
Papa Roach @ Seignosse
Le Tube - Seignosse

La caution grunge du webzine.
D’une manière tout à fait insolite, Papa Roach se retrouve parachuté sur la côte landaise, au bord de l’océan Atlantique, pour honorer la seule date française de sa tournée. La commune de Seignosse approche les 4 000 habitant·es, quand la salle Le Tube enregistre ce soir un concert sold out, où se mêlent près de 2 200 personnes. En outre, selon la ville dans laquelle le concert a lieu, le décor de l’affiche officielle évolue, et l’homme-insecte est accessoirisé différemment : un drapeau flottant sur les précédentes dates européennes (Italie, Croatie, Allemagne), et une planche de surf à cette occasion, représentant la culture locale. Une exclusivité d’autant plus importante que les Américains célèbrent les vingt-cinq ans d’Infest – une pièce importante de l’histoire du néo-metal –, et que leur popularité a rarement failli au cours du temps.
À l’extérieur, le ciel s’assombrit, et la salle jouxtant la dune des Bourdaines voit défiler des cyclistes, des promeneurs et promeneuses de retour de la plage, et surtout, une tache d’encre – une nuée de gens habillés en noir, certes essentiellement masculine, mais familiale, voire multigénérationnelle. Des enfants de la première vague du néo-metal venu·es célébrer « l'ascension du cafard ».
Ashen
Après avoir assuré l’ouverture d’Electric Callboy dans cette même salle l’année passée, les Parisiens d’Ashen ont été rappelés. Bien que leur participation ait été confirmée deux semaines avant le concert, cette annonce ne doit rien au hasard puisque la formation a brillé sur la Mainstage du Hellfest, le 22 juin dernier. Et leur expérience de la scène se vérifie au regard de la fluidité des enchaînements et de la communication avec les spectateurs et spectatrices. Durant une demi-heure, le quintet joue un set efficace, punitif, au croisement entre le metalcore et le metal alternatif modernes. Même « Smells Like Teen Spirit » bascule en uptempo, dans une version « liftée », légèrement écorchée, aux fumets de Spiritbox et Novelists. L’un des guitaristes revisite également le solo – on ne peut plus lent et retranché sur la version d’origine – en gardant à l’esprit le sens de la nuance et de l’humilité. Outre l’engagement physique impressionnant de Clément Richard, dont le look rappelle au souvenir de Mike Shinoda sur Hybrid Theory, les fans observent notamment les très belles harmonies vocales avec son bassiste Nathan Hakoune, « le surfeur dandy ». Eux qui souffraient d’un syndrome de l’imposteur au sortir du festival de l’Enfer, les voilà rassurés : le public leur est désormais acquis.
Crédit : Danny Louzon
Papa Roach
À la suite d’une playlist électro-friendly, l’écran situé au fond de la scène s’allume ; non pour alerter le public sur l’imminence de l’arrivée des Californiens, mais pour l’inviter à scanner un QR code, dans l’espoir de gagner « le Golden Roach ticket » : un sésame donnant accès à des pass VIP sur les prochaines tournées. En fond résonne un « Nothing Else Matters » que quelques-un·es chantent à mi-voix, afin de patienter.
Papa Roach foule la scène à 21 h 04 après une introduction « opératique » au synthé, dans le noir complet. « Even If It Kills Me » prend une tout autre dimension que l'enregistrement studio – son énergie metal est renforcée par la projection de bouquets de flammes lors des refrains. Jacoby Shaddix commande les personnes assises sur les places en gradins à se lever. La chaleur augmente ; les anciens morceaux font leur effet, même si l’on sent le public réceptif à la discographie des Américains, sans préférence d’album ou de style. Seule « Liar » avec son côté « Eurovision-like » détone du reste, précisément des références très anglophones de la setlist, encore que ses ornements mélodiques aient de quoi séduire.
Contre toute attente, la hard rock « …To Be Loved » signe le début des hostilités et des tee-shirts mouillés. La foule est emportée dans un pogo délirant ; les chairs et les pintes de bière se bousculent, quand d’autres gens sont précipités à l’arrière de la salle. Le désordre continue à l’appel de « Getting Away With Murder » et son refrain irrésistible, à scander à pleins poumons. Un enfant nage sur le public. « I feel irrational/So confrontational/To tell the truth I am/Getting away with murder. »
Crédit : Papa Roach
Mais la soirée prend un tournant solennel lorsque d’une seule et même voix, le groupe et le public entonne « In the End » sous des lumières tantôt nacrées ou mauves. S’ensuit quelques mots de Jacoby appelant la nostalgie du Ozzfest 2001 durant lequel il partagea l’affiche avec Linkin Park. Une connexion maintes fois documentée, d’autant plus émouvante qu’un titre comme « Help » a été coécrit par Colin « Doc » Brittain, devenu un membre officiel de LP dès 2023. Pour la deuxième partie du show, Papa Roach met donc à l’honneur les actions de prévention et de promotion de la santé mentale, à travers la diffusion d’une vidéo de sensibilisation – Jacoby étant un témoin vivant de la dépression. Les membres disparaissent de la scène sous l’effet d’une cause plus forte qu’eux – c’est là leur élégance. Une minute de silence est par ailleurs respectée en mémoire aux victimes. En collaboration avec l’American Foundation for Suicide Prevention, « Leave a Light On (Talk Away the Dark) » ancre davantage leur engagement, grâce à ce cri du cœur en mode acoustique. À l’avant, l’on aperçoit même une personne handicapée brandir sa prothèse de jambe, en imitant la danse des flashs de téléphones.
Anniversaire d’Infest oblige, cinq des succès de l’album sont représentés, en plus des mashups à la gloire de l’ère du néo-metal (les riffs écrasants de « Blind », les breaks tourmentés de « Chop Suey », les cris perçants de « My Own Summer », etc.). Mais c’est peut-être la façon d’introduire « Between Angels and Insects » qui se révèle le plus saisissant et construit, non sans esprit, le pont entre l’ancien et le Papa Roach moderne. En témoigne cette plage de synthpop nourrie à l’écran par une photographie aux teintes de sépia évoquant l’espace et l’infini, sur quelques extraits sonores de ladite chanson. « I just wanna be heard. » Les flammes sont de retour, et la dernière ligne de basse de « BAaI » laisse place à un excellent soli de Tobin Esperance. La suite ravive une nostalgie heureuse ; sur « Infest » sont projetées des images d’archive du groupe en tournée il y a deux décennies de cela. L'occasion de constater que le line-up était le même, à l'exception de Tony Palermo (ex-Unwritten Law).
À bien des égards, cette halte dans « la petite Californie française » est un cadeau, un privilège. Que les fans honorent en se livrant à des sauts en l'air, des circle pits et autres walls of death – parfois manqués. À près de 50 ans, Jacoby Shaddix paraît confiant et en pleine maîtrise de son corps. Sans doute davantage que durant la parenthèse hard-rock et glam metal de 2006 à 2010 que Papa Roach a quasiment éclipsé de la setlist. Parmi les images qu’il restera ; ses sourires au diabolisme surjoué de Jocker ou encore la veste estampillée Blood Brothers, offerte à la vue des fans, quand il se retourne, dos à son public, dès le deuxième morceau.
Crédit : Papa Roach
Setlist :
- Even If It Kills Me
- Blood Brothers
- Dead Cell
- ...To Be Loved
- Kill the Noise
- Getting Away With Murder
- California Love (2Pac Cover)
- Liar
- Forever / In the End
- Falling Apart
- Suicide Prevention Video
- Leave a Light On (Talk Away the Dark)
- Scars
- Drum Solo
- BRAINDEAD
- Help
- Born for Greatness
- Between Angels and Insects
- Bass Solo
- Infest
- Blind / My Own Summer (Shove It) / Break Stuff / Chop Suey
- Last Resort