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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Xerath

II

LabelCandlelight Records
styleExtreme Symphonic Metal
formatAlbum
paysRoyaume-Uni
sortiemai 2011
La note de
U-Zine
9/10


U-Zine

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Le visage prostré, vidé d’espérance, perdu dans des cheveux épais et sales, puant la crasse, la sueur et la violence ; elle observe et contemple l’étendu du désastre. Ce monde mort, détruit et archaïque, réduit à cet immense champ de friches sans limite qui se dresse devant son regard d’enfant.
Réduite à sa complète solitude, elle pleure en silence. Pleure d’une existence broyée, d’un destin annihilé et d’une humanité ravagée par le cataclysme nucléaire d’une aberration schizophrénique.
Au sommet d’une décadence ayant franchie les limites de l’acceptabilité sociale, l’humanité s’est sordidement écroulée sous sa propre masse aussi informe qu’inadaptée à un quelconque désordre. S’ensuivit un âge de chaos, de dépression et de brutalité sourde…et elle pleure…la jeune fille pleure en observant ce monde qui vit et grouille, tels des fourmis minuscules, dans la dépravation et la déchéance. Cette jeune fille ; une entité l’évoque en l’érigeant à l’image d’un symbole : Xerath.

Auteur d’un premier album fortement prometteur, à l’imagerie travaillée, au concept astucieusement ficelé et à la composition inhabituellement aboutie, les britanniques osaient mélanger le mathcore actuel très technique d’un Meshuggah avec les expérimentations d’un Strapping Young Lad, l’industrialité d’un Fear Factory avec des plans symphoniques et musicaux typiquement cinématographiques que des compositeurs tels que Howard Shore ou John Williams (parfois même James Horner dans les élans plus positifs) ne renieraient pas.
Sobrement intitulé "II", ce second opus s’entend aller encore plus loin dans la recherche musicale des anglais, qui signent ici une œuvre à part entière, au concept et à l’approche lyrique monstrueuse. Quelques semaines après le retour grandiose et ostentatoire des titans grecs de Septic Flesh, Xerath livre ce qui se définira comme l’un des albums de l’année dans le genre (derrière "The Great Mass" tout de même), tant le groupe ici a été plus loin que "I" sur tous les aspects. Plus épique, plus symphonique, plus extrême, plus progressif, plus technique, plus créatif, plus unique, plus personnel…

Xerath quitte l’image que l’on pouvait avoir de lui, à savoir un immense patchwork d’influences auquel on aurait passivement ajouté des ambiances symphoniques pour faire du neuf. Il n’en est plus rien ici, tant la personnalité du quatuor explose.
Très lourd, technique et syncopé, les riffs s’opposent à des symphonies plus dantesques que jamais, très pures et ambitieuses, souvent oniriques pour contrebalancer avec la violence et la rugosité des guitares, d’un son très lourd (quelle production stupéfiante que ce jeune groupe réalise là…l’utilisation des samples est incroyable tant cela sonne vrai) et de vocaux enragés et brutaux, où quelques chants clairs parviennent parfois à s’infiltrer.

Un morceau comme "God of the Frontliness" dévoile tout ce que Xerath est capable de faire. Un riff épais et démesurément lourd, tout en restant incroyablement accessible et simple à capter (headbang excessivement conseillé), accueille l’auditeur qui est rapidement agressé par Richard Thomson, dont les progrès sont stupéfiants. Très agressive et arrachée, sa voix n’est pas sans évoquée les délires vocaux du génial Devin Townsend sur le "Alien" de Strapping Yound Lad. Les symphonies dressent un portrait plus sombre et tragique de la musique, qui en devient oppressante et inéluctable, presque fatale et si écrasante que l’auditeur ressent instantanément tout le chaos du monde dépeint par le groupe.
Dans cette noirceur et cette violence, Xerath parvient pourtant presque toujours à en extraire une infinie beauté, un romantisme torturé et une grandiloquence contemplative qui laisse entrevoir un léger espoir.

Trop complexe pour être décrit de manière exhaustive, "II" est un chef d’œuvre jouissif qui surprend de morceau en morceau pour atteindre sa quintessence sur chacune des dix compositions de cet album. "Reform III" (suite des deux autres "Reform" sur "I") surprend par sa brutalité excessive, ses accélérations absolues de batterie, ses riffs tordus et techniques et surtout cette voix déchainée et inhumaine, semant chaos et destruction sur son passage. Comment ne pas lever les yeux au ciel face à ce mini break de basse cassant complètement le morceau pour repartir sur un riff encore plus chaotique et technique, d’où s’échappe ensuite une envolée de cuivres semant le glas et l’hégémonie d’une espèce à l’agonie.

Les anglais font parfois émaner un visage plus extrême mais paradoxalement moins agressif. "Enemy Incited Armageddon" distille ainsi les riffs les plus black de l’album, très rapides et sombres, tout en laissant planer une atmosphère de mort et d’armageddon sur ce champ de bataille. Les blasts, les accélérations et les soli s’enchainent tout au long de sept minutes dantesques où Xerath semble devenir l’un des plus impressionnants groupes de ces dernières années. Qui auraient pu les attendre à un tel niveau ?
Il semble que les britanniques n’aient ici reculé devant rien (ce break à la Danny Elfman…) et aient enfin osé laisser aller leur imagination au-delà de schémas restrictifs, en découle des compositions beaucoup plus longues allant toutes entre cinq et neuf minutes.

"The Call to Arms" se veut par exemple plus intense dans ses orchestrations, très présentes, rapides et saccadées, tandis que "Unite to Defy", le premier morceau, dévoile un paysage grandiose et épique. Les arrangements se font très imposants, afin de décrire ce paysage désolé et immense, où s’y infiltre progressivement chaos et mort, où le chant extrême vient ronger les songes évoqués par l’introduction du morceau. Quand au solo de "Numbered Among", il exprime toute la sensibilité de ces huit-cordistes à installer une profonde mélancolie et une grande beauté à travers une fluidité de notes superbes, loin d’un quelconque déluge superficiel sans âme.

Xerath frappe si fort avec ce second album que même plusieurs semaines après l’avoir découvert, croire en avoir fait le tour serait une erreur. De ces constructions complexes, de ces arrangements multiples (orchestrations, chœurs, chants féminins, soli…), de cette production monumentale et de cette interprétation proche de la perfection : on retiendra la volonté d’un jeune groupe de réaliser une œuvre à part entière, faite de grandeur, de décadence et d’une certaine prétention ici tout à fait positive. Assurément l’une des grandes découvertes de cette année, et probablement l’un des ces albums qui marqueront…
Le manquer serait déjà une erreur…

1. Unite to Defy
2. God of the Frontlines
3. Reform III
4. The Call to Arms
5. Machine Insurgency
6. Sworn to Sacrifice
7. Enemy Incited Armageddon
8. Nuclear Self Eradication
9. Numbered Among the Dead
10. The Glorious Death

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