
Punkach' renégat hellénophile.
Comment, en cette fin d'année 2025, appréhender le black metal ? C'est peu de dire que le style, pris dans sa très large totalité, regroupe la plus vaste gamme d'influences, de thèmes et de sonorités parmi les musiques extrêmes. À tel point qu'il est devenu difficile de trouver le dénominateur commun entre les révélations cosmiques des uns, les péripéties hipsterisantes des autres, la galaxie déjà bien foisonnante du post-black, ou encore les volutes d'encens de telle ou telle chapelle. Cette substantifique moelle derrière toute cette buissonnance, cette énergie pure, noire et blasphématoire, on serait bien tenté d'aller la chercher en Norvège. Mais si nos Scandinaves ont eu une influence monumentale, de nos jours, je trouve que peu de groupes arrivent réellement à dénoter, dans un black metal norvégien – ou qui s'en réclame – un peu trop ancré dans son culte aux fondateurs.
Et puis il y a Darvaza. Non pas que le projet italo-norvégien ait inventé quoique ce soit de novateur. C'est même le contraire ; celui-ci s'inscrit pleinement dans une scène nidrosienne au rapport fort orthodoxe envers un black metal puissant, direct et occulte. Mais ce groupe arrive à sonner d'une manière bien plus intense et surtout bien plus sincère que la masse des projets de « trve black metal » qui stagnent à la mi-journée sur les affiches de festivals.
D'autant que Darvaza est monumental sur scène. Au micro, Wraath est d'une intensité rare, il éructe et il tance la foule avec une présence bien à lui qui, somme toute, reste rare dans le black metal. Cet aspect live a offert au groupe une certaine notoriété alors même qu'il n'a eu longtemps qu'une rafale d'EP à jouer. Depuis la sortie de son premier album en 2022, le projet impie italo-norvégien a encore pris de l'ampleur, et ce We Are Him est bien parti pour être l'album de la consécration.
Dès « Holy Blood », récité comme un mantra interminable, Darvaza pose le ton : un black metal dépouillé, mais confiant en sa propre puissance alors qu'il déroule progressivement les subtilités de son dogme. We Are Him accélère très peu le tempo, et presque pas dans sa première partie, comme s'il voulait rassembler consciemment ses forces avant de les envoyer à l'assaut des portes nacrées. Wraath, comme à son habitude, déborde de charisme alors qu'il clame les pamphlets de son crépuscule des anges - « My spirit is ready but my flesh is weak » sur « A Last Prayer in Gethsemane » m'a hérissé les poils à chaque écoute.
Si ce second album poursuit dans la droite ligne qu'avait tracée son prédécesseur, il est plus rodé, plus rythmé en un sens, ce qui lui offre davantage de souffle. Darvaza accélère sensiblement avec l'enchaînement « Slaying Heaven » - « Blood of No-One », avec son tremolo et ses premiers vers qui atteignent une portée mythologique :
« Son of God, Listen to me
The world is on fire
Son of God, look at me
You can't deny my desires »
Inutile d'analyser chaque morceau ; avec We Are Him, le duo Wraath – Omega atteint un nouveau sommet sur lequel Darvaza bâtit son trône d'ossements et de cendres. Et c'est d'autant plus admirable que le black metal orthodoxe et occulte, fondamentaliste, pourrait-on dire, de nos jours, ça passe ou ça casse. Les groupes qui s'en sortent le mieux sont ceux chez qui l'on ressent immédiatement que ce n'est pas de la pose, ce n'est pas vendre des disques à des snobs soucieux de leur streetcred' sur Spotify, qui importe ici. Non, ce feu dans les yeux des musiciens est bien réel. Et j'insiste, Darvaza est un groupe à découvrir en live, mais au-delà de la scène, We Are Him reste une subtile alchimie d'impiété et de gnose biblique, de sincérité et de riffs à décorner un dromadaire qui fonctionne de bout en bout, et en 42 minutes, c'est plié. Vraiment du grand black metal.

Setlist :
Holy Blood
A Last Prayer in Gethsemane
Chaos.Fire.Devotion
Lazarus
Blood of No-One
Slaying Heaven
Darvaza

















