Chronique Retour

Album

05 octobre 2023 - Circé

Grift

Dolt Land

LabelNordvis
styleFolk
formatAlbum
paysSuède
sortieseptembre 2023
La note de
Circé
7/10


Circé

Nordiste du sud

Grift fait partie de ces groupes discrets mais fiables, comme un ami de longue date que la vie aurait éloigné mais qui continue à être cher. Le projet suédois ne fait pas les têtes d'affiche et ni jamais trop de bruit, mais sort régulièrement des albums tout aussi qualitatifs les uns que les autres. Et comme la pensée de cet ami d'enfance qu'on aimerait retrouver pour de bon tout en sachant que cette époque est révolue, Grift est empli d'une mélancolie douce et amère. Sa musique a toujours marié à merveille la chaleur du folk et la douleur d'un black metal dépressif et mélodique, un équilibre entre les émotions taillé jusqu'à la perfection sur les trois albums du groupe, jusqu'à un Budet pour lequel mon admiration n'a pas baissé sur les trois années qui se sont écoulées depuis sa sortie.

Pour tout groupe qui marche sur le fil entre folk et metal, il est normal de vouloir sauter d'un côté, à un moment donné. Pour Grift, cela avait commencé par un EP, dernière sortie en date. Vilsna Andars Utmark ne donnait à entendre qu'Erik seul avec sa guitare et son chant clair, une voix grave et douce. La musique la plus minimaliste qu'on puisse imaginer, pour un résultat qui, s'il n'invente strictement rien à rien, sonnait assez honnête pour toucher juste. Et il semblerait que le Suédois ait envie de continuer dans une direction complètement acoustique, puisque voici qu'environ un an plus tard sort Dolt Land, quatrième album du groupe. La première chose qui frappe est la pochette, bien sûr : le projet a pour tradition des photos d'arbres ou de plantes en noir et blanc. Ici, non seulement ce n'est pas une photo, mais ses couleurs sont inversées, et elle semble aussi plus vivante : plus fournie, avec des animaux... Il y a de la vie. Et dedans, il n'y a plus de black metal. Seuls quelques vocaux renvoient à une musique plus saturée ; à peine écorchés, entre le spoken word et le sanglot, ils ont fait la marque de fabrique du chant d'Erik depuis longtemps.

Dolt Land n'abandonne en rien l'identité de Grift, malgré ce changement apparent. On y retrouve le même équilibre entre cris désespérés et chant clair envoûtant et chaleureux, mélodies pleines de spleen et étranges moments lumineux, sublimés par les samples d'oiseaux, de bruissement d'arbres et autres sons des forêts, probablement enregistrés directement dans la nature au milieu de laquelle Erik vit. Dolt Land paraît même plus lumineux, plus apaisé que ses prédécesseurs.  Et les samples autant que la quantité de chant clair n'y sont sûrement pas pour rien. Ce chant clair, justement, a toujours été pour moi un des meilleurs atouts du projet, sa tonalité et sa douceur touchant toujours juste et contrastant avec le caractère désolé du reste de la musique. Ici en revanche, elle est moins seule, plus cohérente avec la suavité d'une guitare sèche et des autres instruments – qui prennent beaucoup plus leur place lorsqu'ils ne sont pas mis en concurrence avec des instruments amplifiés et saturés. La nature est, d'après l'auteur de l'album, l'élément central de celui-ci, avec l'intention de dépeindre tout ce qui se passe en secret et en silence dans cette nature, sans que l'on s'en rende compte. Pour cela, le caractère à la fois simpliste et fin de la musique offre un parallèle.

Le problème de Dolt Land survient lorsqu'on y prête trop attention : les riffs se ressemblent, la musique s'écoule, douce et belle, mais sans variation jusqu'au deux derniers morceaux qui changent un peu les rythmiques. En fond, l'album accompagne parfaitement une balade en forêt ou une journée pluvieuse, mais on a la sensation de s'y perdre dès qu'on s'y penche un peu trop attentivement. Un album folk est le bienvenu et semble parfaitement adéquat avec la quantité de concerts acoustiques que le projet effectue, qui doivent d'ailleurs être magnifiques. Mais la monotonie s'y installe un peu trop vite, avec une sensation d'écouter parfois le même morceau plusieurs fois, et, une fois l'album terminé, on reste là avec l'impression qu'il manquait juste un petit quelque chose.

Tracklist :

1. Silverne Stig
2. Nattens Pilgrim
3. På Vingar Slimrande
4. Evas Backe
5. En Hemskog
6. Gyllene Sal

Les autres chroniques