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Album

10 octobre 2020 - ZSK

Panzerfaust

The Suns Of Perdition - Chapter II: Render Unto Eden

LabelEisenwald
styleBlack/Death Metal orthodoxe
formatAlbum
paysCanada
sortieaoût 2020
La note de
ZSK
8/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Avant que vous posiez la question, j’y réponds : « il est où le Chapter I » ? Hé ben, on ne peut pas tout suivre. En ce qui me concerne en tout cas, c’est avec The Suns Of Perdition - Chapter II: Render Unto Eden que je découvre seulement Panzerfaust. Et il risque encore d’y avoir des retardataires vu que le tout est prévu sur 4 chapitres au final. Ambitieux, le groupe canadien Panzerfaust, pour sa tétralogie inspirée du monde imaginé par George Orwell, dont il reprend fièrement la célèbre citation « if you want a picture of the future, imagine a boot stomping a human face, forever… ». Formé en Ontario en 2005, Panzerfaust a débuté dans une sorte de Black/Thrash qui n’aimait pas vraiment les religions, en témoigne ce morceau au doux nom de "Impale the Nazarene (Fuck You Father for I Have Sinned)" sur son deuxième album The Dark Age Of Militant Paganism (2008). Sa haine ne s’est pas tarie avec l’âge, mais Panzerfaust a évolué musicalement dès Jehovah-Jireh: The Divine Anti-Logos (2013) en glissant doucement mais sûrement vers du Black-Metal un peu plus orthodoxe avec force arpèges et ambiances noires. The Lucifer Principle, EP sorti en 2016 sur Avantgarde Music, avait déjà enfoncé le clou et a entériné le Panzerfaust que l’on connaît maintenant - ou plutôt que l’on vient de découvrir. Celui qui a donc décidé de produire quelque chose d’encore plus travaillé, avec a la clé cette tétralogie plutôt attirante. L’aventure a donc débuté il y a un peu plus d’un an avec The Suns Of Perdition - Chapter I: War, Horrid War. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le groupe canadien n’est pas loin d’être une belle révélation. Un Black penchant vers du Black/Death, racé, terreux, ténébreux, en utilisant juste ce qu’il faut en termes d’orthodoxeries. Rien d’original dans l’absolu mais avec des morceaux tels que "Stalingrad, Massengrab" ou le fleuve "The Men of No Man’s Land", Panzerfaust convainc sans mal. Et rentre dans une longue liste de groupes à l’aura occulte avec qui il va falloir rivaliser. Un an plus tard, Panzerfaust (pas très original comme nom au passage non plus) va donc confirmer ces dispositions avec, déjà, le second chapitre de son épopée Orwellienne, qui se nommera Render Unto Eden.

Le Black orthodoxe à arpèges mystiques et ambiances occultes a pignon sur rue, donc il ne va pas falloir attendre de Panzerfaust une singularité débordante. Mais le groupe canadien fait de grands efforts pour se démarquer, encore plus que sur War, Horrid War. D’ailleurs, posons un peu le tableau plus précisément, Panzerfaust est en quelque sorte le plus polonais des groupes de Black canadiens. Son BM semble fortement descendre de celui de Kriegsmaschine et Mgła, pour les côtés orthodoxo-tribal et assez mélodique, même si on peut aussi trouver des touches de Black allemand voire islandais (le début de "The Faustian Pact" par exemple). Cela nous rappelle d’ailleurs un autre groupe nord-américain également signé chez Eisenwald, Uada. Et Panzerfaust est en quelque sorte à Kriegsmaschine ce que Uada est à Mgła. Un Kriegsmaschine qui se situerait entre Altered States Of Divinity et Enemy Of Man, soit ce qui était pratiqué sur (le mitigé ?) Apocalypticists d’ailleurs. Pour savoir si Panzerfaust rivalise avec Kriegsmaschine, on repassera de toute façon mais l’important est ailleurs. Car Panzerfaust assure pas mal dans ce domaine qui va tout de même chercher loin dans les sous-styles du Black-Metal. Il maîtrise pas mal de choses de base et tente d’y apporter sa patte. A commencer par ce chant qui alterne du gueulé possédé et des vocalises plus rauques et éructées. C’est assez déroutant au premier abord, mais vite prenant, et ça fait vite le charme de Panzerfaust. Ces chants se posent sur un Black-Metal à la fois viscéral et raffiné, capable de blaster et de passer allègrement la frontière du Black/Death, et d’enchaîner les arpèges et leads mirifiques, presque libérateurs. Tout cela sur des morceaux relativement longs. Surprenant aussi car bien que Render Unto Eden propose aussi 5 morceaux, il dure presque un quart d’heure de plus que le très court War, Horrid War (32 minutes), qui aujourd’hui sonne plus comme une mise en bouche. Plus il avance dans sa carrière, plus Panzerfaust démontre son ambition. Mais presque sans prétention, les Canadiens vont livrer un 2ème volet et un 5ème album très solide et qui va tenter d’apporter un peu de frais au Black-Metal le plus « orthodoxe », du point de vue de sa définition strictement musicale.

C’est d’ailleurs tout en arpèges mystiques et batterie tribale que s’ouvre "Promethean Fire", ce qui donne déjà le ton, en plus de l’arrivée assez épique des éléments plus extrêmes avec en point d’orgue ces chants déjà libérateurs. Il n’y a pas à dire, Panzerfaust se débrouille bien niveau mise en scène et atmosphères. Une lente montée pour commencer, qui se termine d’ailleurs en fanfare avec une intervention surprenante de Masha d’Arkona pour un final quasi orientalisant. "The Faustian Pact" enchaîne dans la noirceur, les arpèges et patterns se font plus aliénants, les chants encore plus possédés, les assauts Black/Death plus marquants, Panzerfaust joue avec tout ça et avec notre mental au passage. Pour mieux repartir dans la lumière ensuite avec un "Areopagitica" autrement plus mélodique, laissant voir le côté le plus Mgła des canadiens. La dernière partie du morceau en est même particulièrement envoûtante. Mais ce n’est rien à côté de la vraie sensation de Render Unto Eden qu’est l’incroyable "The Snare of the Fowler", où Panzerfaust va étaler toute sa palette et son inspiration. De loin le morceau le plus dynamique de l’album, qui commence pourtant de manière assez mélodique avec quelques soubresauts blastés, mais qui arrivé en milieu de course ne cessera d’enchaîner les compos absolument mortelles, toujours plus en mode Mgła mais façon "Exercises in Futility V". Une grosse performance qui se clôture à nouveau de manière plus mélodique et épique, pour embrayer sur la conclusion de ce chapitre qu’est "Pascal’s Wager", conclusion encore une fois très lumineuse mais qui réserve quelques dernières menues compos Black/Death. Malgré quelques longueurs et une production encore un peu trop chaotique pour certaines conditions d’écoute (même si le groupe s’est sensiblement amélioré sur ce point depuis Jehovah-Jireh: The Divine Anti-Logos), The Suns Of Perdition - Chapter II: Render Unto Eden est quand même une sacrée sensation en termes de Black/Death tendance orthodoxe. De l’école Kriegsmaschine donc, qui tend vers plus de mélodie à la Mgła, et avec une excellente science des contrastes qui nous amène de fabuleux moments feutrés, désenchantant l’atmosphère pour mieux appuyer la noirceur et le pessimisme du propos. Panzerfaust n’est toujours pas éminemment original dans ce qu’il fait, mais il le fait très bien, et il progresse d’album en album, laissant énormément d’espoir pour les deux prochains chapitres. Bref, il va falloir suivre de près la suite de cette tétralogie, et si ce n’est pas déjà fait, ce Chapter II est une belle porte d’entrée. On se donne déjà rendez-vous bientôt, et Panzerfaust a un beau potentiel pour devenir une formation de premier choix en termes de Black-Metal rugueux mais classieux.

 

Tracklist de The Suns Of Perdition - Chapter II: Render Unto Eden :

1. Promethean Fire (10:21)
2. The Faustian Pact (8:09)
3. Areopagitica (7:34)
4. The Snare of the Fowler (9:53)
5. Pascal’s Wager (8:00)

 

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