
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Aurélie Jungle : Rares sont les groupes qui attirent mon attention lors d’écoutes non sollicitées sur Spotify. Je t’explique. Le rituel de la journée c’est lancer un titre et laisser ensuite l’algorithme faire son taff en attendant, espérant, que quelque chose réveille mes tympans, quelque chose d'inconnu parce que l'algorithme il a tendance à tourner en rond. Puis est arrivé ce son. Ce putain de son. Une sorte de « The Art of Dying » bis. Je déverrouille le tel. Je vois un nom inconnu au bataillon : Septaria. OK. Qui sont ces gens, c’est quoi ce son ? OK. Le son c’est « Centaure ». OK. À 2:45 il m’a juste arraché le crâne. C’est quoi ce bordel ? Une énième tentative de copie de Gojira ? L’enquête était à mener. Nous y voilà.
Septaria c’est un groupe français qui nous vient de Pertuis dans le Vaucluse. Premier album sorti fin 2024 via Klonosphère. Je suis à la bourre mais pas tant que ça. Le groupe va passer au Hellfest sur la Hellstage. OK. C’est quoi cet album ? A*.
L'analyse de cet album nécessite, à titre limoinaire, une explication de texte : c’est quoi Septaria ? Et me voici perdue dans la lithothérapie sur Google. La septaria, ou pierre du dragon, est une pierre qui se forme dans l’argile. Elle se fissure et agglomère les minéraux présents autour d’elle pour se refermer ensuite. Il faut donc la briser pour voir les cristaux qu’elle renferme. Elle est donc liée à la transformation. Passons ensuite à A*, qui se prononce Astar. A* est un algorithme de planification ; c’est la trajectoire qui sépare un point de son but à atteindre. À moins que ce soit « a star » et donc une étoile tout bêtement ?
Quoi qu'il en soit, la pochette et les titres indiquent clairement qu’on va parler du cosmos et qu’on va faire un long voyage. Je semble donc être sur la bonne voie : direction la recherche du sens de ton existence et la profondeur de ton âme. Des choses simples.
Astar c’est 12 titres, 1h08 et une progression constante qui invite à écouter l'album dans l’ordre. L’enchaînement des morceaux fait assurément partie du voyage, certains étant liés musicalement. Alors vous me direz, 1h08 pour un premier album ? Semblerait que nos quatre Pertuisiens aient été très inspirés.
On démarre avec le titre « Moment présent ». L’intro réalisée à la guitare sèche te met subtilement dans l’ambiance, te souhaitant la bienvenue. Et puis ça part sur un metal ambiant. Arrive alors la voix, à la limite du scream ; c’est parfaitement dosé, ça colle. La basse s’invite et la voix s’alourdit. Et qu’est-ce que j’entends ? Qu’ouï-je? Du chant diphonique ? Putain les gars mais d’où du chant diphonique ? Le bordel essaie de traverser tes entrailles entre poignards et grosses mandales. Y’a un air de Gojira non ? OUAIS. Y’a encore un air de Gojira parce qu’on est sur les mêmes sonorités et sur du riff efficace et répété. Le riff qui rentre facilement dans ta tête pour ne jamais en sortir. Celui qui fait gambader ; celui où tu hésites entre taper du pied ou bouger la tête. Tu feras les deux avant d’arriver au break dantesque qui t’aspirera l’âme.
Deux titres qui viennent de me foutre une claque, coup sur coup. Mais deux titres qui ressemblent un peu trop à ce qu’ont produit quatre musiciens Bayonnais connus... Vous savez, le groupe qui est passé aux JO. La conciergerie avec la tête coupée, là. Je prie cependant pour que le reste de l’album ait quelque chose de nouveau à offrir. et, spoiler alert, réponse est positive.
Septaria propose , sans surprise, du metal prog voire du post. A* est un album en 3 parties dont chacune s’articule autour de morceaux 100% instrumentaux qui servent d’interludes : « Abyss » et « Perséphone ». Des interludes jetables ? Oui si tu veux aller sur un album concis ; mais certainement pas si tu souhaites te frotter à toutes les subtilités que ce groupe a à offrir et prendre part au voyage qu'ils proposent. On est pas sur les interludes d'ambiance de Slipknot.
Hugo Thevenet (guitare, chant), Baptiste Trébuchon (basse), Maxime Ayasse (guitare, chant) et Hugo Leydet (batterie) te baladent pendant plus d’une heure entre terre et ciel, enfer et paradis, abysse et cosmos. Tu cherches l’équilibre voire l’absolution, qui elle, n’interviendra que sur le dernier titre : « Psithurism ». Troisième morceau instrumental qui clôt l’album. Cette quête d’équilibre tu la retrouves également dans la voix, dans toutes ces voix même. Je reste assez surprise par la polyvalence des deux chanteurs. On oscille entre mélodique, scream, gutturale, grunge et même diphonique, jusqu’aux morceaux où elles se répondent (« Centaure », « Moment Présent », «Sagittarius », pour ne citer qu'eux). La quête d’équilibre se fait enfin par les instruments : basse mielleuse puis dissonante, guitare sèche, clean, saturée… Le batteur n’est pas en reste puisqu’il te fera littéralement perdre la tête sur « Psyché » ou encore « Embers ».
Chacune des parties de cet album est parsemée de subtilités qui lui sont inhérentes. Quand tu penses avoir affaire à une copie de Gojira en début d’album (ça attire le chalant comme moi), t’arrives sur « Psyché » et tu changes de registre. Ce morceau est dantesque. La tonalité choisie pour la voix surprend, mais elle vient aussi te prouver que les gars ont une patte. Le break est un marathon où tu finiras par manquer d’oxygène puis un cri voilé et des bruits de miroir brisé viendront terminer ce morceau.
Et la seconde partie de l’album n'est pas en reste. Après un bel interlude avec « Abyss » et ses riffs meurtriers, « Sagittarius » débarque sans crier gare avec son taping qui monte en intensité, couplé avec une citation extraite d’un film, chose unique sur l’album en mode Hypno5e, jusqu’à ce que la voix se décide enfin à réapparaître. Le pont t’assassine alors qu’il est couplé à une voix aérienne, qui se fera très vite reprendre par une seconde voix beaucoup plus dictatoriale. « Astar », titre éponyme et prolongement du morceau précédent, t’emmène dans le cosmos. Ça monte en puissance au moyen d’un chant aérien qui tend vers le grave, le tout pour finir sur un cri de douleur, sorte de libération avant d’arriver sur l’interlude suivant.
La troisième et dernière partie de l’album démarre enfin avec « Persephone » où les sonorités printanières mêlant guitares sèche, guitare électrique et basse suave font penser à une résurrection. Sur « Being », morceau le plus long de l’album avec près de 10 minutes, la basse se retrouve dissonante et fini les simples échos en voix diphonique. Ce titre est aussi démentiel que surprenant. Ce refrain, hurlé, comme une revanche, suivi d'un pont qui mène au silence, faisant croire à une fin douce. La reprise est d'autant plus libératrice ; je me suis faite ramasser à la petite cuillère. La basse vient t’envelopper lentement jusqu’au : « WELD A WHOLE !!!! LEAVE THE FEEEAAARRR!!! » et ce « Bbeeeyyyooonnnddd » cadavérique qui te renverra ensuite sur de l’aérien pour terminer sèchement et enchaîner sur le titre « Nocturne ». Le silence est assourdissant. « Embers » te régale d’un nouveau solo en taping et d’une batterie hypnotique ultra présente. Pour finir, « Sky’s words » ajoutera quelques sonorités électroniques à cet album déjà bien complet.
Tu l’auras compris, A* est aussi un condensé de métaphores. « Nocturne » est musicalement un marathon au cœur de l’obscurité et qui se permettra même de te caler quelques sonorités death ; « Embers » démarre avec des bruits de braises et t’embarque dans un tourbillon endiablé, résurrectionnel avec ses ponts en tapping et ses quelques secondes laissées à la batterie seule ; « Psyché » avec ses bruits de miroir brisé et l’écho de la voix. La mythologie grecque s’invite également dans ce bal métaphorique avec « Centaure » et son duo de voix ou encore « Persephone » et ses sonorités printanières. Enfin, « Psithurism », dernier morceau de l’album : c’est une vidéo. Littéralement. Le psithurisme c’est le bruit du vent dans les feuilles. Ce titre est en full guitare sèche accompagné du bruit du vent dans les arbres. C'est une balade en fôret dans ton casque, avec les mêmes sonorités que le premier titre « Moment présent ». La boucle est bouclée. Le cycle de la vie tu dis ?
Bon, qu'en conclure ? Aux premiers abords, il y’a une certaine impression de copie de Gojira. Limite t’es déçu. Tu retrouveras des sonorités, riffs, trémolos et autres joyeusetés déjà entendues sur des « To Sirius », « Magma », « L’Enfant Sauvage », « The Art of Dying », « Where Dragons Dwell » ou autre « Vacuity ». C’est le cas de « Centaure », « Nocturne », « Sagittarius » ou bien encore « Abyss » ; l’inspiration est palpable.
Mais, il y a un mais. Outre le fait que le groupe est très jeune et qu'il s'agit de leur premier album, Septaria développe bel et bien une patte. Déjà, le groupe repose sur deux chanteurs, ce qui fait une réelle différence sur pas mal de morceaux : les chœurs sur « Embers », les voix qui se répondent sur « Centaure », « Moment Présent », « Sagittarius » sans parler de la polyvalence vocale de chacun. Le groupe alterne aussi avec brio entre passages puissants, violents, et des parties un peu plus aériennes. Le tout est parfaitement écrit, les enchaînements sont fluides et les morceaux les plus longs de l’album sont largement digestes. Musicalement c’est bon et efficace. Un savant mélange de sonorités death, jazz, post, prog, ambiant, shoegaze. Il n’y a finalement pas que des influences gojirienne. On a des touches de Psychonaut, God is An Astronaut ou encore de Slowdive.
La patte de Septaria tu la trouves au final tout au long de l’album et certains morceaux en sont plus empreints que d’autres : « Psyché », « Being », « Astar » ou « Embers ». Ensuite ça se compte en parties : le break de « Moment présent », les ponts de « Sagittarius », les couplets de « Sky’s Words ». Pour couronner le tout : les paroles ont un sens et l’écriture, là aussi, est travaillée, les rimes sont légion. Exercice que j’estime chiant dans une langue étrangère. Point en plus.
En sortie de ma 100ème écoute, je n’ai clairement plus l’impression d’écouter une copie de Gojira, mais d’écouter un groupe avec un potentiel qu’il conviendra de surveiller et qui j’espère saura s’affirmer et se dissocier complètement de ses influences pour une réelle catharsis. Ah et pitié : travaillez la pochette du prochain album. Celle-ci ne vous rend clairement pas justice.
Tracklist :
1. Moment Présent (07:27)
2. Centaure (05:52)
3. Psyché (05:04)
4. Abyss (04:29)
5. Sagittarius (07:17)
6. Astar (02:59)
7. Persephone (03:14)
8. Being (09:55)
9. Nocturne (03:14)
10. Embers (06:44)
11. Sky’s Words (08:02)
12. Psithurism (03:40)