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Album

08 octobre 2025 - ZSK

Nailed to Obscurity

Generation of the Void

LabelNuclear Blast
styleDoom death mélodique
formatAlbum
paysAllemagne
sortieseptembre 2025
La note de
ZSK
8.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

C’était un peu le cliché des années 1990-2000 : quand un groupe montant, voire issu d’un certain degré de l’underground, se faisait repérer et signait sur un « gros » label, on craignait de suite qu’il aseptise son son et devienne « commercial ». C’est certes… réellement arrivé, et plus d’une fois, même si on ne saura jamais (vive la langue de bois) si c’était une volonté du groupe ou de la maison de disques à la base. Mais beaucoup en ont quand même profité pour réellement grandir et proposer de réelles et belles grosses productions, qui fonctionnent parfaitement dans leur style. Nous sommes maintenant dans les années 2020 et ce schéma ne veut de toute façon plus dire grand-chose, il n’est nullement besoin pour certaines formations d’être signé sur un gros label pour sonner « blockbuster » ni pour faire quelque chose de réellement « mainstream » d’ailleurs. Ainsi, Nailed to Obscurity a démarré au milieu des années 2000 comme groupe underground avec son premier album autoproduit Abyss (2007), avant de passer dans la « seconde division » du metal extrême avec les albums Opaque (2013) et King Delusion (2017), sortis par Apostasy Records. On ne sait si le groupe originaire d’Esens, toute petite ville à l’extrême Nord-Ouest de l’Allemagne, voyait grand avec son doom-death ténébreux mais mélodique très traditionnel. Toujours est-il qu’il a donc fini par tomber dans l’escarcelle d’un grand label, à savoir Nuclear Blast. Ce qui ne l’a pas empêché de sortir Black Frost en 2019, album dans la lignée plus rustique de ses premiers efforts. On ne pourra donc pas accuser Nailed to Obscurity de s’être fait « Nuclearblastiser » mais après tout, peut-être que Black Frost avait été composé avant leur signature. Et si du coup cette « évolution » n’était que partie remise ? C’est ce qu’on peut se demander à l’écoute des premiers singles du successeur de Black Frost que sera Generation of the Void… six ans après.

Car oui, le cinquième (sixième ? je ne sais pourquoi l’album Red Shift censé être sorti en 2012 ne figure pas sur la bible metal-archives) album de Nailed to Obscurity aura pris son temps pour sortir. Le premier single de cet album, « Liquid Mourning », aura quand même été publié en… janvier 2022 ! Lui aura succédé « Clouded Frame » en novembre de la même année, mais ce n’est qu’en avril dernier avec la parution d’« Overcast » que la machine Generation of the Void sera réellement lancée. Le groupe aura même changé de bassiste entre temps avec l’arrivée de Lutz Neemann… Quoi qu’il en soit, déjà en 2022 nous avons pu constater les changements pour Nailed to Obscurity vis-à-vis de Black Frost. Si la formation allemande était jusque là un avatar assez assumé du Brave Murder Day de Katatonia, il semble maintenant embrasser la voie post-Viva Emptiness, ce qui était flagrant à l’écoute des compos ouvrant « Clouded Frame ». Le changement notable étant aussi l’apparition en force des chants clairs, qui étaient très rares jusqu’ici, bien que toujours de l’apanage de Raimund Ennega chanteur de la formation depuis 2012. C’est donc ainsi que Nailed to Obscurity va se « commercialiser » ? Non, car le groupe va surtout évoluer dans la continuité. Car il fait toujours du doom-death, certes bien moins rigoriste et bien mieux produit (bien que V. Santura, qui a encore fait un gros taf ici, était déjà aux manettes de Black Frost), mais qui assume beaucoup plus son aura mélodique. Nailed to Obscurity sort juste de sa cave et embrasse la lumière, proposant un Generation of the Void bien plus aéré et dans l’air du temps. Et surtout… ultra inspiré et réussi. On se demandait si on avait encore besoin d’un énième groupe de doom-death mélodique très scandinave qui growle et qui chante entre deux leads et quelques riffs gras épars ; mais dès la première écoute de ce très réjouissant Generation of the Void, on constate qu’on avait besoin de quelqu’un qui vienne mettre un coup de pied dans la fourmilière des Hanging Garden et Swallow the Sun qui déclinent à vue d’œil. Car les Allemands, qui bien quétant à cinq ici gagnent toujours à la fin c’est bien connu, vont tout simplement leur donner une sacrée leçon.

C’est bien simple, dès « Glass Bleeding », morceau d’ouverture et dernier single dévoilé sur le fil, il y a déjà tout : des compos bien percutantes portées par un gros son, des growls rauques très efficaces, des aérations mélodiques à chant clair particulièrement entraînantes, une belle ambiance automnale, des leads et solos gracieux. Et tout ça ne réinvente pas la poudre mais c’est tellement bien structuré… il y a juste tout ce qu’on attend d’un excellent album de doom-death mélodique et dès la première écoute, Generation of the Void est un album presque insolent. Nailed to Obscurity est juste en réussite dans tout ce qu’il entreprend : les compos purement metal (« Liquid Mourning », « Generation of the Void », « Echo Attempt », « Clouded Frame »… tous porteurs de riffs de premier choix), la composante mélodique (« Liquid Mourning » qui était donc parfait dès le début, les incroyables leads de « Overcast », le languissant « Echo Attempt »…), l’équilibre des chants qui est même capable de porter des morceaux en full growls (« Overcast ») et chant clair (« Generation of the Void »). Et quand le fond accompagne parfaitement la forme et inversement, cela fait de Generation of the Void une retentissante surprise. Tout est parfait chez la nouvelle coqueluche de Nuclear Blast alors ? On retomberait presque dans le cliché de départ car Nailed to Obscurity « sucre » un peu son propos quand même, la multiplication des passages en chant clair occasionnant forcément une grande aération du propos, probablement un peu trop pour certains qui étaient peut-être fixés sur un doom-death autrement plus rugueux. Malgré tout, la quasi-ballade « Allure » ainsi que le très enlevé « Misery’s Messenger » sont plus que plaisants et toujours inspirés, la seule faute de goût étant peut-être le single « Spirit Corrosion », bien que sympathique de base, un peu rendu gnan-gnan par des « woo ooh ooh » crispants sur le refrain. Mais quand on entend le très punchy « Overcast » ou encore ce final tout en growls libérateurs qu’est « The Ides of Life », on se dit que Nailed to Obscurity n’est tout de même pas là pour draguer du gotik, et s’est surtout trouvé un parfait équilibre – suffit d’écouter le contrasté morceau-titre ou un fleuve « Echo Attempt » très complet pour s’en convaincre. Il reste curieux que l’enregistrement de cet album fut étalé sur trois ans – semblant surtout provoquer des variations sur le ton du chant bien que la prestation de Raimund Ennega est de grande qualité (même s’il faudra voir ce que donne son chant clair en live) – mais arrêtons de chipoter : Generation of the Void est juste l’album de doom-death mélodique le plus efficace et complet de ces dernières années. Sans rien réinventer, juste en faisant bien les choses et en pondant de grands morceaux variés. Moralité : les grands labels peuvent toujours pousser des petits groupes, et tant mieux pour Nailed to Obscurity !

 

Tracklist de Generation of the Void :

1. Glass Bleeding (5:56)
2. Liquid Mourning (4:08)
3. Overcast (6:37)
4. Spirit Corrosion (5:17)
5. Generation of the Void (4:46)
6. Echo Attempt (8:20)
7. Allure (4:15)
8. Clouded Frame (4:48)
9. Misery's Messenger (5:26)
10. The Ides of Life (5:57)