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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Locus Neminis

Weltenwanderung

LabelAuto-Production
styleBlack Metal Stellaire
formatAlbum
paysAutriche
sortieaoût 2012
La note de
U-Zine
9/10


U-Zine

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Le vide et le no-man’s-land. Locus Neminis. L’absence d’existence. La fin en soi de tout, de la matière, de la création et de la destruction. Le néant. Un concept en soi impensable concrètement puisque la notion même de pensée rattache à une existence tout au moins matérielle. Un concept si vaste, effrayant et étouffant que des autrichiens ont tenté de le mettre en musique…en répondant logiquement au nom de Locus Neminis.

Suite à une première demo passée assez logiquement inaperçue dans nos terres, c’est avec un énorme pavé dans la mare qu’arrive Locus Neminis, armé de son "Weltenwanderung" surpuissant, inspiré, novateur et extrêmement personnel pour un premier opus, de plus complètement autoproduit et non signé sur un label.
La production, réalisée par le guitariste F.E, est une aura sombre et constamment lumineuse, se créant tel un vortex puisant sa force et sa puissance du vide de l’espace. Glacial et stellaire, le black metal du groupe, ainsi que sa production, s’octroient le droit de voguer vers des horizons industriels et mécaniques, correspondant parfaitement à l’ambiance déployée.

"Weltenwanderung" est un monde saisissant de contrastes, où la terreur renvoie à la beauté, où le vide emmène vers des contrées intensément lointaines et où la brutalité desserre parfois son étau pour sombrer dans une profonde mélancolie, une introspection négative et dépressive. Le sublime "Ein Neuer Anfang" en est le meilleur exemple puisqu’il s’ouvre sur un phrasé mélancolique et lent que Dornenreich ne renierait pas. La voix murmurée de Xarius apparait fatiguée, au bord du gouffre…pendant que la batterie dresse un portrait mécanique mais encore surmontable avant l’assaut fulgurant qui s’apprête à envahir l’atmosphère. Le hurlement se fait entendre, hurlé et hurlant, attaché à un blast beat monstrueusement rapide tandis que les guitares et les claviers continuent de déclamer la même lenteur, la même dépression…cette sensation de désespoir intense. Le morceau prend parfois des intonations death metal dans l’articulation des vocaux, mais la puissance émotionnelle qui se dégage de la musique et du chant criard de Xarius, ainsi que des atmosphères oniriques et glaciales de Antimaterie (claviers) échappent à toutes règles, à toutes étiquettes. L’écoute du titre track est également une vision intense sur le vide, tant l’auditeur plonge dans cette ambiance d’abord suffocante dans son agressivité et sa compacité pour finalement s’élever doucement ailleurs, pour partir très loin par l’intermédiaire de ces arpèges acoustiques et de ces soli mélodiques et techniques qui, une nouvelle fois, échappent complètement à l’étiquette traditionnelle du black metal.

La perfection et l’intelligence de la production font que les sonorités industrielles et inhumaines parviennent à créer des sensations nous touchant au plus profond de nous, de nos peurs et de nos souvenirs, comme une ancienne plaie qui referait surface pour mieux s’ouvrir encore. Locus Neminis nous offre l’illusion de se perdre en plein espace, dans le vide intersidéral où l’absence de tout permet paradoxalement l’expression d’un maximalisme d’émotions. "Wenn Die Nacht Den Tag Verdraengt" fragilise l’auditeur, le rend sensible et à fleur de peau pour mieux le toucher au cœur. Le chant black de Xarius est exceptionnel de variations et de versatilité, autant qu’il impressionne par sa faculté à peindre des émotions humaines à travers sa noirceur et son aspect glacial.

L’album est une longue chute où chaque composition est une partie essentielle mais indispensable à l’ensemble pour correctement fonctionné, à l’instar d’un puzzle géant ou d’une machinerie complexe où chaque rouage aurait sa place précise. L’influence de Darkspace y apparait parfois comme prédominante, notamment à l’écoute des nappes éthérées et sublimes de "Wanduhr", ou encore lors des phases spatiales du destructeur et très violent "Spiegelbild Der Vergangenheit", ouvrant ce voyage avec furie, technique et chaos.
Comme point de non-retour, "Weltenwanderung" trouve sa révérence, son point culminant et son apogée dans un "Die Begegnung" de vingt-quatre minutes, à la tournure progressive et symphonique plus prenante que jamais, immersive et puissante. La musique devient une entité vivante permettant le voyage de l’esprit, même si ce dernier devra accepter la souffrance et la douleur de certains clichés photographiques heurtant. Débutant sur une pluie de blast, de soli et de hurlements effrénés, perpétué par des riffs tranchants et destructeurs, le morceau sombre peu à peu dans un environnement toujours plus hostile, chaotique et désespéré. Puis vient ce fameux vide…ce silence, ce creux, cette absence de vie ressentit comme un malaise mais également un soulagement à travers la musique…antinomie de beauté et de terreur mêlée par des nappes de claviers spatiales et contemplatives. La violence ressurgit alors de la torpeur et du vide pour frapper plus violemment et sournoisement encore, le malaise agrémenté d’une production plus synthétique et pesante encore, irrémédiablement industrielle et mécanique, écrasante et inéluctable tel le rouage d’un engrenage qui, de toute façon, se doit de vous broyer en deux. Puis le silence revint…le chaos a fait son œuvre…funestement…

Locus Neminis termine son premier périple dans une osmose musicale et émotionnelle rare si l’on prend de plus en compte le fait que la majorité de ces musiciens sont jeunes et relativement inexpérimentés sur la scène metal. A la fois artistiquement impressionnant, techniquement impeccables et musicalement novateurs, le sextette autrichien dispose entre les mains d’un disque qui est déjà prêt pour participer à sa renommée sur la scène internationale. Probablement n’en ont-ils pas encore conscience, mais le règne de Locus Neminis pourrait être plus proche et se répandre plus vite qu’eux-même le croient…laissez-vous baigner…le voyage pour un aller simple le plus rapide vers l’effroi se nomme "Weltenwanderung".

1. Spiegelbild der Vergangenheit
2. Weltenwanderung
3. Wenn die Nacht den Tag Verdrängt
4. Ein Neuer Anfang
5. Wanduhr
6. Totes Licht
7. Mut zum Letzten Schritt
8. Virus
9. Die Begegnung