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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Totalselfhatred

Apocalypse in Your Heart

LabelOsmose
styleBlack Metal Depressif
formatAlbum
paysFinlande
sortiefévrier 2011
La note de
U-Zine
9/10


U-Zine

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Souffrance, haine et misanthropie…
Il semble que des êtres aiment à se repaitre et se morfondre dans une anomalie émotionnelle conditionnée à base d’amour et de rancune, d’une violence interne si forte qu’elle en devient irréparablement autodestructrice. Si le thème fut placé entre les mains de nombreux philosophes, tout autant que l’origine du mal mis entre les mains de Rousseau ou la psychanalyse intellectuelle de Freud.
TotalSelfHatred a érigé le sujet au statut de concept global, ne vivant que pour cette haine redirigée vers son propre géniteur et non vers l’individu responsable de cet état d’émotion. Projet de l’ombre, créature rampante et emplie de douleur, les âmes damnées et impersonnelles d’A et C (bien que l’on connaisse l’identité du vocaliste de Horna) ont donné vie à un monstre éponyme, paru voici trois ans, traumatisant de souffrance humaine et de beauté black metal. Réussissant l’exploit d’allié le minimalisme, l’apaisement et l’aspect planant du piano à un black metal rugueux et abrasif, tranchant et épais tout autant que ne peux l’être une lame de rasoir qui, lentement, tranche les veines d’où se répandront le précieux liquide vital. TotalSelfHatred avait, en sept compositions, donné presque autant que moult artistes en une carrière complète, alliant la sensibilité à la mélancolie, la beauté à la noirceur, la dépression à la perdition…

Quelques notes de piano…

L’horreur de la vie humaine, de cette existence si triste qu’il en devient impératif d’y mettre fin…

Si TotalSelfHatred avait fait du piano un instrument porté à une dimension presque jamais atteinte dans le black metal (n’évoquons pas les claviers, obsolètes dans le cas présent), l’arrivée d’une réelle pianiste en la présence de M, pour le second opus, assurait visiblement une envie de placer l’instrument à une dimension encore supérieure.
Maintes et maintes fois repoussé, comme maintenu par ses créateurs pour ne pas être placé sous le feu de projecteurs ne lui convenant guère, Apocalypse in Your Heart, au patronyme hautement symbolique, voit finalement la lumière noire de notre monde en ce début d’année 2011.
Esthétiquement, de nombreux changements sont à signaler, entre un logo remanié et une teinte étant passée d’un bleu glacial à un rouge ardent, comme pour annoncer un cataclysme à venir à l’écoute de cette bête furieuse enfermée dans cette si impersonnelle galette miroir.
Cataclysme sera le terme récurrent de ce second volet tant la violence, le chaos et le néant semblent s’y être engouffrés. La mélancolie latente, la souffrance rampante et contemplative du premier album a laissé place à l’étape supérieure : l’annihilation du mal par le mal ; à savoir une violence et une intensité beaucoup plus soutenue.

Si une véritable pianiste participe à l’album, la place du précieux sésame s’est paradoxalement réduit à l’extrême, se contentant de modestes passages poétiques, au profit d’une violence sourde et assommante, d’une production plus sale et organique armées de blast-beats intenses et brutaux, menés par les vocaux déchirés et inhumains de A et C. Moins exilé que sur le premier album, le piano trouve aujourd’hui une place qui lui est propre dans le mix, sans que les autres instruments n’aient à se taire en sa présence, s’engouffrant dans une entité globale, où la basse par exemple, y trouve également une place de choix, comme pour souligner cette gravité quasi céleste qui habite l’album et rapidement l’auditeur. Les guitares, toujours au nombre de trois, écrasent l’auditeur sous un mur sourd et guerrier, vidant son entourage pour rapidement l’isoler de son monde extérieur et le placer face à son propre for intérieur, à l’omniprésence de son vide, à la grandeur de sa déchéance…tout ressort, comme vomi des pores de notre peau, véhiculé par ces passages parfois plus lents, laissant énormément d’espace à la basse et aux chants (qu’il soit narratif, hurlé, déclamé, black, death…simplement humain…).

L’ouverture d’"Apocalypse" varie dans ce sens radicalement avec celle d’"Enlightment", brutale et débutant sur un blast, sans préambule, nous précipitant directement dans la violence et les tourments d’hommes perturbés et perdus dans les vestiges de leurs douleurs. Les riffs, ciselant et précis, gagnent en densité grâce à une production chaude et humaine, aux imperfections volontaires lui offrant une vision plus âpre et rugueuse. A l’inverse de cette introduction volcanique, de longues et superbes parties acoustiques tissent une toile sur des compositions comme "Anything" ou "Dripping Melancholy", déchirantes de beauté et de souffrance, particulièrement dans la dualité, voir l’oxymore vocale liant la souffrance à la mort, les râles à la haine, la perdition au meurtre…Cette sensation impure de trouver la beauté là où la laideur domine ressurgit de plus belle, à l’instar de leur premier méfait, comme un honneur à la philosophie qui anima Baudelaire dans sa vie libertine.

Le symbolique "At War with Myself", plus black metal dans l’esprit, laisse évoluer les vocaux écorchés et scarificateurs de Corvus, mis en exergue sur des breaks ambiants et plaintifs, presque mélodiques, où les arpèges se posent délicatement sur une narration désabusée d’où s’échappent parfois, naturellement, des hurlements de désarroi et de lassitude d’une vie brisée. TotalSelfHatred tire sa force de ce naturel profond, de cette sensibilité exacerbée et à fleur de peau, laissant loin derrière lui la sensation d’enregistrement au profit d’une dimension live et unique, comme si chaque prise était la première, et la seconde différente…comme le cœur veut que l’émotion sorte. Ainsi, "Teardrop into Eternity" délivre une connotation initialement plus positive, notamment dans l’harmonisation du piano, rapidement rattrapée par un mur obscur et hostile de guitare, et des vocaux ici proche de la rupture et des breaks très progressifs, rock et décharnés dans l’esprit, à l’instar d’un spectre lointain et brumeux.

Le très violent et intense "Ascension", aux riffs directs et tortueux, malsains à l’extrême, forme une parfaite antinomie avec le final "Cold Room Starstained", plus proche du morceau TotalSelfHatred, débutant sur des sonorités lentes que l’on pourrait presque rapprocher de Pink Floyd. Une longue montée en puissance de plus de huit minutes qui palpite en nous, au rythme des pulsations cardiaques d’une batterie en constant mouvements, de riffs aliénants et stridents et de cris si humains qu’ils en deviennent difficiles à supporter, s’approchant même parfois de Kvarforth. Les deux vocalistes fusionnent et entament une symphonie glauque où les émotions autodestructrices s’entremêlent pour offrir une sorte de lien avec l’au-delà, l’ultime passerelle avant la fin, lorsque la vie ne tient plus qu’à un infime fil…lorsque la fin approche inéluctablement…que la lame tranche irréfutablement la gorge avant le grand trou noir…le vide…

TotalSelfHatred avait réussi l’exploit de se forger une identité unique et à la force incroyable avec un premier opus éponyme simplement exceptionnel…ils parviennent avec ce second album à offrir une nouvelle vision de son art, plus violente et proche de la mort que de la dépression. Les finlandais, loin d’avoir reproduit une analogie à une première réussite, ont cherché à revisiter et proposer une autre image de la souffrance interne…en passant cette fois-ci à l’acte. Des différences amenant à une unique similitude…le fait que ces deux albums soient des chefs d’œuvres déjà intemporels.

1. Apocalypse
2. At War with Myself
3. A Teardrop into Eternity
4. Ascension
5. Anything
6. Dripping Melancholy
7. Cold Room Starstained

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