l’attitude hors-norme de ce frontman comme on en voit rarement (jamais ?).

Kingdom entre en piste, son agressivité aérienne est parfaitement retranscrite et prend une dimension nouvelle une fois exécutée live et deviendra l’un des points forts de la soirée à mon sens. Stand est ensuite interprété pour la toute première fois, et Devin nous fait part de ses doutes quant à la bonne réception du morceau, qui sera timidement accueilli ce soir, à juste titre, le morceau ne trouvant pas vraiment son rythme dans ce déluge de guitares aux riffs un peu brouillons. Juular, également extrait de Deconstruction sera largement plus applaudi, très fantasque, ce track très agressif fait monter la température d’un cran… ce que je ne croyais plus possible compte tenu des désormais 15 litres de sueurs évacués par chaque membre du public.

Présentée d'une manière parodique, la sublime Deadhead fait vibrer la corde sensible du public, et jouit de la première amélioration sonore de la soirée, qui tombe à point nommé. Le concert s’enchaîne et l’ambiance croît d’autant plus que sont traversés Infinity (Truth / OM) et Ziltoïd The Omniscient (By Your Command), largement acclamés par les Parisiens. Life est enfin jouée avec une bonne humeur communicative, le genre de titre qui te file la patate par sa candeur sur disque, et dont l’interprétation sur scène accroît la spontanéité et le plaisir d’être là, tout simplement.

Gaïa, extrait du finalement inaperçu Synchestra n’est pas des plus extraordinaire en live, presque banale en fait, d’autant plus que Bad Devil, véritable hymne pour nombre d’aficionados du Canadien, lui succèdera ce qui finira par rendre le public totalement frénétique. Le titre s’achève et Townsend appuie sur les clichés du metal, par un discours à hurler de rire. Effectivement, il nous confie que le groupe va feindre son départ de scène, attendre gentiment d’être acclamés pour ensuite ‘surprendre’ le public en revenant pour un rappel, bien que chacun soit parfaitement au courant de cette tradition. Il lâche ainsi après ce speech et un temps de pause un ‘Good night Paris’ des plus agressifs, le public scande le nom maître d’œuvre, et miracle, The Devin Townsend Project réapparaît ‘exceptionnellement car (on est) trop sympas’.

Color your World et The Greys s’enchaînent, donnent lieu au magnifique Deep Peace qui apaise les esprits et transporte par la magie de son solo central, sans doute le meilleur composé par le Canadien depuis le début de sa carrière. C’est donc dans une atmosphère des plus douces que Townsend et ses acolytes quittent la scène… pour revenir une fois encore.

Et c’est là le début du bordel organisé à l’occasion du Bend it Like Bender final, totalement apocalyptique et dansant. Apocalyptique car plusieurs membres du public se sont fait inviter sur scène, et malheur à nous, se sont vus attribuer un micro histoire de chanter/couiner/brailler/geindre, ce qui m’a fait regretter pour la première fois de la soirée de ne pas avoir apporté de protections auditives. Dansant néanmoins, car l’excitation générale a gagné la Maroquinerie à cet instant plus qu’à tout autre. Devin ne chantera pas sur ce morceau se contentant de danser un large sourire jusqu’aux oreilles, devenant presque un membre du public, le tout avec une patate monumentale, une énergie qui te fait remuer la tête un sourire abruti collé aux lèvres.

Et ce sera sur cette touche de folie communicative que s’achèvera cette soirée qui fera date pour nombre de personnes présentes ce 12 juin 2011. Une set list proche de la tuerie absolue, une interprétation au cordeau et surtout un frontman décalé, absolu, unique et original, au sens propre du terme, qui a surement donné le show le plus humain et généreux que j’ai eu l’occasion de voir jusqu’à présent. Le spectacle, ne serait-ce que dans son évolution a été dément à l'image de son concepteur, qui a assuré l'attraction à lui seul, dans une grande communion musicale, pleine de saveur et d'intensité. Pas d’aspect groupie dans ces lignes, juste des faits et des sentiments, qui, à en juger par les échos glanés ici et là en sortie de salle, sont partagés par tous. Gageons maintenant que le bougre passera très vite dans nos contrées, et cette fois ci, si vous le pouvez, ne le ratez pas, vous manqueriez de passer un moment de détente, de divertissement et de formidable musique.

Set list solo acoustique :

Coast
Terminal
Fall
Solar Winds
Sister
Ih-Ah!

Set List avec le groupe :
Supercrush!
Kingdom
Stand
Juular
Deadhead
Truth
OM
By Your Command
Life
Gaia
Bad Devil

Rappel :
Color Your World
The Greys
Deep Peace

Rappel 2:
Bend It Like Bender!


Merci à Roger de Base Production pour l'accred.