
"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Il y a quatre ans, Angrrsth avait frappé fort avec son premier album Donikąd. L’énième trouvaille de Godz ov War allait s’affirmer directement comme un des grands espoirs de la scène polonaise, partant d’un énième variant de Mgła mais en lui ajoutant une force black/death assez colossale et des compos incroyables. Un an plus tard, les deux nouveau morceaux de Angrrsth figurant sur le split EP W czeluść avec Czort nous mettaient déjà à genoux. Evoluant de manière assez fulgurante dans le fond comme dans la forme, la formation de Toruń, tout au centre de la Pologne, allait c’est dit mettre tout le monde d’accord au milieu de groupes interchangeables, trop influencés ou trop barrés. Le black/death remuant de Angrrsth porté par un chant original mais percutant ne demande maintenant qu’à se placer dans le panthéon du metal extrême polonais, puis même européen. C’est ainsi que chaque news concernant le futur du quatuor polonais (avec un batteur passé par Batushka en live – le vrai le faux je sais pas je sais plus) a été scrutée avec attention depuis la sortie de W czeluść. Un album semblait attendu entre les lignes pour 2024 mais il aura finalement fallu attendre cet automne 2025, avec une seule annonce discrète à la fin de l’été passé pour présenter Złudnia. Et quand le promo est tombé dans notre boîte mail, j’ai donc sorti mon plus beau « on arrête tout » parce qu’il y a là un potentiel album de l’année. Mais bon bien sûr, il faut se méfier du karma… est-on prêt à accepter une déception sur un album qu’on attendait tant, qu’il soit finalement raté ou même « juste bien » ?
Bon, je donne déjà la conclusion mais Złudnia ne sera ni l’album de l’année, ni un potentiel chef d’œuvre, ni vraiment la confirmation d’un futur grand pour le moment. Pas meilleur – ou au moins aussi bien – que Donikąd, et pas la lignée des énormes compos de W czeluść. Que s’est-il passé alors ? Plusieurs choses. Si W czeluść montrait un léger bond sonore, bien que significatif, par rapport à Donikąd, Złudnia revient vers un son un poil plus terreux, bien que conservant une certaine puissance à la polonaise. Mais l’ensemble reste organique, notamment la batterie, ce qui est un bon point à mettre au crédit de Angrrsth malgré tout, qui ne sera pas un groupe qui cédera au blockbuster pour grandir. On ne constate donc pas de grande évolution dans la forme après trois ans mais soit. Qu’en est-il du fond ? Angrrsth garde ses particularités, et cela tiendra surtout dans le chant toujours aussi efficace et halluciné de Hermann, capable de placer des lignes dégueulées assez irrésistibles tout autant que des écarts presque « clairs » qui faisaient déjà la particularité de Donikąd. Cela reste le point fort de Angrrsth, qui pour le reste ne se distingue pas plus que raison. Złudnia reprend même le chemin du Mgła worship, avec ici pas mal de passages assez mélodiques et désenchantés, encore plus remarquables que ceux de Donikąd. Paradoxalement, Angrrsth sonnerait presque maintenant comme la fratrie la plus bigarée du black polonais – Biesy, Zmarłym et Gruzja en tête – mais qui resterait sur un black/death plus frontal et sombre, sans expérimentations avant-gardistes. Le chant possédé et imprévisible y est pour beaucoup mais si Donikąd montrait déjà une certaine personnalité pour Angrrsth, ici le groupe semble rester à l’essentiel malgré une grosse marge de progression - et même simplement d’efficacité potentielle au vu des compos de W czeluść. Donc, encore une fois, ainsi soit-il…
Avec le départ typique à la batterie sur « Kolejna pętla », qui nous rappelle immédiatement les grands moments de Donikąd comme « Pierwszy jest strach » ou même l’exceptionnel « Przerwana » de W czeluść, on se dit malgré tout que Angrrsth est en forme. Avec ce premier morceau très agressif et blastant où l’on retrouve aussi ces discrets claviers qui posent aussi une certaine ambiance liturgique. Claviers que cette fois-ci on ne retrouvera significativement guère que sur le début de « Solve et Coagula » plus tard dans l’album, signe que Angrrsth ne se dispersera pas énormément sur ce deuxième album. « Mane, tekel, fares » restera inspiré et prendra déjà quelques couleurs plus mélodiques et même épiques, mais les 41 minutes de Złudnia seront malgré tout inégales, avec aussi quelques petites longueurs. A l’image du plus sombre « Próg », au départ prometteur mais qui se révèle ensuite assez vain, toujours dans des atours plus mélodiques et sombres que les entraînants Donikąd et W czeluść. Si la plus pure efficacité finit par revenir sur le morceau-titre, blindé de rythmiques percutantes et porté par une sacrée performance d’Hermann au chant ; cela s’envole aussitôt sur « Amor Fati » qui malgré un départ blastant formidable se perd un peu dans des compos mélodiques plus soutenues moins convaincantes. « Solve et Coagula » propose encore quelques moments mais se révèle hétérogène, à l’image de l’album complet de toute façon, qui se finit tout de même par le plutôt bon « Widziałem go ». Bon, personnellement, j’en attendais plus surtout après la claque qu’avait été W czeluść, au risque de me répéter. Złudnia est quand même un bon album de black/death polonais légèrement original, et s’il était sorti à la place de Donikąd à l’époque, on aurait sans nul doute appliqué le même schéma d’espoir pour la carrière de Angrrsth en les suivant immédiatement de près. Mais voilà, l’histoire ne s’est pas écrite comme ça. Ça n’est peut-être que partie remise, de toute façon la qualité est là et surtout le potentiel, Angrrsth n’en a probablement pas la prétention mais on aimerait toujours le voir trôner aux côtés de – ou remplacer ? – Behemoth dans le podium du metal extrême polonais. On y croit !
Tracklist de Złudnia :
1. Kolejna pętla (4:25)
2. Mane, tekel, fares (5:12)
3. Próg (6:05)
4. Złudnia (6:23)
5. Amor Fati (6:03)
6. Solve et Coagula (5:37)
7. Widziałem go (6:53)