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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

She Said Destroy

Bleeding Fiction

LabelMas-Kina Recordings
styleDeath prog / Atmosphérique
formatAlbum
paysNorvège
sortiejanvier 2011
La note de
U-Zine
7.5/10


U-Zine

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Le coup de l’unique plage d’une demi-heure, je ne m’attendais clairement pas à ce que She Said Destroy nous le fasse. On le connaît ce genre là, ce ne sont pas les premiers à le faire, ce ne seront pas les derniers, mais l’exercice en lui-même, s’il s’avère aussi casse-gueule qu’ambitieux, ne se prête pas à tous les groupes, à tous les styles.
She Said Destroy, vous le savez, est en odeur de sainteté par chez nous, et Time Like Vines et son successeur, This City Speaks in Tongue m’ont plus personnellement foutu deux baffes successives, qui tournent encore régulièrement dans ma platine. Le groupe avait cette particularité qu’il parvenait avec une aisance manifeste à composer tout en déstructurant les carcans musicaux, en exacerbant les mélodies déchirantes, et s’est livré sur deux skeuds successifs à une impressionnante démonstration de brutalité maîtrisé, d’intellectualisation de l’émotion brute, sincère.

S’il ne s’est en revanche jamais illustré par son accessibilité, She Said Destroy a toujours demandé une implication de l’auditeur pour être assimilé et finalement apprécié pour sa richesse ahurissante, la formation est un groupe de grand talent, bref, une pépite dans l’univers métal.
Bleeding Fiction, EP disponible en téléchargement, marque donc le retour attendu du quatuor Norvégien. Et une seule piste-titre,donc.
Et difficile à dire, ou à décrire, mais c’est une déception partielle. Non pas que la demi-heure soit longue, chiante, mal foutue, mais à l’issue des écoutes de la rondelle, on a le sentiment que les étapes du morceau auraient gagné à être morcelées là où elles ont été fusionnées. Etrangement, et même si des motifs récurents se portent garant de l’unité réelle du titre, cette piste unique s’apparente à une carte de visite un peu frileuse du potentiel hallucinant du groupe, qui diffuse ici un peu de son essence, hautement plus parfumée sur les précédents opus, qu’à un titre à prendre dans son ensemble.

Ce n’est pas un problème de cohérence, bien entendu, She Said Destroy, ce n’est pas une couille de composition, la demi-heure, on ne la voit pas passer, jamais l’impression d’une longévité artificielle ne pointe le bout de son nez. On retrouve ici un peu de la griffe du groupe, qui n’a jamais hésité dans ses assauts de brutalité à épouser des contours plus doux et atmosphériques, acoustiques également, Bleeding Fiction ne déroge pas à la règle, mais a largement ralenti la cadence, et s’oriente davantage vers la pesanteur des claviers, qui occupent une place assez prépondérante au long du disque. Moins technique que par le passé, She Said Destroy creuse ici davantage l’émotion et la noirceur, à grand renforts de hurlements déchirants, de passages shoegaze/postcore, de guitares lourdes et crasses, on retrouve ici les sensations poignantes procurées par les passages les plus éclatants des albums précédents, les sonorités quant à elles, font systématiquement mouche, les Norvégiens ont un sens de la mélodie toujours aussi imparable, et parviennent à intégrer l’acoustique d’une splendide tristesse à des structures plus lourdes et agressives, sans aspérités.

Le problème, comme évoqué plus haut, c’est que l’on aurait préféré que le groupe développe chacune des parties du morceau pour en créer un nouveau à chaque variante, Bleeding Fiction disperse des éléments musicaux propres aux capacités du ses géniteurs, mais aurait gagné a aller plus avant dans la démarche, proposer un univers propre a pas mal de ses structures.

Certes, l’état d’esprit de la chronique est largement conditionné par ce que je sais de Time Like Vines et de This City Speaks in Tongue, et aussi par l’affection que je porte à ces deux tueries, et pris pour ce qu’il est, un EP en somme, on navigue largement au dessus du panier tant le groupe a du talent. Mais la plage unique ne colle pas spécialement à l’identité de She Said Destroy, le mid-tempo n’est pas contrasté par la célérité comme auparavant, et cela fait légèrement défaut. Paradoxalement, le groupe devient plus facile sur cet EP, a largement épuré la technicité au profit d’une émotion plus démonstrative (pourtant le groupe n’a jamais été très jouasse), gagnant ainsi en accessibilité ce qu’il perd en participation active de l’auditeur, qui prendra néanmoins beaucoup de plaisir à parcourir Bleeding Fiction, qui loin d’être mauvais, sais varier les plaisirs sans jamais lasser, et rares sont les groupes capables d’écrire des pistes de cet acabit avec la même fluidité qui frôle l’indécence.

Reste à savoir désormais comment le groupe va évoluer sur son prochain album, si Bleeding Fiction est la preuve d’une volonté de lever le pied pour se focaliser sur l’ambiance, ou s’il n’est rien d’autre que ce qu’il est, une plaisante excursion, souvent belle à en pleurer, dans les affres les plus sombres de la décidément talentueuse formation Norvégienne.

1. Bleeding Fiction

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