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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Craving

Fucked Up Beyond Repair

LabelAutoproduction
styleMetalcore fâché
formatAlbum
paysFrance
sortieavril 2011
La note de
U-Zine
6.5/10


U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

La Région Centre est au métal ce que le Diable est au Bon Dieu.

Voilà qui est dit publiquement, voilà qui est un fait. Région dissuasive de toute véhémence musicale, condamnée pour tout un chacun à errer sans but à atteindre, la peu riante région Centre n’offre qu’un terreau peu malléable et encore moins fertile au metal.

Pourtant, certains ne se laissent pas décourager par le statisme et la résignation inhérente à leurs origines et osent s’investir et investir dans une musique et une âme, et Craving est de ceux-là. Quid alors de ce groupe Eurélien ? Nul besoin de tergiverser, Craving tape dans le metalcore énervé, entendez par là les bases qui fondent le genre. Craving, c’est l’habile mix d’une gratte dont la mélodie s’articule autour de notes plus graves et agressives, le tout haché par quelques ‘breakdowns’ (comme disent les djeunz) pour rythmer le tout, du metalcore, quoi.
Alors oui, genre émergent d’il y a si peu de temps, le Metalcore accuse d’une nette baisse de vitesse. Noyé dans la masse grouillante de combos surproduits par de grosses écuries tentant de surfer sur la vague populaire du style, le Metalcore s’est égaré au point même d’en devenir une blague, excepté pour les fans hardcore du genre. Partant de ce postulat, quel élément permettrait à Craving de tirer son épingle du jeu labyrinthique de groupes qui se font et se défont ?
Fucked Up Beyond Repair et sa pochette aux doux accents rétro tendance désinhibé intrigue de prime abord. Belle pochette, beau son. Pas pour autant explosif, le son de Craving reste bien branlé, esquive l’amateurisme, sans résonner comme un blockbuster made in US, mais qui fonctionne plutôt bien sur les 6 morceaux qui traversent l’opus.
La teneur générale de la rondelle ne fleure pas spécialement la nouveauté. Déjà entendu avec un traitement hautement plus hargneux Craving part avec le handicap difficilement surmontable du groupe plein de bonne volonté, inspiré et excessivement motivé, mais qui aurait eu le malheur de manier la hache après la bataille.
Car oui, Craving, sur les 5 premiers morceaux tabasse efficacement, certes, mais traverse des terrains trop balisés pour s’extirper de la masse grouillante et un poil sclérosée du metalcore traditionnel.
Le riffing et la construction sont là, c’est carré et en place, la rythmique est pertinente et le mix laisse s’exprimer chaque instrument, l’équilibre est habilement trouvé, d’autant plus intelligent qu’il s’agit là d’une démo . Craving semble connaître son affaire, Raphaël, hurleur en chef est très en poumons et quasi-épileptique tant il prédomine l’opus, au risque peut-être d’entraver le plein-emploi de l’instrumental. Mais…
Mais les 5 premiers titres, s’ils font headbanguer, ne sont pas suffisants pour séduire et claquer, et tout juste, au début, vous feront-il sourciller de plaisir tant vous penserez que l’ensemble est convenu et un peu trop dans la retenue.
Car c'est vraiment dans sa phase la plus agressive que se révèle le potentiel véritable de Craving.

Vous auriez tort de ne pas pousser l’audition jusqu’au Yaya dont l’absurdité du titre est inversement proportionnelle à la qualité du morceau. Alors que tout laissait à penser que Craving n’était qu’un groupe de metalcore ‘de plus’, un poil trop timide et trop conventionné, Yaya intervient et Craving explose autant qu’il frustre tant ce morceau est le témoin idéal d’un potentiel sous-exploité. Légèrement déconstruit, transpirant la folie et l’énergie, le track envoie le bois et vous fera sauter du siège.
L’architecture du morceau est fort bien pensée, la montée en puissance à mi-parcours et son explosion – quoiqu’un peu trop abrupte –reste efficace et fait montre d’une capacité réelle du combo à éclater des sentiers fort peu balisés auparavant, et prouve avec succès que le groupe se révèle vraiment dans la folie et la brutalité.

En somme, Fucked Up Beyond Repair aurait pu tout avoir de la demo imparable. Les trop nombreuses redites de groupes d’ores et déjà implantés empêchent l’auditeur d’être pleinement conquis, mais, Yaya entre autres et surtout, sa frénésie et son traitement accéléré est un gage de qualité qui mérite largement d’être écouté, et pleinement encouragé, qui justifie par ailleurs à l'acquisition de l'album.
Pour finir, on sent les tripes, la spontanéité et la sincérité chez Craving, il ne leur manque plus qu’une légère maturité pour peaufiner leur meilleur et se départir d’influences trop prononcées.

Forgez vous un avis, et si vous avez parcouru ces lignes, ruez vous sur un Fucked Up Beyond Repair à fort volume, histoire de vous péter quelques cervicales, avec l'indicible envie d'entendre la suite. A suivre avec l'espoir que les Français trouveront pleinement leurs marques et prendront leur véritable envol, car le talent, lui est bien là.

1. Bed Romanz
2. Chili Con Carnage
3. Fucked Up Beyond Repair
4. Kräken
5. Kalashnimosh
6. Yaya