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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Oranssi Pazuzu

Muukalainen Puhuu

LabelViolent Journey Records
styleBlack metal psyché
formatAlbum
paysFinlande
sortieavril 2009
La note de
U-Zine
8.5/10


U-Zine

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Si mes connaissances en Finnois n'étaient pas aussi limitées (qui a dit inexistantes ?), je vous aurais volontiers proposé une traduction satisfaisante d'Oranssi Pazuzu (dont j'ignore même la prononciation).

S'exprimant dans un langue pour moi aussi incompréhensible que les labyrinthes de la pyramide de Kheops, et véhiculant une imagerie fort intrigante, sur laquelle nous ne saurions parier avec certitude que nous nous trouvons en présence d'un album de black metal, il est un doux euphémisme que de dire qu'à l'insertion de ce premier album dans le mange-disque, Oranssi Pazuzu ne m'évoquait rien de moins qu'un gigantesque point d'interrogation.

Et à l'issue de la première écoute, le point d'interrogation sur mon visage est demeuré intact, à l'exception près qu'il s'est trouvé assorti d'un sourire niais et satisfait, et accompagné d'une nouvelle pression sur le bouton play.

Aussi énigmatique que ses titres et sa pochette, la musique d'Oranssi Pazuzu est déconcertante pour le chroniqueur en ce qu'il a d'énorme difficultés à identifier le style pratiqué par le jeune combo finlandais.
Trois quarts d'heure durant, une échauffourée psychédélique vous conduira aux confins de la liberté musicale, celle qui n'hésite pas à embrasser le trip-hop, à épouser le post-rock tout en caressant chaque instant le plus mordant des black metal.

Alors qu'Oranssi Pazuzu aurait pu échouer dans cet exercice plus que casse-gueule qu'est celui du métissage des genres, c'est au contraire d'une main que l'on aurait jurée nettement plus expérimentée que les chefs d'orchestres battent la mesure sans jamais tomber dans la platitude, l'incohérence ou la cacophonie que de nombreuses formations ne seraient pas parvenus à éviter.

Car là où un brassage de styles mal maîtrisé à vite fait de tourner court et d'échapper totalement à son géniteur, Muukalainen Puhuu impressionne de savoir-faire touchant un peu à tout, avec intelligence, mais a cette présence d'esprit de ne jamais trancher avec le fil conducteur, en l'occurrence clairement black metal, qui tisse d'un bout à l'autre le premier méfait d'Oranssi Pazuzu.

Black metal, Muukalainen Puhuu l'est. Une distorsion dégoulinante animée par des riffs classiquement dissonants, un son rêche omniprésent, presque rétro, et une voix hurlée se portent garants de l'extrêmisme musical du projet, et l'atmosphère épaisse à couper au couteau ainsi que la pénombre dans laquelle sont plongés les 8 morceaux qui traversent la galette ne m'inscriront pas en faux sur ce point.
C'est sur cette base éprouvée et pratiquée par des centaines d'autres allumés de la hallebarde qu'Oranssi Pazuzu s'est efforcé de bâtir le reste de son art, qui ne connait d'autres limites que les frontières sans cesse repoussables de son imagination, fertile s'il en est.

Cet art que nous évoquons positionne donc le Black Metal en arrière plan et s'élève vers des espaces hallucinogènes, dont les guitares claires surmixées vous invitent de leurs grinçantes et parcimonieuses dissonances à prendre part au trip frappé de Muukalainen Puhuu.
Un trip qui se muera tour à tour en des visions de célébrations mystico-tribales avec le morceau d'ouverture, en un inquiétant bal névrosé avec la très réussie Kangastus 1968, vous transportera vers des apparitions d'apocalypses (Myöhempien Aikojen Pyhien Teatterin Rukoilijasirkka), pour vous brosser dans le sens du poil en conclusion en des terres moins arides et moins âpres, renouant avec des sonorités plus douceâtres et atmosphériques.

En somme, ce n'est pas parce qu'il fait du black metal qu'il faut aimer Oranssi Pazuzu, mais parce qu'il parvient à en faire quelque chose de très atypique et de nouveau. Car si aucun des éléments présents sur le disque n'est d'apparition récente, de leur mélange si savamment dosé et intelligemment distillé émerge une musique neuve et qui serait presque rafraîchissante si elle n'était pas aussi torturée et un peu hermétique, et ce sera là son point faible qui fera fuir les oreilles les plus straight-edge.

Car de mon côté, très sincèrement, un trip aussi bien foutu, a 15€ la conso illimitée, et qui te flingue ni les neurones ni la carcasse, moi j'en reprends encore et encore.
Jusqu'au nouveau produit que l'on espère pour bientôt.


01. Korppi
02. Danjon Nolla
03. Kangastus 1968
04. Suuri Pää Taivaasta
05. Myöhempien Aikojen Pyhien Teatterin Rukoilijasirkka
06. Dub Kuolleen Porton Muistolle
07. Muukalainen Puhuu
08. Kerettiläinen Vuohi

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