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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

System Divide

The Conscious Sedation

LabelMetal Blade Records
styleDeath Brutal Mélodique
formatAlbum
paysInternational
sortieseptembre 2010
La note de
U-Zine
8.5/10


U-Zine

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Une envie d’ailleurs…

Il est évident que la lassitude d’un grand groupe, de renommée internationale, peut parfois instaurer chez un artiste un implacable désir de produire autre chose, de se délester des chaines d’un patronyme parfois trop imposant pour se vouloir réellement et complètement libre.
Épuisé des conventions et stéréotypes attendus par l’entité qui l’a rendu célèbre, l’artiste tente donc de s’offrir un surplus d’oxygène et de liberté afin de s’épanouir dans les grandes largeurs. Souvent contesté, ce type de projet parallèle s’éloigne parfois radicalement du style pratiqué originellement pour justement voguer vers des horizons musicaux différents, plus variés et ouverts.
Dans le cas de Sven De Caluwé, s’éloigner d’Aborted devenait une nécessité au fur et à mesure que l’identité même du groupe de brutal death s’étiolait avec le temps, s’éloignant du gore d’antan pour s’orienter vers un métal plus mélodique, travaillé et technique, moins radicalement extrême. C’est dans ce cadre que System Divide vit le jour…

Une envie de mélodie…

Lorsque Sven évoque la naissance de System Divide, début 2009, le vocaliste déclare qu’il partagera ici le chant. Nouvelle d’autant plus surprenante que le vocaliste de brutal death sera couplé à celui de sa compagne, la chanteuse Miri Milman, notamment connu pour son travail dans Orphaned Land et Distorded. Rapidement, un premier ep sort dans un relatif anonymat, puis, à peine un an plus tard, "The Conscious Sedation" sur Metal Blade. A l’intérieur de ce all star band ce sont ajoutés l’ancien guitariste d’Abigail Williams et une section rythmique ayant fait les armes dans de nombreux groupes death. L’expérience est clairement de mise, et les musiciens, sous la houlette d’un Sven ayant tout composé avec sa compère féminine, semblent savoir clairement où aller.
Se présenter sous une superbe pochette, très moderne et éloignée des travaux sanglants d’Aborted, la blancheur de l’artwork ainsi que son concept dévoilent une approche plus accessible, tout en dressant un portrait sans concession de la société actuelle et son impossibilité à penser individuellement. Cette sédation volontaire, infligée par l’intermédiaire de la télévision, s’infiltrant en nous pour endormir notre sens critique et notre capacité d’analyse pour simplement accepter l’inacceptable autour de nous. C’est avec ce concept ambitieux, que System Divide, sous le joug d’un brutal death mélodique (oui c’est nouveau et antinomique) assène ses coups avec sauvagerie, intelligence et créativité pour, sans être foncièrement révolutionnaire, proposer une musique neuve et fraiche.

Une envie d’alchimie…

Dès "Vagaries Of Perception", le constat est clair : Sven n’a pas pris la composition à la légère et c’est une création de haute volée qu’il nous a concocté. Partant d’un death métal souvent mélodique, aux accélérations furieuses et intenses, System Divide évolue au travers d’un art compulsif entre violence et mélancolie. Si le timbre de Sven est fidèle aux dernières réalisations d’Aborted, entre son chant porcin quasi grind et son growl caverneux reconnaissable entre mille, celui de Miri surprend en s’intégrant parfaitement à la musique, sans jamais faire défaut ni mièvre. La production garde de plus une couleur très européenne, massive mais claire, loin d’une orientation que l’on aurait pu croire plus américaine, misant sur les basses et un mixage très lourd…la musique n’est clairement pas metalcore.
"Vagaries of Perception" débarque sur un hurlement de Sven et un blast ultra rapide qui, sur l’instant, nous plonge en plein univers death brutal. Les riffs sont incisifs et directs, la batterie alterne entre double pédale et accélération…puis Miri pose sa voix sur un refrain stratosphérique, envoyé en orbite par un blast ultra rapide et jouissif, laissant entendre combien l’alchimie des vocaux peut s’avérer destructrice. Une voix claire, cristalline, à rapprocher parfois de Sabine Edelsbacher (Edenbridge) qui semble être faites pour se marier avec celle de Sven.

Parfois plus industriels, les arrangements apportent une touche très importante à la musique de System Divide, en la sortant indiscutablement de la meute death mélodique actuelle, pour peu que l’on distingue le groupe dans cette case. "(N)esther" se veut dans ce contexte beaucoup plus mélancolique et lente (dans le cadre du groupe évidemment) tandis que l’éponyme "The Conscious Sedation" développe une atmosphère plus crade et maladive, faites de riffs lents et syncopés et d’arrangements futuristes aux claviers. "An Intoxicating Affair" s’ouvre sur des sons triturés avant de laisser s’épanouir un riff que l’on croirait tout droit sorti de Strychnine.213. Le chant de Miri prend plus d’espace, notamment sur les couplets, partagés avec un Sven particulièrement incisif sur ses entames vocales, de plus misent en valeur par des décélérations rythmiques. Un solo vient rapidement déchirer la production, toujours dans la veine d’un "135", avant un refrain très mélodique et assimilable, taillé dans le roc pour le live.

Une envie de mélancolie…

Autre détail non négligeable de System Divide ; sa forte propension à utiliser le piano sur le final des compositions. Si Miri contient en elle une mélancolie naturelle (le sublime refrain d’"Echoes" ou les lignes vocales du très mélodique "Hollow"), l’album n’hésite pas, notamment sur "Stagnant Progression" qui, s’il débute brutalement, se veut être une longue descente minimaliste. Long de sept minutes, System Divide y exploite là peut-être l’avenir de son expression musicale, plus originale encore et moins proche du groupe principal de son leader.
Plus ramassé, armé de redoutables soli techniques, d’une double pédale écrasante, de beat de caisse claire très inspirés et surtout de ce long passage au piano fermant le disque. Une sorte d’aliénation émane du riff le précédant, hypnotisant et quelque peu dérangeant…avant cette sensation de plénitude, de minimalisme ambiant, de chagrin et de finitude.

Une envie…

C’est presque à ceci que l’on pourrait résumer l’existence même de ce projet. Une envie de Sven de se faire plaisir, de sortir des barreaux d’un Aborted qui, lorsqu’il bifurquait légèrement sa route préétablie, provoquait moult aberrations à travers la scène. Ainsi, c’est sans pression ni attente du public que "The Conscious Sedation" fut composé et enregistré, sans anxiété. Il en ressort une cohérence, une envie et une créativité faisant plaisir à entendre en ces temps mornes concernant un monde en proie aux conventions.
C’est dans le plaisir, l’absence d’appréhension et la liberté d’un jeune musicien dont personne n’attend rien que Sven semble avoir retrouvé une nouvelle jeunesse. Un plaisir qui, après des années, est parfois oublié de musiciens devenant autant des hommes d’affaires que des artistes, et en oubliant l’essentiel et l’essence même de leur passion. Une simple envie…


1. Vagaries of Perception
2. An Intoxicating Affair
3. Echoes
4. The Apex Doctrine
5. Lethargy
6. (N)Ether
7. Hollow
8. Purity in Imperfection
9. Repent/Forget
10. The Conscious Sedation
11. Stagnant Progression

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