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Album

04 janvier 2021 - ZSK

Odem

Timeless Past Above

LabelMoribund Records
styleDeath/Black Metal
formatAlbum
paysRussie
sortienovembre 2020
La note de
ZSK
8/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

J’avais découvert un peu par hasard Odem, en tombant sur l’EP The Valley Of Cut Tongues (2013) dans un amoncellement de promos numériques, et en écoutant la bestiole par simple curiosité. Eh bien, ce fut la grosse baffe. Ce groupe russe à la croisée des chemins entre le Death-Metal polonais et américain envoyait méchamment, et ce sur seulement quatre titres. Mais Odem avait déjà pu se faire remarquer trois ans plus tôt, avec son premier méfait qu’était Rape Your God And Pray For Reprieve (2010), sorti chez Daemon Worship Productions (le label du premier Nightbringer, quand ils avaient encore de l’intérêt). Il faut dire que le trio de Saint-Pétersbourg étonnait, avec un Death assez brutal mais aussi très noir, avec une grosse voix bien profonde, évoquant même par moments un Arkhon Infaustus, voire un Antaeus, d’autant que "Blood War III" fut repris en conclusion de ce premier opus saignant et blasphématoire. The Valley Of Cut Tongues lui avait permis de s’améliorer sur la forme (en réenregistrant d’ailleurs l’excellent "Nails As the Weapons of Hatred") et aussi d’affiner son style, prenant d’ailleurs une direction Death-Metal plus marquée, plutôt que de chercher un équilibre Death/Black. Sorte de croisement entre Hate Eternal, Arkhon Infaustus (donc) et une palanquée de formations polonaises (notamment pour le son qui décoiffe), Odem promettait beaucoup. Mais depuis, les nouvelles s’étaient faites rares, voire inexistantes. Le groupe n’a vraiment ressurgi qu’en juin dernier, par le biais d’un nouveau single, "Vermes", qui annoncera enfin un nouvel album à venir sur le label Moribund (qui lui aussi ne s’était plus fait vraiment remarquer depuis un moment, outre des rééditions de Leviathan). Pour le plus grand bonheur de leurs… euh, de leur fan français (bon j’ai vu un ami facebook en parler, mais il est luxembourgeois), Odem est donc enfin de retour, 7 ans après son dernier stuff, avec Timeless Past Above. Et va un peu surprendre, et ceci dès la parution de son premier single d’ailleurs.

Un premier single de… 9 minutes. Odem aurait-il viré progressif ? Non, mais il continue de triturer son style, qui prend d’ailleurs un sacré bond en avant technique. Les Russes vont aussi en profiter pour travailler leurs ambiances. Mais pour le reste, la recette est toujours la même et elle est toujours aussi puissante, même encore plus vu que la production n’est pas loin d’être digne de grands noms polonais et américains. Pourtant tout est local, Nikita Psarev qui s’est occupé de la sonorisation ayant bossé avec pas mal de groupes inconnus au bataillon par chez nous. Mais la performance est bien là ! Avec ces ingrédients goûtus, des compos Death bien massives et véloces jusqu’aux touches blackisantes et ténébreuses, en passant par le chant toujours aussi rauque et caverneux de KH. Mais dès ce "Vermes", Odem montre plusieurs facettes, jouant avec les tempos, injectant pas mal d’arpèges mélodiques, modernisant aussi un chouia l’ensemble, quitte à se montrer moins sale et méchant qu’à l’époque de Rape Your God And Pray For Reprieve. Au programme de Timeless Past Above, nous n’aurons donc que 6 morceaux pour 44 minutes au total. Odem ne va donc pas hésiter à étirer ses compositions, cela commençant d’ailleurs avec l’ouverture sur "Ascendance", dépassant de peu les huit minutes de déflagration. Entre des blasts bien mortels (certes triggés jusqu’à la moëlle), des assauts techniques, des riffs coup-de-poing à la polonaise, il y a de quoi se régaler, et les divers leads et arpèges assaisonnent le tout et amènent un peu plus d’ambiance, particularité de ce très fouillé et foisonnant Timeless Past Above. L’inspiration, l’efficacité sont au rendez-vous, que demande le peuple ? De déjà souffler un peu après cette première déferlante avec "Desecrate", un interlu… ah bah non, c’est juste un vrai morceau de Death-Metal de 2’34, avec des compos croustillantes et toujours ce côté un petit peu monumental, « blockbuster » dans le bon sens du terme, avec encore cette voix assez impressionnante. Malgré son côté terroir russe, Odem veut bien jouer dans la cour des grands et il en a les moyens.

Le doute n’est plus permis avec "Illuminate" : Odem pratique une sorte de Behemoth au carré, qui en deux temps trois mouvements rassemblera tous ceux qui sont déçus de ce que fait la bande à l’influenceur Instagram Nergal passé Evangelion. Avec une rigueur technique somme toute polonaise, des riffs toujours ultra percutants et assénés sans un sourire, une ambiance bien morbide malgré la modernité de la production, Odem casse vraiment la baraque, se permettant même de jouer sur plusieurs tableaux avec ce morceau rampant mais dur et tranchant. Et ce n’est pas fini vu que Timeless Past Above se poursuit avec "Descendance", allant encore plus loin que "Ascendance" et "Vermes" pour dépasser 12 minutes de Death-Metal brutal et noir. Bien évidemment, les ambiances seront encore à l’honneur, dès l’intro du morceau acoustique (!) d’ailleurs, ou encore pour un break central carrément ambiant, suivi d’un ensemble de compos occultes. Bien évidemment aussi, le tempo sera soutenu, pour mieux nous laisser apprécier encore la grosse voix de KH, mais aussi les accélérations salvatrices et les insertions de compos massives ici et là. Bien évidemment, ça sera un passionnant final un tantinet épique, bien que Timeless Past Above se clôture par une dernière gourmandise : une reprise de "A Glorious Epoch" de Immolation. Qui mine de rien est assez personnelle, entre la voix toujours délicieuse et les leads qui se font plus ténébreux et se font bien remarquer par rapport à l’originale, et pour le reste, ça démonte comme du Immolation moderne. Ce qui boucle d’ailleurs la boucle des influences des Russes et vous l’aurez compris, ce deuxième album d’Odem est tout à fait excellent de bout en bout. Certes, le parti-pris des morceaux longs est légèrement rédhibitoire, car sources de longueurs et d’absence de vrai tube ou morceau fort. Certes, les influences sont attendues, mais Odem frappe tout de même un grand coup sur le fond comme sur la forme, en livrant un album de Death/Black complet et parfaitement arrangé, efficace et ambiancé. Je pense que beaucoup découvriront Odem avec cet album, qui est bien sûr son meilleur effort, mais la (courte) discographie précédente vaut encore la peine et permet de voir l’évolution. L’évolution d’un groupe qui certes n’est plus aussi cracra qu’à l’époque de Rape Your God And Pray For Reprieve, mais qui a ici fait un bond réussi dans le petit monde du Death-Metal surpuissant. Bref, c’est du lourd !

 

Tracklist de Timeless Past Above :

1. Ascendance (8:14)
2. Vermes (9:05)
3. Desecrate (2:34)
4. Illuminate (6:47)
5. Descendance (12:17)
6. A Glorious Epoch (Immolation cover) (4:32)