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Album

18 juillet 2025 - Rodolphe

Bronca

Bronca

LabelAutoproduction
styleStoner grunge
formatAlbum
paysFrance
sortiemai 2025
La note de
Rodolphe
8/10


Rodolphe

La caution grunge du webzine.

Il existe indéniablement une présomption d’amateurisme au moment d’évoquer un groupe français d’inspiration grunge. Un doute justifié, au regard de la quantité d’albums du style, au mieux flottants, au pire embarrassants, malgré la sincérité des artistes qui les représentent. Combien de fois n’a-t-on pas entendu des musicien·nes reproduire, voire forcer, l’engagement et les mimiques vocales de Kurt Cobain, sur une production tellement modeste, qu’un décalage évident se crée ? Enfin, la connaissance musicale préfigure le bon goût, et donc une certaine qualité en matière de composition. Bronca est en pleine possession de ces (ses) moyens. En mai dernier, les Pacaïens ont délivré un premier album – homonyme – dont l’armature repose largement sur l’EP Veins sorti en 2024. Et comme leur biographie le souligne, le groupe projette dans ses chansons des références alternatives US qui se reconnaissent, s’entendent (Alice In Chains en fil rouge), sans pour autant s’apparenter à un douloureux « guess the artist ». « Pas de pose, pas de superproduction, [...] juste l’essentiel », promettent-ils.

Dès l’entame, le quatuor donne l’illusion d’un groupe de stoner grunge indé américain. Malgré l’humilité des Français, la production est en réalité solide. « Broken Nose » s’accompagne de riffs massifs, et même d’un chant aigu très métallique, pouvant rappeler celui de Mark Hennessy (Paw) – ayant lui-même transitionné vers le stoner au milieu des années 2010 avec Godzillionaire. Bronca tente l’approche classique utilisée durant la période dorée du Seattle Sound, celle d’un album direct, efficace, construit de façon uniforme, pareil à un « bloc ». Et pour continuer dans le lexique bâtimentier, pourvu d’un « mur de son ». Instrumental, mais également vocal puisque tout au long du disque, les frontmen se disputent gentiment le micro (l’image des deux coqs sur l’artwork ?) ou créent des harmonies vocales intéressantes, à l’instar de « Veins » ou de la moitié d’« Our Times ». Ces éléments restent très classiques sur la forme, cela étant, les apports singuliers de ces doubles voix chantées, criées, dont la couleur, la vitalité et la coordination évoque celle de joyeux marins sur leur bateau, contribuent à l’identité de Bronca.

De plus, s’il est vrai que la recherche de la cohérence des enchaînements prévaut sur la variété musicale, l’album renferme quelques moments « brillants ». Le premier d’entre eux est à retrouver sur « Like a Rooster » au naming forcément très « aliceinchainien ». Les dix secondes d’introduction jouent des accords de guitare engourdis proches d’« About a Girl » de Nirvana, créant une hallucination auditive fugitive, mais agréable. Que l’effet soit volontaire ou non, il participe au référencement et au positionnement musical de l’œuvre. La suite déploie une énergie instrumentale certaine, et des couplets entêtants aux paroles quelquefois très tendres, enfantines (« I would like a train/To say “choo-choo/And take me with it” »). En outre, cette simplicité apparente cache une ambition sous-jacente, de bon ton sur l’interlude jazzy d’« Our Times » – qui s’accorde à l’une des tendances marquantes du grunge des années 90 –, ainsi que sur l’étonnante « My Past ». Soit l’un des morceaux de la tracklist où la recherche mélodique est a priori la plus significative, avec une longue ouverture instrumentale progressive dans laquelle flottent un duo guitare/clavier traité de manière très atmosphérique.

Dans l’attitude et le sérieux de la démarche, les débuts de Bronca rappellent au souvenir de Seeds Of Mary entre 2013 et 2015. Des influences grunge palpables, bien nommées, mais jamais réductrices. Une musique qui, enfin, redore un style sous-représenté – et fréquemment dévoyé – dans nos régions, loin des dérives habituelles de la chanson à textes vaguement électrique ou du rock cringe pour adultes en pleine crise de la quarantaine ou de la cinquantaine.

 

Tracklist :

  1. Broken Nose
  2. Living in a Lie
  3. Like a Rooster
  4. My Past
  5. Warthog
  6. Our Times
  7. Something
  8. The Tide
  9. Veins
  10. The Gathering