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mercredi 17 mai 2023

Crowbar @ Paris

Bellevilloise - Paris

Di Sab

En tant que Français, le plateau Crowbar / Black Bomb A peut prêter à sourire. Alors qu’à l’international, Black Bomb A doit faire office de première partie pas forcément adéquate pour Crowbar, en France, leur immense popularité aux débuts des années 2000 pourrait leur donner l’occasion de voler la vedette à la tête d’affiche venue de La Nouvelle Orléans. Capables de mobiliser ce public « Rage Tour » qui est assez conséquent en France, j’avais le sentiment, en gravissant les pentes de Ménilmontant, que le public de ce soir serait strictement ségrégué. Et en effet, en arrivant entre les deux groupes du soir, je croise quelques jeunes, dont l’accoutrement sponsorisé par Rue Keller reflète des insécurités trop prégnantes pour être dissimulées par 3 patches et 8 clous, qui rebroussent chemin après le set des Français.

On a tendance à communément accepter l’idée qu’en vieillissant, on se libère du superflu. Ingmar Bergman comparait d’ailleurs la vieillesse à l’ascension d’une montagne : en perdant ses forces, on y gagnait une vue plus large. C’est dans cet esprit qu’en 2023, je me pardonne de ne pas arriver à l’heure aux concerts et que je décide sans culpabilité aucune de privilégier un falafel blanche/harissa à un set d’un groupe qui ne me parle absolument pas, le tout dans le but d’atteindre un IMC digne de la tête d’affiche du soir.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je profite de ces quelques lignes pour pousser un cri du cœur. Crowbar est un groupe qui, à mon sens, a du mal à trouver son public. Et c’est une des plus grandes injustices de la scène metal. Le groupe a une capacité phénoménale à unir les contraires : à marier la vélocité du punk hardcore à la pesanteur du doom, à être en mesure de montrer ses muscles tout en exprimant, en parallèle, une extrême sensibilité. Là où un groupe comme Eyehategod a une ambiance plus définie mais aussi moins variée, Crowbar, via cette ambivalence exceptionnelle, est un groupe parfaitement unique mais qui, nécessairement, perdra une partie des auditeurs des chapelles avec lesquelles il flirte.  

Et ce soir comme souvent avec Kirk Windstein et sa bande, le public est trop clairsemé par rapport au talent de ceux qui se présentent devant eux. On peut soupçonner des départs post Black Bomb A ou un prix peut être prohibitif (25€, soit les tarots désormais habituels à Paris) cependant, c’est relativement amer que je constate qu’il est possible de circuler à son aise dans tout l’espace sans frôler personne. Le public est assez hétéroclite avec tout de même une grosse partie de fans de Southern Metal et de sludge. Le smoking christ de Down se retrouve sur pas mal de t-shirts alors que le CFH de Pantera n’est, lui, pas trop trop dur à croiser également.  

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Kirk décide de faire ce qu’il sait faire de mieux en public, cracher d’imposants mollards, nous dire qu’il vient de La Nouvelle Orléans et aligner des riffs. Après un « Self-Inflicted » un peu brouillon, le set atteint sa vitesse de croisière et il ne nous reste plus qu’à apprécier les titres qui déroulent. Car il y a toujours ce petit quelque chose qui empêche au groupe de transcender ses créations en les restituant live. Le son est bon, les vocaux sont justes mais il manque ce dynamisme, cette capacité à transmettre plus que les notes qui empêche Crowbar d’être un excellent groupe live. Là où un Orange Goblin arrive à plaire à un public pas forcément connaisseur en live, Crowbar ne déçoit pas ses fans. Pour autant, à mon sens, ils échouent à devenir ce groupe qu’on « écoute pas en studio mais c’est super en live ». La setlist du soir met pourtant à l’honneur la période historique du groupe. Malgré un album sorti l’année dernière, seulement deux titres sont présentés ce soir pour un show résolument tourné vers le passé et en particulier sur l’album éponyme du groupe. Les quelques raretés sorties ce soir (« I Feel the Burning Sun » et surtout « I Have Failed ») masquent l’absence du tube absolu qu’est « The Lasting Dose». Mais alors que « Planets Collide » ne transmet pas les mêmes émotions que sur album, le climax arrive au rappel avec l’interprétation de « No Quarter », titre initialement composé par Led Zeppelin mais dont la pesanteur ajoutée par Crowbar amplifie la dimension menaçante de ce titre.

Difficile de vous recommander d’aller voir Crowbar en live si vous n’êtes pas fans. Il m’est cependant tout aussi difficile de ne pas vous inciter à vous replonger dans cette discographie si spécifique, sincère et snobée. Comme une fois tous les deux ans, vous auriez l’occasion de retrouver Kirk et ses amis dans la quasi-intégralité des festivals d’été. Faites-vous du bien et (re)découvrez ce groupe bien trop méconnu au vu sa qualité.

 

 

Merci à Kirk pour les travaux et à Cartel pour l'invitation