Chronique Retour

Album

07 juin 2021 - ZSK

Fyrnask

VII - Kenoma

LabelVán Records
styleBlack Metal rituel
formatAlbum
paysAllemagne
sortieavril 2021
La note de
ZSK
7.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Venu des terres enneigées du Grand Nord… euh, des forêts touffues de l’Allemagne… euh, de l’ancienne capitale Bonn, Fyrnask est de retour pour son 7ème album… euh, son 4ème album. Nommé VII - Kenoma, ce disque est malgré tout bel et bien la 7ème sortie de Fyrnask, si l’on compte toute la discographie c’est-à-dire la démo Fjǫrvar Ok Benjar (2010), l’album Live Live In Oslo (2018) et le multi-split Samhain Celebration MMXVIII (2018). Mais bon, le voir nommé IV - Kenoma n’aurait pas choqué non plus. Quoi qu’il en soit, on retrouve la formation de Fyrnd 5 longues années d’attente après le très chaotique Fórn. Notons que depuis cet album, Fyrnask n’est plus le one-man band qu’il était à ses débuts. Le line-up s’est même encore étoffé avec l’arrivée d’un deuxième vocaliste (qui figure au générique de Monarkh, l’autre groupe de Fyrnd) et d’un bassiste à plein temps. Composé et enregistré entre 2016 et 2019, VII - Kenoma aura donc mis du temps à prendre forme. Sans être devenu un grand ponte du genre, ni même un projet suffisamment « hype » malgré sa signature chez Ván Records, Fyrnask poursuit sa route et commence à se traîner une bonne petite discographie de qualité, débutée avec Bluostar en 2011, suivi de l’excellent Eldir Nótt (2013), avant que Fórn (2016) ne bouscule un peu les choses en faisant prendre à Fyrnask une direction un chouïa plus expérimentale. Avec quelques morceaux étonnants et un apparat encore plus imprévisible bien que rigoriste sur certains aspects, Fyrnask affirmait encore plus sa personnalité, lui dont la particularité était déjà de mêler un Black-Metal terreux et froid à du Ritual Ambient, à grands coups d’interludes mystiques. VII - Kenoma ("Kenoma" qui était le nom de l’avant-dernier morceau de Fórn) va mettre une nouvelle pierre dans l’édifice si particulier de Fyrnask. Et, encore une fois, quelques éléments vont évoluer et changer…

Première chose que l’on peut remarquer, Fyrnask évacue ici toute forme d’interlude et se concentre désormais sur des morceaux bien plus longs. S’il y avait déjà des compositions dépassant 10 minutes sur Bluostar et Eldir Nótt, Fyrnask se lâche ici encore plus, avec deux points culminants à 13 minutes, "Hrævaþefr" et "Helreginn". Avec donc seulement 6 pistes, autant dire que Fyrnask va faire sensiblement évoluer son mode d’expression. Et que l’aspect « Ritual Ambient » si cher au projet va, à défaut de disparaître, être bien plus dilué dans l’ensemble de l’album, à coups de breaks ou même de fond sonore. Car Fyrnask ne perd pas le Nord et conserve ici son souffle nordico-mystique, qui nous plonge toujours dans une forêt tapie de neige à moitié fondue, la nuit et en suivant des feux chatoyants allumés par quelques rondes de shamans procédant à leurs étranges incantations. Cliché, mais ça fonctionne toujours. La production de l’ensemble est toujours aussi glaciale et enfumée, même si nous ne sommes pas loin d’avoir sur VII - Kenoma la sonorisation la plus « propre » de la discographie de Fyrnask, mais bien sûr tout est relatif et on reste toujours dans un paysage sonore légèrement chaotique et bercé par des vents plus ou moins violents. Chants déchirants, trémolos affûtés, et nombreuses instrumentations acoustiques, tribales et rituelles font toujours le sel de la musique de Fyrnask, qui ici prend une tournure nettement plus atmosphérique qu’à l’accoutumée. Le chaos de Fórn, l’intensité de Eldir Nótt, ne sont plus, place à une certaine introspection, même si l’on a toujours affaire à du Black-Metal, donc forcément un peu extrême et furieux. "Hrævaþefr" prend de toute façon bien le temps de poser le tableau, on reconnaît Fyrnask si on le connaissait déjà mais dans une version un peu plus posée, donc d’un côté encore plus ritualiste, notamment avec ce beau départ tribal-acoustique, suivi d’une lente progression vers un Black-Metal libérateur et épique. Qui explose sans crier gare à partir de 4 minutes, et nous montre que Fyrnask est en forme et n’est pas non plus là pour s’endormir en forêt. Entre fureur et mysticisme (avec de lointains chants grégoriens), la palette n’est pas loin d’être déjà complète. Et Fyrnask de se montrer inspiré après un Fórn peut-être pas si mémorable car trop chaotique.

Avec un long introductif et toujours tout en progression et explosions metalliques salvatrices, "Sjóðandi Blóð" poursuit l’effort et Fyrnask se montre possédé comme jamais, notamment au niveau du/des chant(s). Il faut encore une fois se plonger dans le mood et surtout le paysage sonore un brin bruitiste à sa manière, mais ça vaut le détour, surtout quand de somptueux motifs mélodiques se dégagent, de même que des breaks enivrants. "Niðamyrkr" monte encore d’un cran au niveau des ambiances ritualistes déroutantes, tout en continuant à délivrer un Black-Metal très sombre et terreux au chant halluciné, avec même quelques compos accrocheuses à la frontière du Black/Death. Mais la sensation de VII - Kenoma sera vraiment le fleuve et passionnant "Helreginn". Avec encore une intro progressive menée de main de maître débouchant sur de fantastiques mélodies doublées de chœurs grégoriens, ce morceau dévoile définitivement toute la richesse et l’inspiration de Fyrnask, et sa verve avec toujours ces assauts Black-Metal glissant tel un vent violent entre les arbres. Et que dire de ces développements d’ambiance, ponctués par un final épique… Fyrnask vient peut-être de proposer la meilleure partition de sa carrière jusqu’ici. "Dauðvána" passe après ce bijou en jouant une carte nettement plus mélodique et atmosphérique, presque lumineuse, avec même des vocalises plus « claires » ; tandis que "Blótguð", lui, clôturera l’album de manière 100% rituelle, avec un somptueux chant féminin apocalyptique. Le seul écart d’un album très homogène, bien plus que ses prédécesseurs, quitte à l’être trop sur les 4 premiers morceaux qui suivent un peu tous le même schéma, quitte à donc rendre VII - Kenoma un peu redondant et prévisible. Fyrnask doit encore trouver la formule parfaite pour se structurer, car pour le reste, tout est là, et VII - Kenoma est déjà l’album le plus intéressant de Fyrnask avec bon nombre de passages vraiment remarquables, atteignant une quintessence sur l’excellent "Helreginn". Après sept quatre albums, Fyrnask n’a pas encore sorti son manifeste, mais il s’en rapproche sensiblement, est au top de sa forme sur certains points, et réussit de mieux en mieux à fusionner ses univers Black-Metal et Ritual Ambient. Un album plus envoûtant et accrocheur - bien que paradoxalement toujours aussi difficile d’accès à certains égards - qui a juste encore besoin d’être confirmé pour que Fyrnask devienne une véritable référence, pas seulement dans la scène allemande vu qu’album après album il n’a fait qu’affirmer sa singularité. En tout cas, c’est encore une belle expérience, entre Black-Metal forestier et rituels shamaniques. Oserez-vous vous y aventurer…

 

Tracklist de VII - Kenoma :

1. Hrævaþefr (13:09)
2. Sjóðandi Blóð (10:46)
3. Niðamyrkr (9:13)
4. Helreginn (13:00)
5. Dauðvána (7:15)
6. Blótguð (5:29)

 

Les autres chroniques