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jeudi 11 décembre 2014

Sleepytime Gorilla Museum + Prime Sinister + Tusker Seed

La Locomotive - Paris

U-Zine

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Magiciens et illusionnistes du son s’étaient donné rendez-vous ce soir à La Locomotive. Rien de moins qu’une affiche éclectique et folle rassemblant Tusker Seed, Prime Sinister, et surtout les très attendus Sleepytime Gorilla Museum pour leur deuxième venue en France en l’espace de 6 petits mois.
Les Américains, en tête d’affiche, nous reviennent en grande pompe pour la promotion de leur très extravagant In Glorious Times. La grève aura eu raison des pauvres petits usagers que nous sommes, et la Locomotive se trouve inhabituellement vide pour accueillir les deux groupes, chargés de débuter une grande orgie sonore des plus intéressantes.

Les premiers à s’être lancé dans cette joyeuse kermesse musicale ont été les Turker Seed, jeune formation, chargée de réveiller une Loco amorphe et endormie en ce mercredi soir.
Visiblement heureux de se produire sur une grande scène parisienne, le groupe nous propose un métal progressif, alternant soubresauts sonores et instants planants nourries aux accalmies.
Malheureusement la formule ne prend pas, et le groupe se perd dans des compositions sans saveur et sans grande originalité. Ce ne sera ni la guitare aux accords plaqués et répétitifs, ni même la voix d’un chanteur, animé d’une schizophrénie passagère qui nous feront affirmer le contraire. Et quel chanteur ! Chargé de soutenir les compositions du groupe, celui-ci passe le plus clair de son temps à agencer des effets et arrangements parfois inaudibles, et n’hypnotise en aucune mesure son auditoire. Malgré tout, le groupe aura eu le mérite de se présenter devant nous, pour défendre leur propre style et leur propre conception du genre.

Un style à contre-courant du genre proposé par Prime Sinistrer, second groupe présent ce soir. Les anciens Undercover Slut, ayant eu la délicate attention de se réunir autour d’un projet résolument burné et brut de décoffrage. À l’image de son chanteur Pills, le groupe apparaît incisif, enchaînant des compositions principalement tirées de son premier album United In Violence à paraître fin 2008. Des titres tels que « Eat the Fleash », ou « In guns We Trust » laisse planer le spectre d’un Motörhead et d’un Ministry des meilleures heures.
Autour de paroles raillant violemment la société de consommation et une distribution en règle de fuck et consorts (« Son of A Bitch »), les 3 membres nous servent une set-list bourrée d’énergie. Si l’accueil réservé au groupe est en deçà de la performance du trio, Prime Sinister arrive tout de même à nous communiquer sa fougue, comme sur l’excellent « Burn’s Fight » et sa rythmique décapante.
Et comment, ne pas évoquer l’apparition de samples, mariés à la dissonance des guitares sur le titre « The Den Of Demise ». Ils forment inévitablement la marque de fabrique du combo, marquant un côté « indus » qui n’est pas pour nous déplaire. Et même, si l’on aurait apprécié plus de folie dans certains plans, administrés avec minutie, les samples sont diablement hypnotiques et mériterait une place plus conséquente. Une formation, à surveiller de près, animée par l’irrésistible envie d’envoyer un métal sans concessions ni fioritures.

Mais les principaux protagonistes de ce soir furent les membres de Sleepytime Gorilla Museum. Des acteurs, qui autour d’une somptueuse fresque musicale nourrie aux expérimentations et aux pratiques sonores des plus folles, nous ont servi un show des plus palpitants et des plus originaux. Étant peu habitué d’une mise en scène si extravagante dans l’univers des manifestations musicales, les cinq Américains se sont littéralement fondus dans leurs rôles tout en nous servant une heure et demie de compositions délurées et envoûtantes. Même si leur dernier opus, n’a été que très vaguement évoqué au sein de la set-list, Sleepytime a réussi à conquérir un public varié et le plus souvent ébahie devant les arrangements fournies par le groupe (« The Companions »).
Le charisme dégagé par le frontman Nils Frykdahl, demeurait tout aussi impressionnant, lorsque celui-ci plaquait de sa voix éraillée, les délicieuses paroles d’un "Sleep Is Wrong" ou d’un "A Hymn To The Mourning Star". Habiles de leur dix doigts, ils n’ont pas manqué de nous perdre dans des structures alambiquées et martelées en règle par Matthias et Michael les deux cogneurs du groupe. L’apparition d’instruments élaborés par le groupe lui-même fut tout aussi impressionnant et déroutant. Allant de sonorités synthétiques en structures atypiques ("Angle Of Repose"), la formation s’est révélée ce soir sous son meilleur jour, venant et réellement grossir les rangs des groupes les plus barrés de la planète. Et l’épreuve du live que l’on aurait pu penser délicate, se révèle être encore plus folle en fin de set, emmené par cinq fous furieux de l’expérimentation et du grand guignolesque. Peinturlurés comme jamais, accessible envers son public, et se permettant même quelques railleries et plaisanteries avec un solo de ronflements de 5 minutes (si si !), le groupe s’amuse et prend un malin plaisir à emprunter des chemins sonores de plus en plus sinueux ("Phthisis"). Le temps s’est arrêté ce soir à la Locomotive, nous plongeant dans un véritable conte sonore à des années-lumière du conformisme et de tout ce qui nous avait été donné d’écouter auparavant.